Sans le réchauffement climatique, l'ouest des États-Unis et du Canada aurait-il connu une vague de chaleur ? Vraisemblablement, reconnaissent les scientifiques. Mais elle aurait été sans commune mesure avec celle qui sévit actuellement sur la région.
Plus de 46 °C à Portland (États-Unis).
116 °F (46.7 °C)!
— Dr. Robert Rohde (@RARohde) June 29, 2021
Portland International Airport has reported a new all-time record high temperature for the third day in a row. pic.twitter.com/8eVIcSpDQ6
Et même 49,6 °C à Lytton (Canada).
I didn't think it was possible, not in my lifetime anyway.
— Scott Duncan (@ScottDuncanWX) June 30, 2021
+49.6°C in Canada. That is 121°F!
This is the story of the Canadian heat record that was crushed on 3 consecutive days by an unfathomable margin of +4.6°C (+8°F).
This moment will be talked about for centuries. pic.twitter.com/Ogkn5KQKBM
Le 23 juin dernier, les services météo avaient annoncé une « vague de chaleur historique et dangereuse ». Et depuis quelques jours en effet, dans le nord-ouest du Pacifique, le mercure s'affole. Imaginez : à Portland comme à Lytton, les normales du mois de juin se situent aux alentours des 20 °C ! Les experts n'hésitent pas à parler de « vague de chaleur la plus extrême que la Terre ait connue depuis longtemps ». En cause, le « dôme de chaleur » sans précédent qui recouvre actuellement la région.
Un dôme de chaleur ? C'est un événement qui se produit l'été, lorsque le courant-jet -- le fameux « jet-stream » qui fait voyager l'air à haute altitude -- se tourne vers le nord. De l'air chaud s'élève alors. La pression atmosphérique augmente. Ajoutez-y l'influence du phénomène La Niña. Et vous obtenez un effet dôme. L'air chaud cherche à s'en échapper. Un peu comme dans une cocotte-minute. Mais il est retenu par les fortes pressions. Rabattu vers la surface, il libère de la chaleur. Tout en continuant à subir le poids de l'atmosphère au-dessus de lui. Il devient plus dense, plus chaud. Il ne peut plus échapper au cycle infernal. Circulant sans fin de haut en bas.
L'ennui, ici, c'est que plus la température est élevée, plus le dôme est puissant et inversement. D'autant que les dômes de chaleur écartent les nuages, laissant le champ libre aux rayons du soleil pour réchauffer encore un peu plus l'atmosphère. Favorisant encore un peu plus la sécheresse déjà en cours qui, elle-même, permet aux systèmes de haute pression de générer plus facilement des vagues de chaleur, faute d'eau à évaporer dans le sol. Et lorsque le phénomène survient juste après le solstice d'été, c'est encore pire...
Le réchauffement climatique au banc des accusés
Il est donc question ici d'une dynamique atmosphérique plutôt classique. Qui peut assurément se développer hors contexte de réchauffement climatique. Mais les experts sont unanimes : sans le changement climatique anthropique, un dôme de chaleur d'une puissance aussi extrême n'aurait presque sûrement pas pu se mettre en place.
I've worked with climate projections for 25 years so we knew this was coming: yet it's still a shocker when you see these records falling in real life in a place you're from. https://t.co/pdPpVYhiuv
— Prof. Katharine Hayhoe (@KHayhoe) June 29, 2021
Nous savons depuis longtemps déjà maintenant qu'un réchauffement climatique entraînerait davantage de températures extrêmement chaudes. « Le climat, c'est comme des stéroïdes pour la météo », compare Zeke Hausfather, climatologue au Breakthrough Institute. La science est claire à ce sujet. Selon les chercheurs, la question ne se pose plus. Le réchauffement climatique rend les vagues de chaleur plus fréquentes, plus longues et plus intenses.
Quick on how to think about the impact of climate change on the current PNW heatwave (and all other heatwaves).
— Andrew Dessler (@AndrewDessler) June 25, 2021
First, there's no question that climate change is making this heat wave worse. None. Zero. Nada.https://t.co/PVkHiIVE01
Les scientifiques l'annoncent depuis longtemps maintenant. Les vagues de chaleur se produisent désormais trois fois plus souvent que dans les années 1960. Elles touchent 25 % de superficies en plus dans l'hémisphère Nord qu'en 1980. Dans la région du nord-ouest du Pacifique touchée aujourd'hui, les chercheurs annoncent un stress thermique qui triplera d'ici 2100.
Pour expliquer le caractère extrême de la vague de chaleur qui sévit actuellement sur le nord-ouest du Pacifique, des climatologues, Michael Mann en tête, invoquent un phénomène de résonance des vagues favorisé par le réchauffement plus important de l’Arctique que du reste de la Planète. Selon eux, lorsque les différences de températures s'amenuisent entre le pôle Nord et les régions subtropicales, le courant-jet ralentit. Il peut alors s'installer dans une configuration très ondulante et plutôt stable. De quoi permettre à de hautes pressions de rester en place pendant plusieurs jours. Des conclusions qui font toutefois encore débat au sein de la communauté scientifique.
Incendie en #BritishColumbia provoqué pr les températures extrêmes .. https://t.co/jDnvo3Mbys
— Barney (@TryAnotherLife) June 30, 2021
Notre maison brûle !
Parmi tous les événements météorologiques extrêmes, Michael Mann, toujours, rappelle dans un article du New York Times que les vagues de chaleur sont les plus meurtrières. Au cours des 30 dernières années, elles ont causé plus de morts aux États-Unis que les ouragans et les inondations additionnés.
Alors les autorités prennent des mesures. Fermetures d'écoles, de centres de vaccination ou même d'entreprises. Ouvertures, à l'inverse, de bâtiments climatisés comme les cinémas ou les bibliothèques. Malgré ces précautions, des centaines, des milliers de personnes ont déjà été admises à l'hôpital pour des troubles liés à la chaleur. Un afflux comparé par les médecins à celui du début de la pandémie de Covid-19. À Vancouver, ce mardi, la police annonçait avoir répondu à plus de 130 appels pour des morts subites dans lesquelles la chaleur était un « facteur contributif ».
Le saviez-vous ?
À Portland, le service du tramway a été suspendu suite à… la fonte des câbles électriques sous la chaleur ! Ailleurs, des routes se sont déformées. Et les fournisseurs d’électricité demandent à leurs clients de consommer moins pendant la vague de chaleur.
Et pour boucler la boucle, revenons à Lytton qui avait hier, pulvérisé son record de température en frôlant les 50 °C. Pour noter que les habitants de la ville, située à quelque 300 kilomètres à l'est de Vancouver, ont reçu, il y a quelques heures, l'ordre d'évacuer leurs maisons. Juste avant que la ville ne prenne littéralement feu. « Entre les premiers signes de fumée et l'embrasement général, il n'a fallu que 15 minutes », raconte Jan Polderman, le maire de Lytton à CNN. « Ce sera un miracle si tout le monde a pu s'en sortir indemne. »
If you want a sense of how quickly the fires in #Lytton and #Kamloops grew, here is the last 12 hrs of satellite footage over southern BC. #BCWildfirepic.twitter.com/xDIrlnkMns
— Ben Parsons (@Ben_Parsons__) July 1, 2021
Dans le seul État de Colombie-Britannique, 67 feux de forêt sont en cours dont 44 qui se sont déclarés ces deux derniers jours.
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