Des centaures, petits corps orbitant entre Jupiter et Neptune, sont régulièrement déviés vers le Système solaire interne après s'être approchés de Jupiter. Selon une nouvelle étude, une sonde spatiale pourrait attendre à proximité de la planète qu'un tel événement se produise, puis voler aux côtés du centaure, prenant des mesures tout au long de sa transformation en comète alors qu'il s'approche du Soleil. Une cible potentielle a même déjà été identifiée.


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    Des millions de petits corps -- astéroïdes, comètes et assimilés -- peuplent le système solaire. Parmi ceux-ci, on connaît bien la ceinture d'astéroïdes, entre Mars et JupiterJupiter, et la ceinture de Kuiper, au-delà de NeptuneNeptune. Cependant, des milliers de petits corps de glace et de roche se cachent également dans la zone intermédiaire, entre Jupiter et Neptune : les centaures, nommés d'après les créatures hybrideshybrides (mi-homme mi-cheval) de la mythologie grecque en raison de leur classification à mi-chemin entre les astéroïdes et les comètes.

    De centaure à comète

    De temps en temps, un centaure s'approche de Jupiter et finit projeté dans le système solaire interne. On pense que c'est la source de nombreuses comètequi s'approchent de la Terre. Une nouvelle étude expose la dynamique de ce système méconnu.

    Dans cette étude, les scientifiques ont examiné la population des centaures et les mécanismes par lesquels ces objets deviennent parfois des comètes s'approchant du Soleil. Ils estiment qu'environ la moitié des centaures devenus comètes ont fini dans le système solaire interne en interagissant à la fois avec les orbitesorbites de Jupiter et de SaturneSaturne. L'autre moitié s'approche trop près de Jupiter, se retrouve prise dans son orbite puis projetée vers le centre du système solaire.

    Sur cette vue d’artiste, le centaure 29P/Schwassmann-Wachmann 1 (SW1) tel qu’il apparaîtrait après sa transition vers un état de comète de la famille de Jupiter et vu à une distance de 30 millions de kilomètres de notre Terre. La Lune, en haut à droite, est représentée pour l’échelle. © Heather Roper, Université de l’Arizona
    Sur cette vue d’artiste, le centaure 29P/Schwassmann-Wachmann 1 (SW1) tel qu’il apparaîtrait après sa transition vers un état de comète de la famille de Jupiter et vu à une distance de 30 millions de kilomètres de notre Terre. La Lune, en haut à droite, est représentée pour l’échelle. © Heather Roper, Université de l’Arizona

    Ce dernier mécanisme a suggéré un moyen idéal pour mieux voir ces futures comètes : les agences spatiales, ont déclaré les scientifiques, pourraient envoyer une sonde vers Jupiter, la faire attendre en orbite jusqu'à ce qu'un centaure atteigne l'orbite de Jupiter, puis la faire voler aux côtés du centaure alors qu'il se dirige vers le Soleil, en prenant des mesures tout au long de sa transformation en comète.

    Darryl Seligman, chercheur postdoctoral à l'Université de Chicago et auteur correspondant de l'article, explique : « Ce serait une opportunité incroyable de voir une comète vierge "s'allumer" pour la première fois. Cela donnerait un trésor d'informations sur la façon dont les comètes se déplacent et pourquoi, comment le système solaire s'est formé et même comment se forment les planètes semblables à la Terre ».

    De reliques précieuses à étudier

    « Ces objets sont très anciens, contenant de la glace des premiers jours du système solaire qui n'a jamais fondu, poursuit Seligman. Quand un objet se rapproche du SoleilSoleil, la glace se sublime [passe de l'état solideétat solide à l'état gazeuxétat gazeux, ndlr] et produit ces belles longues queues. Par conséquent, les comètes sont intéressantes non seulement parce qu'elles sont belles, mais aussi car elles vous donnent un moyen de sonder la composition chimique de choses du système solaire lointain. »

    La glace des comètes est composée de différentes moléculesmolécules qui commencent à se sublimer à différentes distances du Soleil. En prenant des mesures de cette queue, « vous pourriez déterminer où s'activent les glaces typiques des comètes, ainsi que la structure interne détaillée d'une comète, ce que vous avez très peu d'espoir de comprendre à partir de télescopestélescopes au sol », précise Seligman.

    Vue d'artiste de la sonde Rosetta devant 67P/Churyumov–Gerasimenko. © ESA, ATG medialab – image de la comète : ESA, Rosetta, Navcam
    Vue d'artiste de la sonde Rosetta devant 67P/Churyumov–Gerasimenko. © ESA, ATG medialab – image de la comète : ESA, Rosetta, Navcam

    Bien que l'idée semble compliquée, plusieurs agences spatiales disposent déjà de la technologie pour y parvenir, comme le montrent diverses missions récentes ou en cours pour explorer le système solaire externe (par exemple Juno, de la NasaNasa), des astéroïdes (par exemple, la mission japonaise Hayabusa 2 et sa consœur américaine Osiris-REx) ou des comètes (par exemple la mission européenne Rosetta).

    Il y a même déjà une cible potentielle : il y a un an et demi, les scientifiques ont découvert qu'un centaure actif, P/2019 LD2 (Atlas), se retrouvera probablement sur une orbite intérieure à celle de Jupiter après son passage près de la planète en 2063. Seligman conclut : « Il est très possible qu'il y ait dix cibles supplémentaires dans les 40 prochaines années qui seraient atteignables par une sonde stationnée autour de Jupiter. Nous avons des mentions de comètes remontant à des milliers d'années ; ne serait-ce pas cool de voir comment cela se passe de près ? ».