Le quartz est un minéral banal sur Terre mais, curieusement, on ne l'avait jamais trouvé dans des météorites, pourtant reflet du matériau à l'origine des planètes rocheuses du Système solaire. C'est chose faite avec la météorite Yamato-793261 qui nous renseigne donc sur la cosmogonie planétaire.

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    La théorie de la formation des planètes n'est pas qu'un problème de mécanique céleste, d'astrophysique des fluides et des plasmas, de théorie du transfert du rayonnement. C'est aussi un problème de chimie, de cosmochimie même, tant la naissance du Système solaire et sa composition chimique est le reflet du Big Bang et de l'histoire de la Voie lactée.

    Cette chimie planétaire, on l'a d'abord construite et contrainte par la géochimie bien terrestre et les débuts de la spectroscopie stellaire au XIXe siècle, puis par les progrès rapides dans l'étude des météorites au cours du XXe siècle. Ces roches sont la mémoire du Système solaire qui nous est le plus facilement accessible, et de loin, si l'on pense à rapporter sur Terre des échantillons lunaires, martiens et bien sûr des astéroïdesastéroïdes et des comètescomètes, même si des études in situ par des sondes sont possibles.


    MOJO : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    Les cosmochimistes se nourrissent aussi aujourd'hui des données spectrales concernant la composition des disques protoplanétairesdisques protoplanétaires. Des télescopestélescopes en orbiteorbite comme SpitzerSpitzer (dont le samedi 25 août 2018 correspond aux 15 ans de ses bons et loyaux services dans l'espace) ou encore Herschel, ont permis de détecter des minérauxminéraux bien connus sur Terre comme la forstérite ou l'olivine. Curieusement, alors que l'on avait déjà trouvé des traces d'un autre minéralminéral très connu, à savoir le quartzquartz de formule chimique SiO2 dans les spectresspectres infrarougesinfrarouges des disques protoplanétaires entourant les jeunes étoilesétoiles T-Tauri ou dans ceux de la matièrematière autour des étoiles en fin de vie sur la branche asymptotique des géantesbranche asymptotique des géantes, personne n'avait encore trouvé du quartz dans des météorites.

    En découvrir serait une information intéressante qui renforcerait l'idée que l'on peut effectivement étudier aujourd'hui, sous nos yeuxyeux, les mêmes processus cosmochimiques à l'origine des planètes du Système solaire qui se sont formées par accrétionaccrétion de poussières, gazgaz, météorites, glaces, etc. il y a plus de 4,5 milliards d'années, en observant des disques protoplanétaires.

    La météorite Yamato-793261 (Y-793261) trouvée en Antarctique. © 2018 Waseda University.

    La météorite Yamato-793261 (Y-793261) trouvée en Antarctique. © 2018 Waseda University.

    Yamato-793261 et 162173 Ryugu, une origine commune ?

    Et voilà qu'une équipe de chercheurs de l'université de Waseda, de la Graduate University for Advanced Studies, de l'université d'Hawaï à Manoa, de l'université Harvard et de l'Institut national de recherche polaire japonais vient d'annoncer via une publication d'un article dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (Pnas) qu'elle avait enfin découvert ce minéral dans une météorite.

    Les chercheurs l'ont trouvé dans un échantillon de Yamato-793261 (Y-793261), une chondritechondrite carbonée très ancienne trouvée lors d'une expédition en AntarctiqueAntarctique en 1979 dans les fameuses montagnes Yamato, une source de météorites bien connue depuis 1969 (les mouvementsmouvements des glaciersglaciers dans cette région y concentrent les météorites tombées sur l'InlandsisInlandsis).

    Les cosmochimistes sont certains que ces cristaux de quartz ne sont pas le produit d'une synthèse récente à l'échelle de l'histoire du Système solaire, du fait qu'ils ne trouvent pas trace d'un métamorphismemétamorphisme du corps rocheux à l'origine de Y-793261 par chauffage suite à des impacts. De plus, ces cristaux ont été trouvés dans des inclusions réfractairesréfractaires qui se sont formées à des températures élevées et qui sont donc les plus anciennes matières solidessolides du Système solaire, parce qu'elles se sont condensées les premières lors du refroidissement du disque protoplanétaire. Ces inclusions ne sont pas celles riches en calciumcalcium et en aluminiumaluminium (CAI) bien connues avec Allende mais des agrégats d'olivineolivine amiboïde (AOA). Ils sont formés sur une large plage de températures d'environ 900 à 1.500 °C.

    Image d'artiste de la nébuleuse protoplanétaire solaire. L'image à gauche est la structure de la silice cristalline, c'est-à-dire du quartz, et à droite, une micrographie électronique de l'agrégat d’olivine amiboïde que l'équipe de recherche a trouvée dans la météorite primitive Yamato-793261. © NASA/JPL-Caltech

    Image d'artiste de la nébuleuse protoplanétaire solaire. L'image à gauche est la structure de la silice cristalline, c'est-à-dire du quartz, et à droite, une micrographie électronique de l'agrégat d’olivine amiboïde que l'équipe de recherche a trouvée dans la météorite primitive Yamato-793261. © NASA/JPL-Caltech

    Leur composition isotopique en oxygèneoxygène, proche de celle du SoleilSoleil, fournit une autre information. Ces AOA se sont condensés proche du proto-Soleil, à environ 0,1 UAUA, soit 1/10 de la distance de la Terre au Soleil.

    C'est ce qui laisse penser à Timothy Jay Fagan, professeur de géochimie à l'université de Waseda, que le corps parent Y-793261 est très probablement un objet astronomique proche de la famille des astéroïdes Apollon, dont un membre n'est autre que 162173 Ryugu, actuellement à l'étude par le vaisseau spatial japonais HayabusaHayabusa 2. RyuguRyugu pourrait partager les mêmes propriétés que Y-793261 et potentiellement fournir plus d'informations sur le Système solaire précoce. Ce qui fait dire à Timothy Jay Fagan : « En combinant les recherches en cours sur les météorites avec les nouveaux résultats de Ryugu, nous espérons mieux comprendre les évènements thermiques et les transferts de massemasse qui se sont produits au début de notre Système solaire. »