Trois anneaux de poussière formant des sortes de tores autour des orbites de la Terre, Vénus et maintenant Mercure ont été découverts ces dernières années. L'étude de ces anneaux et de leur origine devrait permettre de mieux comprendre la cosmogonie du Système solaire et des exoplanètes.


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    Une courte allusion dans Bohemian Rhapsody, le biopic consacré au groupe Queen et à son chanteur emblématique Freddie Mercury, nous apprend qu'avant de devenir le guitariste que l'on connaît, Brian May avait entrepris des études d'astrophysique. Il avait en effet laissé en plan une thèse sur la poussière zodiacale, c'est-à-dire la poussière interplanétaire que l'on trouve dans le plan de l'écliptique autour du Soleil et qui est à l'origine de la lumière zodiacale. Brian May a terminé sa thèse en 2008 et désormais docteur en astrophysique, il a même contribué, modestement, à la mission New HorizonsNew Horizons en produisant la première image en relief de PlutonPluton.

    Comme Futura l'avait expliqué il y a cinq ans, on peut penser que May avait été intéressé à l'époque par la confirmation de l'existence d'un anneau de poussière zodiacale enveloppant l'orbite de VénusVénus. On peut à nouveau penser qu'il est intéressé par l'annonce de la découverte d'un anneau similaire associé à l'orbite de MercureMercure. Au total, pour le Système solaireSystème solaire interne, nous en connaissons même trois puisque l'on sait qu'un tore de poussière est aussi présent autour de l'orbite de la Terre.

    La poussière dans le Système solaire a une origine et des sources diverses. Il peut s'agir de celle laissée par sa formation ou provenant de l'espace interstellaire mais nous savons que le dégazagedégazage des comètescomètes en approche du Soleil et les collisions entre astéroïdesastéroïdes dans la fameuse ceinture principale entre Mars et JupiterJupiter apportent des contributions très importantes.

    Une vue d'artiste des anneaux de poussière zodiacale associés aux orbites des planètes internes du Système solaire. © Nasa’s Goddard Space Flight Center, Mary Pat Hrybyk-Keith
    Une vue d'artiste des anneaux de poussière zodiacale associés aux orbites des planètes internes du Système solaire. © Nasa’s Goddard Space Flight Center, Mary Pat Hrybyk-Keith

    Une fenêtre sur la cosmogonie du Système solaire

    Ces poussières subissent l'influence combinée de la gravitégravité du Soleil et des planètes et bien évidemment du rayonnement solairerayonnement solaire. Tout comme au début de la formation du Système solaire, ou comme dans les images que peuvent nous fournir des instruments comme Alma nous montrant de jeunes disques protoplanétairesdisques protoplanétaires, ces forces vont modifier les trajectoires des poussières. Elles vont ainsi tomber en spirales vers leur soleil hôte et se rassembler en anneaux sous l'effet des résonancesrésonances gravitationnelles.

    Il est donc possible d'obtenir des renseignements sur la formation des exoplanètesexoplanètes ou celle des planètes dans le Système solaire primitif en étudiant la poussière zodiacale, son comportement et sa répartition.

    On s'attendait qu'à une distance suffisamment proche du Soleil la température soit si élevée qu'elle provoquerait la vaporisationvaporisation de ces poussières, ce qui conduirait à la formation d'un disque interne qui en serait dépourvu. Or, déterminer précisément où se trouve cette limite peut renseigner sur la composition de la poussière elle-même et indiquer comment les planètes se sont formées dans le jeune Système solaire.

    Deux chercheurs états-uniens, Guillermo Stenborg et Russell Howard avaient entrepris de vérifier cette prédiction, comme sous-produit indirect de leurs travaux, sur la compréhension de météorologiemétéorologie solaire. Pour ces physiciensphysiciens solaires, il ne s'agissait  pas, initialement, de faire de la cosmogonie. En tout premier lieu, ils cherchaient à modéliser la lumière zodiacale, c'est-à-dire la lumière émise en réponse par la poussière zodiacale à son exposition au rayonnement du Soleil. Cette lumière pollue le rayonnement direct de la surface de notre étoileétoile et de sa couronne, auquel elle s'ajoute dans les observations faites par les satellites Stereo et maintenant Parker Solar Probe.

    Faire de la météorologie solaire implique donc de modéliser les émissionsémissions de la poussière zodiacale pour les soustraire du rayonnement total et remonter à celui directement en relation avec les colères du Soleil.


    Une vidéo illustrant la découverte de l'anneau de poussière zodiacale autour de Vénus en utilisant les sondes Stereo. © Nasa’s Scientific Visualization Studio, Tom Bridgman

    Des astéroïdes inconnus co-orbitant avec Vénus

    Mais, comme les deux astrophysiciensastrophysiciens connaissaient aussi l'existence de la prédiction d'une absence de poussière en deçà d'une certaine distance au Soleil, ils savaient qu'ils pouvaient faire d'une pierre deux coups. C'est ainsi qu'ils ont fait la découverte d'un anneau de poussière associé à Mercure, similaire à ceux de Vénus et la Terre, et dont on n'attendait pas la présence. Les deux hommes l'expliquent dans un article publié dans The Astrophysical Journal. Un cas typique de découverte par sérendipitésérendipité.

    La situation est assez différente cependant dans le cas d'un travail effectué par des chercheurs de la NasaNasa, qui concerne également la poussière zodiacale et qui a donné lieu à un article dans The Astrophysical Journal. On le doit à Petr Pokorny et Marc Kuchner.

    Ces deux astrophysiciens cherchaient à comprendre l'origine principale de l'anneau de poussière associé à l'orbite de Vénus. Contrairement au cas de la Terre, il était impossible d'en rendre compte par des collisions entre corps célestes dans la ceinture principale d'astéroïdes. Même les familles de comètes parcourant le Système solaire n'étaient d'aucune utilité selon les calculs des chercheurs. Une seule solution existait : des astéroïdes co-orbitant avec Vénus autour du Soleil.

    Remarquablement, ces objets devraient être des vestiges d'une population d'astéroïdes formés aux abords de l'orbite de Vénus depuis la naissance du Système solaire et pas des petits corps formés bien au-delà et piégés ensuite par les résonances gravitationnelles et le chaos. Si tel est le cas, on pourrait avoir dans le futur des renseignements précieux sur la naissance de Vénus et de la Terre.


    Vénus génère un anneau de poussières zodiacales autour du Soleil

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 27/11/2013

    Les résonances orbitalesorbitales creusent des zones dans la ceinture d'astéroïdesceinture d'astéroïdes et dans les anneaux de Saturneanneaux de Saturne. Elles provoquent aussi la formation d'anneaux de poussières zodiacales autour du Soleil, comme le prouvent les observations des sondes de la mission Stereomission Stereo avec Vénus.

    Un groupe de chercheurs britanniques vient de publier dans Science un article qui doit sûrement retenir l'intérêt de l'ex-guitariste du groupe Queen. Avant de faire équipe avec Freddie Mercury, Brian May avait en effet entrepris une thèse sur la poussière zodiacale. Quelques années après la mort du chanteur des suites du SidaSida, May a repris ses travaux pour finalement décrocher son doctorat d'astrophysique en 2007.

    La poussière zodiacale a été découverte bien avant que l'on puisse connaître son origine. En effet, c'est elle qui est responsable de la lumière zodiacale. Cette lumière est produite par la réflexion de la lumière du Soleil par les particules de poussières du milieu interplanétaire présentes dans le Système solaire. Ces particules sont essentiellement des grains de matièrematière éjectés par les comètes de la famille de Jupiter (nommées Jupiter-family comets ou JFC en anglais), et non des poussières résultant de collisions entre astéroïdes.

    Anneaux de poussières causés par des résonances orbitales

    La famille de Jupiter regroupe les comètes influencées par l'attraction de cette planète et dont la période orbitale n'excède pas 20 ans. Elles ne s'éloignent pas à plus de sept UAUA environ du Soleil, et se déplacent pour la plupart dans le même sens que les planètes, sur une orbite située généralement au voisinage du plan de l'écliptique. C'est donc dans ce plan que s'accumule la poussière zodiacale, et l'on pouvait s'attendre à ce que les planètes internes y provoquent la formation d'anneaux, comme le font les lunes de Saturne. On peut aussi penser aux résonances gravitationnelles causées par Jupiter et qui expliquent les lacunes de Kirkwood.

    Daniel Kirkwood (1814-1895) était un astronome américain qui a eu l’idée de dresser un diagramme du nombre d’astéroïdes connus de son temps en fonction de leur distance au Soleil. Il a alors découvert plusieurs lacunes dans cette distribution, qui portent aujourd’hui son nom, et avait déjà compris qu’elles étaient liées à des résonances avec l’orbite de Jupiter. Kirkwood a également suggéré que des résonances causées par les lunes de Saturne expliquaient la fameuse division Cassini dans ses anneaux. Enfin, l’astronome a été le premier à associer les pluies d'étoiles filantes aux débris cométaires. © DP
    Daniel Kirkwood (1814-1895) était un astronome américain qui a eu l’idée de dresser un diagramme du nombre d’astéroïdes connus de son temps en fonction de leur distance au Soleil. Il a alors découvert plusieurs lacunes dans cette distribution, qui portent aujourd’hui son nom, et avait déjà compris qu’elles étaient liées à des résonances avec l’orbite de Jupiter. Kirkwood a également suggéré que des résonances causées par les lunes de Saturne expliquaient la fameuse division Cassini dans ses anneaux. Enfin, l’astronome a été le premier à associer les pluies d'étoiles filantes aux débris cométaires. © DP

    Ces résonances, combinaisons de forces gravitationnellesforces gravitationnelles, piègent des corps célestes sur des orbites ou au contraire les en éloignent. Elles se produisent lorsque le rapport des périodes de révolutionpériodes de révolution de deux objets orbitant autour d'un troisième est une fraction entière simple. C'est un cas particulier de résonance mécanique. On sait bien qu'il suffit de pousser une personne sur une balançoire à une fréquencefréquence bien définie soit pour amplifier son mouvementmouvement, soit pour le freiner.

    De fait, un anneau de poussières associé à la Terre est connu depuis environ 20 ans. Les chercheurs suspectaient l'existence d'un autre, associé à Vénus cette fois, depuis plus longtemps. Les sondes russes Venera 9 et VeneraVenera 10 avaient en effet fourni des indices de l'existence d'un anneau de poussières autour du Soleil coïncidant avec l'orbite de Vénus dès le milieu des années 1970. Les collègues de Brian May ont eu l'idée de construire un modèle de la lumière zodiacale diffusée par cet anneau afin de pouvoir comparer leur prédiction aux observations des sondes Stereo A et Stereo B de la Nasa.

    Lumière zodiacale et chasse aux exoplanètes

    Les deux sondes jumelles de la mission Stereo (Solar TErrestrial RElations Observatory), qui permettent d'étudier le Soleil depuis 2006, ont finalement confirmé la présence d'un anneau de poussières zodiacales. Il est plus important de part et d'autre de l'orbite de Vénus.

    Cet anneau est relativement stable, mais selon les chercheurs, les poussières qui s'y trouvent finissent par le quitter au bout de 100.000 ans en moyenne. Mais ce qui intéresse le plus les astrophysiciens avec cette découverte, c'est qu'elle leur donne le moyen de mieux comprendre des structures similaires observées dans des disques de poussières autour d'autres étoiles. Ces structures, constituées de poussières exozodiacales, peuvent servir à découvrir indirectement des exoplanètes. On doit aussi tenir compte de la lumière qu'elles produisent, qui serait donc l'analogue de la lumière zodiacale, pour traiter correctement les images que l'on essayera d'obtenir de ces exoplanètes.