Il y a de l'argile sur la surface d'Europe. La découverte pourrait sembler anecdotique si l’on n’avait très souvent trouvé ces argiles mêlées à des météorites carbonées, donc riches en molécules organiques, sur Terre. Comme les minéraux argileux ont été proposés dans des théories sur l’origine de la vie, on a des raisons supplémentaires de penser qu’elle a pu apparaître sur Europe.

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    La mission d'exploration Juice (JupiterJupiter Icy moon Explorer) sera lancée en 2022 depuis Kourou par une fuséefusée Ariane 5Ariane 5. Elle atteindra Jupiter en 2030, où elle passera au moins trois ans à procéder à des observations détaillées. Avant de se mettre en orbite autour de GanymèdeGanymède en 2032, il est prévu qu'elle effectue deux survolssurvols d'Europe. Mais étant donné l'annonce de la découverte de panaches de vapeur d'eau au pôle sud de la plus fascinante lune de Jupiter (avec Io), l'attente sera longue et plus d'un exobiologiste va ronger son frein. En effet, l'orbiteur JuiceJuice est spécifiquement conçu pour déterminer l'épaisseur de la banquisebanquise d'Europe, étudier des régions actives où de l'eau liquide pourrait se trouver à portée de main et bien sûr analyser la composition de surface de la banquise, en espérant y trouver des traces directes ou indirectes de vie.

    La Nasa vient d'ailleurs de faire savoir qu'en analysant avec des techniques modernes les données collectées par la sonde Galileo lors de ses multiples survols d'Europe, des traces d'argileargile liées à l'impact d'un petit corps céleste avaient été découvertes à sa surface. Pour une comète ou un astéroïde, les minérauxminéraux argileux sont souvent associés à des matériaux organiques dans les roches extraterrestres. Comme dans le cas de la Terre, il y a donc de bonnes raisons de croire qu'Europe a été ensemencée par des composés prébiotiquesprébiotiques, rendant possible l'apparition de formes de vie.

    Une vue d'artiste de l'impact d'un petit corps céleste à la surface d'Europe. En plus d'un cratère, il a laissé des dépôts d'argile. © Nasa, JPL-Caltech

    Une vue d'artiste de l'impact d'un petit corps céleste à la surface d'Europe. En plus d'un cratère, il a laissé des dépôts d'argile. © Nasa, JPL-Caltech

    La nouvelle a été annoncée par James Shirley lors d'une réunion de l'American Geophysical Union à San Francisco le vendredi 13 décembre 2013. Le planétologue et ses collègues ont réussi à extraire d'un signal bruité dans l'infrarouge proche la signature de phyllosilicatesphyllosilicates, des minéraux argileux. Les images montrent qu'ils se trouvent dans un arc de cercle d'environ 40 km situé à 120 km du centre d'un cratère d'impact de 30 km de diamètre. Comme il est difficile d'imaginer qu'une aussi grande quantité de phyllosilicates localisés provienne d'une remontée d'eau à travers la banquise d’Europe, dont l'épaisseur pourrait être de 100 km, et la zone étant proche de ce cratère, il est naturel d'en déduire qu'il s'agit bien des restes d'une comètecomète ou d'un astéroïdeastéroïde ayant heurté la surface d'Europe.

    Argile et exobiologie sur Europe

    L'angle de la trajectoire d'impact devait être d'environ 45°. Une collision frontale aurait sans doute conduit à l'enfouissement d'une grande part des matériaux de l'impacteurimpacteur. Selon les chercheurs, si le corps était un astéroïde, il est probable qu'il avait un diamètre d'environ 1.100 m. Mais si le corps était une comète, il est probable que sa taille était approximativement de 1.700 m, soit l'ordre de grandeurordre de grandeur de la comète Ison.

    Comète ou astéroïde, la question est au fond de peu d'importance. Il n'est sans doute pas anodin de relier la découverte de phyllosilicates à la théorie proposée par le chimiste Graham CairnsCairns-Smith au sujet de l'origine de la vie. Il avait repris et plus longuement développé les idées de John Desmond Bernal, un grand cristallographe ayant inspiré Arthur Clarke et qui fut un des premiers à proposer que les propriétés catalytiques de ces minéraux argileux pouvaient avoir favorisé la polymérisationpolymérisation des acides aminésacides aminés en protéinesprotéines. Par ailleurs, la facilité naturelle qu'ont les minéraux argileux de pouvoir répliquer leurs feuillets permet de penser qu'ils auraient pu servir de modèle, ou même de moule, pour la réplicationréplication des acides nucléiquesacides nucléiques comme l'ADNADN ou l'ARNARN.

    Voilà en tout cas de quoi renforcer la thèse de Freeman Dyson, qui suggère de chercher dans des blocs de glace éjectés par un tel impact et qui seraient en orbite autour d'Europe des traces de la vie qui existe peut-être dans l'océan de cette lune de Jupiter.