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C'est l'effervescence à Kourou où se prépare le lancement du dernier ATV (Automated Transfer Vehicle)) de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (Esa). Ce cinquième exemplaire, baptisé Georges Lemaître en hommage au mathématicienmathématicien et cosmologiste belge (1884-1966) à qui l'on doit notamment la théorie de l'« atome primitif », communément appelée Big Bang, a été transféré sur son pas de tir de l'Ensemble de lancements numéro 3 du Centre spatial guyanais. Comme les quatre ATV précédemment lancés, il a été construit par Airbus Espace à la tête d'un consortium industriel européen.
Son décollage est prévu dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 juillet à 23 h 44 mn 03 s TU (soit le 30 juillet à 1 h 44 mm 03 s en heure de Paris). Il doit se faire à cette seconde précise, sans quoi l'ATV n'arrivera pas à rejoindre la Station spatiale internationale. Sa séparationséparation d'avec le lanceur devrait se produire 1 h 3 mn 56 s plus tard. La mission se terminera avec la désorbitation de l'étage EPS, près de 2 h 36 mn après le coup d'envoi.
L'ATV-5, intégré à son lanceur, une Ariane 5 ES, avant qu'il ne soit mis sous coiffe dans le bâtiment d'assemblage final. © Esa, M. Pedoussaut
Pour ArianespaceArianespace, cela sera la troisième mission Ariane 5Ariane 5 de l'année après les lancements des satellites ABSABS-2 et Athena-Fidus sur le vol VA 217 (février), Astra 5B et Amazonas 4A sur le vol VA 216 en mars. Dans ces deux cas, la version lourde fut employée. Pour celui de l'ATV, la société a recours à une version spécifique désignée ES, conçue pour placer le véhicule automatique de transfert sur une orbite basse à 260 kilomètres. Elle est constituée du même composite inférieur qu'Ariane 5 ECA, surmontée d'un supérieur. Celui-ci possède une case à équipements renforcée car il s'agit de supporter les charges de vol constituées par l'ATV (plus ou moins 20 tonnes) et l'étage réallumable à propergol stockable (EPS) utilisant le moteur Aestus.
L'ATV-5 Georges LemaîtreGeorges Lemaître devrait atteindre l'ISS le 12 août. Il sera réceptionné par Alexander Gerst, astronauteastronaute de l'Esa à bord de la Station depuis le mois de mai. Il restera amarré jusqu'en décembre 2014 voire janvier 2015. Pendant toute la duréedurée de son séjour, il servira plusieurs fois pour rehausser l'orbite de la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale et aussi comme module pressurisé. D'ailleurs, c'est l'endroit le plus silencieux, si bien que les astronautes se chamaillent pour y dormir.
À la fin de sa mission, il sera rempli de plusieurs tonnes de déchetsdéchets et effectuera une rentrée destructive au-dessus de l'océan Pacifique. Trois expériences sont prévues au cours de celle-ci afin d'en savoir un peu plus sur la désintégration (très utiles pour les futures rentrées, dont celle de la Station spatiale). Nous y reviendrons plus en détail dans un prochain article.
Portrait de famille de l’ISS, une photo historique faite en juin 2011, avec tous ses vaisseaux d’accès (sauf le japonais HTV). L’ATV est facilement repérable. C’est le plus beau et le plus blanc, avec ses quatre panneaux solaires, en bas de la Station sur cette image... © Nasa
Le véhicule spatial le plus lourd jamais lancé par Ariane
Pour cette mission, la performance demandée au lanceur de 20.060 kgkg, dont 19.926 kg représentent la massemasse du véhicule de transfert automatique à séparer sur l'orbite visée. Celle-ci dépasse ses prédécesseurs et en fait, à ce jour, c'est le véhicule spatial le plus lourd jamais mis en orbite par une fuséefusée Ariane 5.
À son bord, quelque 6,7 tonnes de fret destinées à ISS et son équipage. On compte 2,978 tonnes d'ergolsergols, 600 kg d'eau à l'état liquideétat liquide et environ 100 kg d'oxygèneoxygène et d'azoteazote. Il transporte également 2,7 tonnes de denrées alimentaires -- parmi lesquels 50 kg de café pour leur nouvelle machine à expresso --, vêtements et équipements de recherche empaquetés dans 154 sacs. Au total, pas moins de 1.232 articles seront acheminés. Enfin, 1.234 kg (répartis dans 57 sacs) constituent la cargaison de dernière minute, des articles qui ne peuvent être disposés qu'entre quatre semaines et vingt jours avant le départ.
À tout cela s'ajoute une charge utile scientifique qui comprend une expérience de rentrée atmosphérique, un lévitateur électromagnétique (four inédit pour le traitement, par lévitation électromagnétique, d'alliagesalliages avancés et de semi-conducteurssemi-conducteurs), un démonstrateurdémonstrateur de rendez-vous, une pompe de contrôle des fluides permettant le recyclagerecyclage des urines en eau potable et un récepteur avancé de navigation par satellites.
Petite histoire du programme ATV
Le développement de l'ATV fut décidé en octobre 1995, lors de la conférence ministérielle de l'Esa. Celle-ci donna également le coup d'envoi au développement et à la réalisation du laboratoire Columbuslaboratoire Columbus. Ces deux éléments représentent l'essentiel de la contribution européenne au programme ISS, avec le bras robotique Erabras robotique Era. En novembre 1998, l'Esa signait un contrat avec EADSEADS Launch VehiclesLaunch Vehicles (aujourd'hui Airbus Espace) pour le développement de l'ATV et l'intégration du premier modèle de vol.
En novembre 2001, le modèle d'essai grandeur nature de l'ATV, le STM (Structural Thermal Model), est intégré à l'ESTECESTEC, centre technique de l'Esa situé à Noordwijk (Pays-Bas). Ce modèle servit par la suite à des campagnes d'essais dynamiques et thermiques jusqu'en septembre 2002. Le module de fret du STM fut ensuite transformé en modèle d'entraînement pour les astronautes au Centre européen des astronautes de l'Esa à Cologne (Allemagne).
Un ATV en phase finale d’approche de la Station spatiale internationale (ISS). © Nasa
Fin 2002, un modèle d'essai électrique ou ETMETM (Electrical Test Model) reprenant essentiellement les câblages et l'avionique de l'ATV fut installé sur le site d'Airbus Espace aux Mureaux (France) pour des campagnes d'essais et de qualification grâce au banc de simulation fonctionnelle (FSFFSF, Functional Simulation Facility).
Le premier modèle de vol, désormais baptisé Jules VerneJules Verne, est intégré sur le site d'Astrium à Brême (Allemagne), en mars 2004. Il s'agit, en réalité, d'un modèle « protoflight », transféré par la suite à l'Estec pour une série de campagnes d'essais et de qualification qui auront duré plus de 2 ans. En juillet 2004, l'Esa signait avec la compagnie Airbus Espace un contrat de production pour les modèles récurrents de l'ATV.
C'est en juillet 2007 que le Jules Verne quittait l'Europe pour la Guyane française afin d'y subir sa campagne de préparation en vue de son premier lancement. La revue de qualification de l'ATV s'est achevée avec succès à l'ESTEC, le 5 octobre 2007. Lancé le 9 mars 2008, il s'est amarré en toute sécurité à la Station spatiale le 3 avril et exécuta notamment une manœuvre d'évasion commandée par l'équipage à bord de l'ISS lorsqu'il n'était plus qu'à 12 mètres. Il fut désorbité le 29 septembre 2008.
Puis suivront quatre autres exemplaires : l'ATV-2 Johannes Kepler (lancé en février 2011), Edoardo Almadi (mars 2012), Albert Einstein ou ATV-4 (juin 2013) et enfin le dernier de la série, l'ATV Georges Lemaître en juillet 2014.