Des bactéries peuvent se développer dans des conditions proches de celles qui règnent sur Mars. C’est ce que des chercheurs montrent aujourd’hui. Une bonne nouvelle pour les futurs colons humains qui pourraient les exploiter pour produire leur nourriture et leurs médicaments, notamment.


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    Envoyer des Hommes sur Mars, c'est un beau projet. Un projet ambitieux, surtout. Entre autres parce que, contrairement aux roversrovers, les êtres humains qui partiront pour ce long voyage devront respirer, boire et se nourrir en cours de route et une fois sur place. Et emporter avec eux suffisamment d'oxygène, d'eau et de nourriture pourrait coûter une fortune.

    Alors les chercheurs étudient depuis quelque temps la possibilité de produire ces éléments essentiels à la survie des astronautesastronautes directement sur place. Le rover PerseverancePerseverance devrait ainsi tester un système de production d'oxygène sur la Planète rouge. Et des astrobiologistes de l’université de Brême (Allemagne) montrent aujourd'hui que des cyanobactéries, les Anabaena, peuvent être cultivées dans un bioréacteur simulant une atmosphère semblable à celle de Mars, dans une eau extraite de la glace martienne et grâce aux nutrimentsnutriments -- du phosphorephosphore, du soufresoufre et du calciumcalcium -- contenus dans le régolitherégolithe de la Planète rouge.

    Le bioréacteur imaginé par les chercheurs de l’université de Brême (Allemagne) pour étudier le comportement des cyanobactéries dans un environnement semblable à celui rencontré sur Mars. © C. Verseux, ZARM, Université de Brême
    Le bioréacteur imaginé par les chercheurs de l’université de Brême (Allemagne) pour étudier le comportement des cyanobactéries dans un environnement semblable à celui rencontré sur Mars. © C. Verseux, ZARM, Université de Brême

    Cultiver des cyanobactéries sur Mars

    Les cyanobactéries sélectionnées par les chercheurs ont non seulement été capables de se développer dans ces conditions. Mais elles ont aussi été capables de produire de l'oxygène et de contribuer à la croissance d'autres microbesmicrobes. Séchées et broyées, elles ont fourni suffisamment de sucressucres, d'acides aminésacides aminés et d'autres nutriments pour servir de substratsubstrat pour la croissance de la bactériebactérie E. coliE. coli. Celle-ci pourrait, à son tour, produire des aliments, des médicaments, des biomatériaux et même des produits chimiques dans l'environnement martien.

    Les chercheurs annoncent déjà travailler sur des combinaisons de CO2 et d'azoteazote qui optimiseraient la croissance bactérienne. Ils souhaitent aussi tester d'autres cyanobactéries, y compris certaines qui pourraient être génétiquement modifiées pour satisfaire aux exigences des futures missions humaines vers Mars.


    Des bactéries vivent dans les mêmes conditions que sur Mars

    Des bactéries retrouvées dans des conditions de vie proches de celles régnant sur Mars se développent à partir du ferfer présent dans l'olivine, une roche volcanique présente à la fois sur Terre et sur la Planète rouge.

    Article de Janlou Chaput paru le 18/12/2011

    Les bactéries du genre <em>Pseudomonas</em>, grossies ici 5.000 fois, sont aérobies strictes. Mais cette nouvelle bactérie découverte se satisfait très bien de niveaux très faibles en oxygène pour survivre. De quoi coloniser Mars ? © EMSL, Flickr, cc by nc sa 2.0
    Les bactéries du genre Pseudomonas, grossies ici 5.000 fois, sont aérobies strictes. Mais cette nouvelle bactérie découverte se satisfait très bien de niveaux très faibles en oxygène pour survivre. De quoi coloniser Mars ? © EMSL, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Le timing est presque parfait. Alors que des chercheurs australiens affirmaient récemment qu'une vie microbienne était possible dans les profondeurs de Mars, des scientifiques de l'université d'Oregon viennent de montrer que des bactéries terrestres pouvaient s'adapter à des conditions de vie aussi délicates que celles de la Planète rouge.

    Les chercheurs américains sont allés prélever des bactéries vivant dans un tunnel de lave à environ 1.500 m dans les entrailles de la Terre. Un tunnel de lavetunnel de lave se forme lors d'une éruption volcaniqueéruption volcanique. La lave en surface se solidifie au contact de l'airair et forme une croûtecroûte solidesolide. Au milieu, le magmamagma toujours en fusionfusion continue de s'écouler, vidant ainsi la cavité et laissant place à des galeries longues parfois de plusieurs kilomètres.

    Certains tunnels de lave sont facilement accessibles pour le tourisme. Ce n'est pas toujours le cas et les conditions de vie y sont parfois impossibles pour des animaux ou des végétaux. Mais pas pour certaines bactéries. © Stevecadman, Flickr, cc by sa 2.0
    Certains tunnels de lave sont facilement accessibles pour le tourisme. Ce n'est pas toujours le cas et les conditions de vie y sont parfois impossibles pour des animaux ou des végétaux. Mais pas pour certaines bactéries. © Stevecadman, Flickr, cc by sa 2.0

    Des bactéries communes mais uniques

    Les bactéries prélevées (PseudomonasPseudomonas sp. HerB) vivaient dans un milieu très faible en oxygène avec des températures très proches de la congélation. « Ce microbe compte parmi les genres les plus communs de bactéries sur Terre, déclare Amy Smith, l'une des auteurs de l'étude publiée dans AstrobiologyOn trouve ses cousins dans les caves, sur la peau, au fond des océans et n'importe où ailleurs. Mais ce qui diffère dans ce cas, ce sont ses qualités uniques de s'épanouir dans des conditions proches de celles de Mars. »

    Pour vérifier comment survivaient ces Pseudomonas à l'état naturel, les chercheurs ont donc tenté de recréer le milieu de vie en laboratoire. À température ambiante, avec les niveaux normaux d'oxygène et en présence de matièrematière organique, ces bactéries se développaient en consommant le sucre, comme le font les autres espècesespèces. Mais avec des températures et des taux d'oxygène aussi bas que l'étaient ceux de leur milieu d'origine, et en l'absence de matière organique, les bactéries parvenaient à utiliser comme source d'énergieénergie le fer présent dans l'olivine, une roche d'origine volcanique de la famille des silicatessilicates qui compose aussi bien le sous-sol terrestre que celui de Mars. Ces organismes parviennent, grâce à des réactions chimiquesréactions chimiques d'oxydoréductionoxydoréduction, à tirer de l'énergie de l'atomeatome de fer, de la même façon que les bactéries peuplant les sources chaudessources chaudes utilisent le soufre. Elles font donc preuve d'autotrophieautotrophie.

    L'olivine tient son nom de sa couleur olive. Les <em>Pseudonomas sp. HerB</em> sont capables de s'en nourrir. © Azuncha, Wikipedia, cc by sa 3.0
    L'olivine tient son nom de sa couleur olive. Les Pseudonomas sp. HerB sont capables de s'en nourrir. © Azuncha, Wikipedia, cc by sa 3.0

    L’olivine comme aliment de base

    « Cette réaction chimique n'a jamais été documentée avant, se réjouit Martin Fisk, participant au travail de recherche. Dans les roches volcaniques directement exposées à l'air et à hautes températures, l'oxygène de l'atmosphère oxyde le fer avant que les microbes ne puissent s'en servir. Mais dans les tunnels de lave, où les bactéries sont couvertes par la glace et donc à l'abri de l'atmosphère, elles ne subissent pas la concurrence de l'oxygène et sont libres d'utiliser le métalmétal. »

    Fisk lui-même modère ces résultats. « Les conditions de vie dans les tunnels de lave ne sont pas aussi difficiles que sur Mars. Les températures ne montent que rarement jusqu'au point de congélation, les niveaux d'oxygène sont encore plus bas et l'eau liquideliquide est absente. Mais on suppose qu'on trouve cette dernière sous la surface. Même si cette étude ne reproduit pas exactement les mêmes conditions de vie que sur Mars, elle montre tout de même que des bactéries peuvent vivre dans des conditions plus ou moins similaires. »

    Des résidus de météorites provenant de Mars laissaient apparaître des traces qui pouvaient s'apparenter à une consommation de la roche par des bactéries. Mais jusque-là, aucun matériel vivant n'a jamais été retrouvé. L'idée désormais est donc d'étudier ces bactéries pour bien cerner leur action sur la roche. Ainsi, grâce aux indices fournis, on sera peut-être en mesure de définir de manière indirecte s'il y a (eu) de la vie sur la Planète rouge. Avant pourquoi pas de récupérer des échantillons toujours vivants...