Début 2022, le Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publiera un nouveau rapport très attendu. Un récapitulatif complet des impacts du changement climatique sur notre planète et sur les espèces qui y vivent. Son « brouillon » expose une situation critique.


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    Évaluer l'impact de nos activités sur le climat mondial. C'est la lourde tâche qui a été confiée au Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Tous les cinq à sept ans, il publie ainsi un rapport détaillé sur la question. Le dernier date de 2014 déjà. Il était plutôt alarmant. Et le prochain est attendu pour le début d'année 2022. Juste après la tenue, en ce mois de novembre à Glasgow, de la COP 26 sur les changements climatiques. Un timing d'autant plus mauvais que ce qui filtre aujourd'hui - ou a peut-être déjà filtré il y a quelques mois et beaucoup évolué depuis - du projet de quelque 4.000 pages -- un « travail en cours », précise sur TwitterTwitter Valérie Masson-DelmotteValérie Masson-Delmotte, coprésidente du Giec, un simple « brouillon » qui doit encore prendre en compte des dizaines de milliers de commentaires et « beaucoup évoluer », selon Christophe Cassou, climatologueclimatologue au CNRS, toujours sur Twitter --, rédigé par des centaines de chercheurs n'est pas rassurant du tout.

    « Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et de nos petits-enfants », affirme le Giec. Alors que le monde s'est engagé, en signant l'Accord de Paris, à ne pas dépasser les +2 °C de réchauffement climatique, les experts estiment aujourd'hui en effet qu'aller au-delà des +1,5 °C pourrait déjà entraîner « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles, des conditions de vie qui changeront au-delà de la capacité d'adaptation de certains organismes ». Or selon l'Organisation météorologique mondiale (OMM), la probabilité pour que ce seuil soit dépassé dès 2050 est désormais de 40 %.

    Avec des températures qui ont augmenté de +1,1 °C, de premiers effets du réchauffement climatique se font ressentir. La production de maïsmaïs a diminué de 4 % depuis 1981 alors que les rendements du sorgho et du mil en Afrique de l'ouest ont chuté respectivement de 15 et 20 %. La fréquence des pertes soudaines de productions alimentaires a augmenté régulièrement au cours des 50 dernières années. Et ce ne sont que quelques exemples.

    80 % de la population menacée par la faim vit en Afrique ou en Asie du sud-est. © panitan, Adobe Stock
    80 % de la population menacée par la faim vit en Afrique ou en Asie du sud-est. © panitan, Adobe Stock

    Vers un monde affamé !

    Dans les décennies à venir, le Giec prévoit que la hausse des températures, l'augmentation de la fréquence et de la sévérité des événements météorologiques extrêmes et des perturbations du cycle de l'eau provoqueront un déclin des cultures de base. Jusqu'à 40 % des régions productrices de riz en Inde pourraient ne plus être adaptée à cette culture. Ainsi, ce sont jusqu'à 80 millions de personnes de plus qu'aujourd'hui qui pourraient souffrir de la faim d'ici 2050. Même si le monde réussit à limiter le réchauffement climatique à +2 °C.

    Une menace d'autant plus grande que les changements climatiques que nous vivons semblent aussi vouloir faire baisser la valeur nutritionnelle des aliments. La teneur en protéinesprotéines du riz, du blé, de l'orge et des pommes de terre, par exemple, devrait chuter de 6 à 14 %, mettant près de 150 millions de personnes supplémentaires en risque de carencecarence.

    Et alors que la demande de cultures de biocarburantsbiocarburants et de forêts absorbant le CO2 augmente, les prix des denrées alimentaires devraient augmenter d'un tiers en 2050. Résultat : encore 183 millions de personnes de plus, parmi les ménages à faible revenu, au bord d'une faim chronique.

    Selon le degré de maîtrise de nos émissions de carbone, un enfant né aujourd’hui pourrait être confronté à de multiples menaces pour la santé liées au climat avant d’avoir 30 ans, selon le rapport. © boonchok, Adobe Stock
    Selon le degré de maîtrise de nos émissions de carbone, un enfant né aujourd’hui pourrait être confronté à de multiples menaces pour la santé liées au climat avant d’avoir 30 ans, selon le rapport. © boonchok, Adobe Stock

    À venir, une sévère crise de l’eau

    En parallèle, le Giec annonce des tensions de plus en plus importantes sur les ressources en eau. Déjà plus de la moitié de la population mondiale souffre du stress hydriquestress hydrique. Le réchauffement climatique ne va pas améliorer la situation. Le cycle de l'eau sera perturbé. Jusqu'à trois quarts de l'approvisionnement en eaux souterraines fortement exploitées pourraient, par exemple, être perturbés d'ici le milieu de ce siècle.

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    Réchauffement climatique : la montée des eaux sera bien plus élevée et rapide que prévu

    Ajoutez à cela la montée des eaux annoncées par les chercheurs, et vous retrouverez entre 30 et 140 millions de personnes à déplacer d'Afrique, d'Asie du sud-est et d'Amérique latine avant 2050.

    Comme pour la plupart des impacts liés au climat, les maladies toucheront en premier les personnes les plus vulnérables. © gordzam, Adobe Stock
    Comme pour la plupart des impacts liés au climat, les maladies toucheront en premier les personnes les plus vulnérables. © gordzam, Adobe Stock

    La menace des maladies se précise

    Enfin le Giec prévoit une dégradation de la santé des populations humaines du fait de la multiplication des maladies. L'aire de répartitionaire de répartition des moustiquesmoustiques et autres espècesespèces porteuses de maladies s'étend progressivement. D'ici le milieu du siècle, la moitié de la population mondiale sera exposée à des agents pathogènespathogènes à transmission vectorielle tels que la denguedengue, la fièvre jaunefièvre jaune et le virus Zikavirus Zika. Les risques posés par le paludismepaludisme et la maladie de Lymela maladie de Lyme sont eux aussi appelés à augmenter.

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    Le changement climatique aura des conséquences sur la santé de ceux qui naissent aujourd’hui

    Même constat du côté des maladies non transmissibles. Celles associées à la mauvaise qualité de l'airair, par exemple. « Les affections pulmonaires et cardiaques augmenteront considérablement », avance le Giec. Et des toxinestoxines marines risquent de contaminer de plus en plus nos aliments et notre eau.

    Même si la situation semble grave, il reste un espoir de sauver l’humanité. © MattAure, Adobe Stock
    Même si la situation semble grave, il reste un espoir de sauver l’humanité. © MattAure, Adobe Stock

    L’humanité n’est pas préparée

    La vie peut se remettre. L’humanité ne le peut pas.

    Comme l'a montré la pandémiepandémie de Covid-19Covid-19, « nos niveaux actuels d'adaptation seront insuffisants à répondre aux futurs risques climatiques, prévient le Giec. La vie sur Terre peut se remettre d'un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmesécosystèmes. L'humanité ne le peut pas. »

    D'autant qu'il faut en plus craindre les « effets de cascade » sur des régions qui pourraient de plus à plus avoir à affronter plusieurs catastrophes -- comme une sécheressesécheresse, une caniculecanicule et des feux de forêt en simultanée. Et que certaines de nos activités -- la pollution, la surexploitation des ressources, etc. -- ont, sur tout cela, des effets amplificateurs. Ainsi désormais, « chaque fraction d'un degré compte ».

    Mais le Giec conclut tout de même sur une note d'espoir. Nous avons encore les cartes en main. Si nous prenons aujourd'hui des mesures fortes, nous pouvons freiner l'emballement. « Nous avons besoin d'une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement, plaide le rapport. Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation ». Gageons que cette conclusion-là, au moins, ne changera pas d'ici la publication du rapport d'évaluation final.