Dans une semaine, la COP28 s’ouvrira au pays de l’or noir. En guise de président, un prince du pétrole. Une aberration, pour certains. Mais l’Agence internationale de l’énergie se veut plus optimiste. Elle explique aujourd’hui comment les producteurs de combustibles fossiles peuvent nous aider à lutter contre le réchauffement climatique.


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    Le jeudi 30 novembre 2023 s'ouvrira à Dubaï la 28e Conférence des parties signataires de la Convention-Cadre de l'Organisation des Nations unies sur les changements climatiques, la déjà fameuse COP28. « L'heure de vérité » pour les producteurs de gazgaz et de pétrolepétrole, selon le rapport spécial de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publié aujourd'hui. Le moment, dans un contexte d'aggravation des effets du réchauffement climatique alimenté par nos émissionsémissions de gaz à effet de serre, de prendre des décisions qui pourraient changer la face du monde.

    Les énergies fossiles responsables du réchauffement, mais pas dans l’impasse

    « Le point de départ de notre réflexion n'est pas des plus encourageants », a confié Fatih Birol, le directeur exécutif de l'AIE, lors d'une conférence de presse. « En cette année 2023, les investissements dans les énergiesénergies propres, dans le monde, se sont élevés à quelque 1 800 milliards de dollars. » C'est plus que l'année dernière. Et plus encore que l'année d'avant.

    Poser les vrais chiffres sur la table

    Jusqu'ici donc, les nouvelles sont bonnes. Pourtant, l'Agence internationale de l'énergie affirme que la part de l'industrie du gaz fossile et du pétrole dans ces investissements est de moins de 1 % - dont 60 % proviennent de seulement quatre groupes pétroliers. « Nous tenions à poser ces chiffres sur la table. À les mettre en face de ceux - bien plus optimistes - que les leaders de cette industrie avancent. » Voilà qui ne laisse aucun doute sur la position de l'Agence internationale de l'énergie.

    Mais le rapport qu'elle publie aujourd'hui entend aussi présenter quelques pistes pour permettre à l'industrie des fossiles de devenir plus responsable. Et même de contribuer positivement à la transition énergétique. Le tout pour aider le monde à tenir les objectifs fixés par l'Accord de Paris sur le climat.

    Réduire les émissions de l’exploitation du gaz fossile et du pétrole

    Ce que l'AIE demande à l'industrie du gaz et du pétrole, c'est d'abord, de s'appliquer à réduire ses propres émissions. Car la production, le transport et la transformation du gaz fossile et du pétrole génèrent un peu moins de 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre liées à l'énergie. Ce n'est pas rien. Pour vous faire une idée, cela correspond à toutes les émissions de gaz à effet de serre liées à l'énergie des États-Unis. Objectif, donc, pour les producteurs : réduire de plus de 60 % leurs émissions par rapport aux niveaux actuels d'ici 2030. Et s'approcher du net zéro en 2040.

    C'est l'idée de la « decarbonnized oil extraction » effectivement défendue déjà par quelques grands groupes pétroliers parmi lesquels Schlumberger, Saudi Aramco et Adnoc, la compagnie dirigée par le sultan Al Jaber qui présidera la COP28. Bonne nouvelle, donc.

    Le saviez-vous ?

    La société canadienne Vermilion, premier producteur de pétrole en France, vient d’obtenir un avis favorable de la commissaire enquêtrice pour forer huit nouveaux puits à La Teste-de-Buch (Gironde). Le tout à quelques pas de l’endroit où des milliers d’hectares de forêts sont partis en fumée dans d’immenses feux de forêt durant l’été 2022.

    Pas tout à fait. D'abord parce que ceux qui se sont engagés ne représentent que moins de la moitié de la production mondiale. Ensuite, parce que ce que les pétroliers ont en tête, c'est surtout de pouvoir capturer les gaz à effet de serre émis par leurs activités. Et pour l'heure, rien n'assure qu'ils pourront y arriver. L'autre problème, c'est qu'Adnoc, notamment, envisage d'appliquer le principe à de nouvelles exploitations. Or l'Agence internationale de l'énergie est formelle sur ce point : le monde n'a aucunement besoin d'exploiter de nouveaux gisements, que ce soit de charboncharbon, de gaz fossile ou de pétrole. Parce que pour maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 1,5 °C, notre consommation de gaz et de pétrole va devoir baisser de plus de 75 % d'ici 2050. Ainsi, certaines productions pétrolières ou gazières existantes devraient même être fermées.

    Multiplier les investissements dans les énergies propres

    L'autre demande de l'AIE aux producteurs de gaz fossile et de pétrole, c'est d'augmenter leurs investissements dans le secteur des énergies propres. Aujourd'hui, seulement 2,5 % des investissements de l'industrie fossile vont dans les énergies bas carbone. « C'est une fois encore en totale contradiction avec ce que présentent les industriels du secteur des fossiles », affirme Fatih Birol. Et pour jouer un véritable rôle dans la réalisation des objectifs de l'Accord de Paris pour le climat, les pétroliers et les gaziers devraient consacrer 50 % de leurs investissements aux énergies propres d'ici 2030.

    Des investissements qui pourraient s'avérer d'autant plus profitables que, selon les experts de l'Agence internationale de l'énergie, environ 30 % de l'énergie bas carbonecarbone que nous consommerons en 2050 reposera sur des compétences ou des ressources dont disposent déjà, au moins en partie, les producteurs de gaz et de pétrole. Leurs expériences pourraient être précieuses dans des secteurs aussi variés que celui de l'hydrogène verthydrogène vert, celui du captage du carbone, celui de l'éolien offshoreoffshore ou encore celui des biocarburantsbiocarburants.

    Les émissions du gaz fossile et du pétrole ne pourront pas être éliminées

    Parce qu'elle connaît désormais la position défendue par l'industrie du gaz fossile et du pétrole - qui est qu'un business as usual est possible pour les combustiblescombustibles fossiles puisque la technologie sera là pour éliminer les émissions de gaz à effet de serre dont ils sont responsables -, l'AIE rappelle aussi quelques faits concernant les technologies de capture et de stockage du carbone. « Elles devraient jouer un rôle important dans certains secteurs comme dans celui de la fabrication de cimentciment ou d'acieracier, confirme Fatih Birol. Mais prétendre que ces technologies permettront aux producteurs de gaz et de pétrole de continuer d'extraire des combustibles fossiles tout en réduisant les émissions, c'est de la pure fantaisie ! »

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    « Nous n’arriverons pas à éliminer les 10 milliards de tonnes de CO2 par an annoncés pour 2050 »

    Les calculs montrent en effet qu'il faudrait, pour cela, investir pas moins de 3 500 milliards de dollars dans ces technologies. Alors que seulement 4 milliards de dollars y ont été investis en 2023. « Une belle année en matièrematière d'investissement dans les technologies de capture de carbone », souligne Fatih Birol.

    « La transition vers un système énergétique propre va se poursuivre. Avec... ou sans les producteurs de gaz et de pétrole. Sans eux, ce sera sous doute plus chaotique et peut-être plus cher. Mais nous y arriverons », assure le directeur exécutif de l'AIE en conclusion. Juste avant d'appeler l'industrie des fossiles à faire enfin le bon choix. Car « la crise climatique, finalement, c'est notre problème à tous. »