Le 15 septembre, dans l'après-midi, Cassini nous a quittés. Au terme d'une fabuleuse mission de plus de treize ans auprès de Saturne, la sonde américano-européenne a plongé dans son atmosphère. Nicolas Altobelli, responsable scientifique de la mission Cassini pour l’Agence spatiale européenne (ESA), revient sur les principales découvertes.

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    Durant sa longue mission dans le système saturnien, la sonde Cassini a « permis de faire d'importantes découvertes dans de nombreux domaines scientifiques dans un système miniature du Système solaire », nous explique Nicolas Altobelli, responsable scientifique de la mission Cassini pour l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA).

    En orbite autour de SaturneSaturne depuis 2004, Cassini a couvert un demi-cycle saisonnier de la planète. La sonde est arrivée à l'été dans l'hémisphère sudhémisphère sud et termine sa mission au solstice d'été dans l'hémisphère nordhémisphère nord. On lui doit notamment des « informations inédites et des découvertes fondamentales sur l'habitabilité des lunes glacées ».

    Le surprenant hexagone de Saturne, près du pôle nord. On ne sait toujours pas pourquoi il existe une telle structure au nord et pas au sud ; impossible également d'expliquer sa longévité. © Nasa, JPL-Caltech, <em>Space Science Institute</em>

    Le surprenant hexagone de Saturne, près du pôle nord. On ne sait toujours pas pourquoi il existe une telle structure au nord et pas au sud ; impossible également d'expliquer sa longévité. © Nasa, JPL-Caltech, Space Science Institute

    Titan, un monde périodique similaire à la Terre ?

    Cassini nous a permis de voir que Titan possède un « cycle météorologique et hydrologique non pas basé sur l'eau mais sur le méthane ainsi qu'un phénomène d'évaporation avec des saisonssaisons et des pluies ». Ses surfaces émergées et sa géologiegéologie évoluent et sont façonnées sous l'influence de ce climatclimat, avec des ventsvents qui ont été mesurés. Sur cette lune, le potentiel astrobiologique est réel, avec « des molécules organiques qui se forment dans la haute atmosphèreatmosphère, à partir des rayons du SoleilSoleil, et de l'azoteazote et du méthane présents dans l'atmosphère qui grossissent au fur et à mesure de leur descente et se déposent sur la surface au-dessus d'une couche de glace ». Un monde fascinant et complexe, « étonnamment semblable à la Terre par beaucoup d'aspects » qui, peut-être, abrite des « conditions prébiotiques avec la formation de molécules qui pourraient être utilisées par la vie telle qu'on la connaît sur Terre  ».

    Les scientifiques s'interrogent sur l'habitabilité de Titan. Son océan est-il habité ? © Nasa, JPL-Caltech, <em>Space Science Institute</em>

    Les scientifiques s'interrogent sur l'habitabilité de Titan. Son océan est-il habité ? © Nasa, JPL-Caltech, Space Science Institute

    De la vie sous la surface d’Encelade ?

    Autre découverte fondamentale : les « geysersgeysers au pôle sud d'EnceladeEncelade ». C'est très surprenant car cette petite lune de glace de 500 kilomètres de diamètre « était a priori trop petite pour maintenir une activité géologique » bien que quelques théories avaient cours, « avec des sources de chaleurchaleur dues à l'excentricitéexcentricité de l'orbite autour de Saturne qui génèrent des frictionsfrictions dans la glace ». Tout changea en 2005 avec la détection de matièrematière, « des particules de glace et de vapeur qui s'échappent par des failles au pôle sud ». Cette découverte majeure a décidé la NasaNasa et l'ESA de « modifier la trajectoire de la sonde pour pouvoir passer au plus près, et même traverser ces geysers, afin d'analyser leur commotion en détail ».

    Cassini a également démontré l'existence d'une étendue d’eau liquide sous la surface glacée d'Encelade. La sonde a aussi mis en évidence une activité hydrothermale, ce qui « nécessite une source de chaleur, un noyau rocheux en contact avec l'océan ». Comme sur Terre, au fond des abysses, « où la chaleur du noyau terrestrenoyau terrestre s'échappe par des failles au niveau des dorsales océaniquesdorsales océaniques », ce qui semble se passer sur Encelade, « du point de vue de l'astrobiologieastrobiologie », a un potentiel énorme. Pour comprendre cet intérêt, il faut savoir que Cassini « a découvert dans ces geysers du dihydrogène (H2), une des signatures de l'activité hydrothermale ».

    Sur Encelade, Cassini a montré que, dans son océan sous-terrain, la vie était possible. © Nasa, JPL-Caltech, <em>Space Science Institute</em>

    Sur Encelade, Cassini a montré que, dans son océan sous-terrain, la vie était possible. © Nasa, JPL-Caltech, Space Science Institute

    Cela a son importance, car sur Terre, l'H2 peut servir « d'énergieénergie chimique pour des micro-organismesmicro-organismes. C'est la base de la méthanogenèse ». En combinant du dihydrogène avec du dioxyde de carbonedioxyde de carbone dissous dans l'eau, du « méthane peut se former et donc des molécules carbonées ». En clair, très loin du Soleil, là où l'eau ne peut pas exister à l'état liquideétat liquide sur des surfaces solidessolides, Encelade abrite, peut-être, sous sa surface une « zone d'habitabilitézone d'habitabilité telle qu'on la connaît sur Terre », avec une vie qui « n'est pas basée sur la photosynthèsephotosynthèse mais sur la chimiosynthèsechimiosynthèse », c'est-à-dire qu'elle n'a pas besoin de la lumièrelumière du Soleil. Sur Terre, ce type de vie est tapis au fond des océans avec une très grande diversité. Sur Encelade, Cassini a découvert « des conditions d'habitabilité telles qu'on les connaît sur Terre ». Est-ce que « la vie prolifère dans un écosystèmeécosystème avec des espècesespèces de plus en plus grosses ? On n'en sait rien ». S'il est trop tôt pour « imaginer aller chercher des crevettes », il est intéressant de noter que, sur Terre, des écosystèmes très développés ont émergé à partir du moment où des microbes ont pu proliférer.

    Des anneaux pour comprendre la formation des planètes

    Quant aux anneaux de Saturne, un des objectifs majeurs de la mission Cassini, ils sont « d'une complexité dynamique vraiment incroyable » et le siège de phénomènes physiquesphysiques présents dans les disques protoplanétairesdisques protoplanétaires. Les étudier, c'est aussi « comprendre les mécanismes de formation et de fonctionnement des disques protoplanétaires ou protolunaires à l'intérieur desquelles naissent planètes et lunes ».

    Des observations effectuées avec la mission Cassini montrent comment certaines petites lunes de Saturne se forment encore actuellement à partir de la matière des anneaux, plusieurs milliards d'années après la fin de la formation des planètes et satellites du Système solaire.


    Cassini-Huygens et Titan : des découvertes surprenantes

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 20/12/2004

    Le 25 décembre 2004 la sonde Huygenssonde Huygens se détachera du véhicule Cassini pour l'ultime étape d'une mission de sept ans : sa rentrée et sa descente atmosphérique le 14 janvier 2005 sur TitanTitan, ce satellite de Saturne aux caractéristiques encore très mal connues. En utilisant le système d'optique adaptative des télescopestélescopes terrestres Gemini North et KeckKeck II, une équipe de scientifiques a découvert de nouveaux dispositifs dans l'atmosphère de Titan. A la différence des observations précédentes qui montraient des systèmes orageux au-dessus du pôle sud de la lune, ces nouvelles images montrent clairement des perturbations atmosphériques dans les latitudeslatitudes moyennes, entre l'équateuréquateur et les pôles.

    Cette concentration de nuagesnuages s'avère difficile à expliquer d'autant que les scientifiques ne sont même pas certains de comprendre leur formation et encore moins les processus qui la déclenchent. Un début de réponse est attendue avec le dépouillement des données qui seront acquises par la sonde Huygens lors de sa descente à travers l'atmosphère de Titan le 14 janvier 2005.

    Sinon, seules des observations continues ces prochaines années détermineront si ces formations nuageuses sont le résultat d'un changement saisonnier des modèles du temps ou dues à un phénomène de surface connexeconnexe.

    Bien que plusieurs hypothèses soient étudiées pour expliquer leur apparition (geysers, cryovolcanismecryovolcanisme, variations saisonnières des vents globaux qui circulent dans la haute atmosphère), un chercheur pense tout simplement que Titan peut être stable plusieurs mois durant mais affecté par des pics d'activités très inhabituels et temporaires comme ces dispositifs atmosphériques.

    L'atmosphère de Titan. © DR

    L'atmosphère de Titan. © DR

    Autres résultats scientifiques

    Les premiers résultats scientifiques des observations faites à partir des instruments embarqués sur l'orbiteur Cassini commencent à être diffusés. Notez que la revue Science publiera un numéro spécial sur les résultats scientifiques et les découvertes de la mission Cassini-Huygens courant janvier 2005.

    En attendant, quelques scientifiques rendent public leurs travaux. L'instrument RPWS (Radio and Plasma Wave Science) qui mesure le champ électriquechamp électrique et magnétique aide les scientifiques à mieux comprendre les oragesorages et la foudrefoudre, phénomènes météorologiques qui surviennent dans l'atmosphère de la planète.

    La foudre sur Saturne produit des signaux détectables appelés Saturn electrostatic discharges ou SED. Le 22 juillet 2003, Cassini-Huygens, distante de 1,08 UAUA de Saturne, a pu observer un SED qui s'est avéré être de 10 à 30 fois plus intense que ceux détectés par la sonde Voyager 1Voyager 1 !

    Concernant le système d'anneaux, l'analyse préliminaire des données fournit un aperçu général et révèle que les anneaux sont assez jeunes et en tout état de cause, leur structure et leur composition actuelle n'ont pas été formées en même temps que la planète Saturne et encore moins avec les mêmes matériaux.

    Autre découverte surprenante, la rotation de Saturne sur elle-même qui tend à ralentir. Les mesures de Cassini-Huygens montrent que la planète tourne en 10h et 45 minutes, ce qui est environ 6 minutes plus long que ce qu'avait déterminé la sonde Voyager 1 en 1980.