Autour de Saturne, la petite lune Encelade – connue pour ses geysers découverts en 2005 – posséderait une activité hydrothermale au fond de son océan, comme le suggère une nouvelle étude publiée dans Nature. Durant 4 ans, les chercheurs ont étudié les minuscules grains de silice détectés par la mission Cassini pour arriver à cette conclusion. Chaleur, eau et minéraux : tous les ingrédients sont réunis à l’intérieur de ce petit monde glacé pour que la vie puisse exister.

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    Sur cette vue en coupe d’Encelade, on peut voir sous une banquise de 30 à 40 km d’épaisseur, l’océan d’environ 10 km de profondeur qui se situe au pôle Sud. Ce dernier est en contact avec les roches du noyau, lequel serait relativement poreux comme le suggèrent les mesures de la gravité de ce petit satellite naturel de quelque 504 km de diamètre. Une activité hydrothermale serait à l’origine des nano grains de silice éjectés plus tard dans l’espace par les geysers. © Nasa, JPL-Caltech

    Sur cette vue en coupe d’Encelade, on peut voir sous une banquise de 30 à 40 km d’épaisseur, l’océan d’environ 10 km de profondeur qui se situe au pôle Sud. Ce dernier est en contact avec les roches du noyau, lequel serait relativement poreux comme le suggèrent les mesures de la gravité de ce petit satellite naturel de quelque 504 km de diamètre. Une activité hydrothermale serait à l’origine des nano grains de silice éjectés plus tard dans l’espace par les geysers. © Nasa, JPL-Caltech

    Ce fut une immense surprise lorsqu'il y a 10 ans déjà, la sonde spatiale Cassini -- arrivée quelques mois auparavant dans l'environnement de Saturne --, découvrit l'existence de geysers à la surface d’Encelade, un des 62 satellites naturels connus (on pourrait en ajouter plus de 150 autres, de tailles plus modestes) qui gravitent autour de la deuxième plus grosse planète de notre Système solaire. Ces panaches d'eau glacée émanant de fractures situées dans la région du pôle Sud de cette lune de quelque 500 km de diamètre étaient jusque-là insoupçonnés. Ce monde minuscule, en apparence figé par des températures glaciales (en moyenne - 180 °C) retenait effectivement moins l'attention que TitanTitan, un satellite voisin pour lequel on avait alors dépêché sur place la sonde Huygens (accrochée à Cassini), dédiée à l'étude de son atmosphèreatmosphère. Depuis, le mineur EnceladeEncelade -- qui était par ailleurs un Géant dans la mythologie grecque, fils de Gaïa et d'Ouranos, enterré sous le volcan Etnavolcan Etna --, est devenu une cible d'exploration majeure qui focalise l'intérêt des planétologues et exobiologistes. Ces jets observés depuis 2005 par la mission Cassini (Nasa, Esa) ont révélé l'existence d'un océan d'une dizaine de kilomètres de profondeur, sous une écorce de glace de 30 à 40 km d'épaisseur. Un milieu qui, de surcroît, apparaît potentiellement habitable, car en contact avec le noyau chaud de l'astre.

    Signes tangibles d’une activité hydrothermale

    Dans une étude qui vient d'être publiée dans la revue Nature (édition du 12 mars 2015), un pas supplémentaire dans la caractérisation géologique de cette lune et de ses processus géochimiques vient d'être franchi. En effet, après quatre années de recherches associant des observations de la sonde spatiale à des simulations informatiquessimulations informatiques et des expériences en laboratoire, l'équipe de Hsiang-Wen Hsu, postdoc à l'université du Colorado, aux États-Unis, suggère qu'il existe une activité hydrothermale au fond de l'océan d'Encelade. C'est en étudiant les grains riches en silicesilice, éparpillés autour de SaturneSaturne et découverts avec l'instrument Cosmic Dust Analyser (CDACDA) de Cassini, que les chercheurs sont arrivés à cette conclusion.

    Selon eux, en procédant par élimination, seul ce processus peut avoir formé ces particules mesurant de 2 à 8 nm de rayon. « Nous avons méthodiquement cherché des explications alternatives à ces nano grains de silice, raconte Frank Postberg (université d'Heidelberg, Allemagne), coauteur de l'article scientifique et membre de l'équipe de CDA, mais tous les nouveaux résultats pointent vers une seule et même origine ».

    Lors de son survol d'Encelade le 21 novembre 2009 à environ 14.000 km de la surface, la sonde Cassini a pu photographier plus de 30 geysers découverts en 2005 dans la région du pôle Sud qui arbore d’importantes crevasses nommées les « rayures du tigre ». © Nasa, JPL, Space Science Institute

    Lors de son survol d'Encelade le 21 novembre 2009 à environ 14.000 km de la surface, la sonde Cassini a pu photographier plus de 30 geysers découverts en 2005 dans la région du pôle Sud qui arbore d’importantes crevasses nommées les « rayures du tigre ». © Nasa, JPL, Space Science Institute

    Dans leur hypothèse solidement étayée, les eaux chaudes (au minimum 90 °C) des profondeurs d'Encelade -- l'énergie dégagée par le noyau provient vraisemblablement des forces de maréesforces de marées, liées à son orbiteorbite autour de la géante Saturne, conjuguées à la radioactivitéradioactivité de certains de ses éléments -- dissolvent les minérauxminéraux des roches. En remontant vers la surface, ceux-ci se condensent en de minuscules grains de silice au contact des eaux plus froides. Dans leur scénario, il peut s'écouler quelques mois à plusieurs années avant qu'ils ne soient incorporés à des grains plus gros de glace et emportés dans les conduits qui relient l'océan à la surface. Puis, expulsés par les geysersgeysers, ils se retrouvent ensuite autour de la planète géanteplanète géante, délivrés de leurs prisons de glace par l'érosion. « Il est vraiment passionnant que nous puissions utiliser ces minuscules grains de roches déversés dans l'espace par les geysers, pour nous révéler les conditions du plancherplancher océanique d'une lune glacée » commente Hsu.

    Il faut ajouter à cela que les mesures par Cassini du champ gravitationnel du petit satellite naturel suggèrent que son noyau rocheux apparait assez poreux. En d'autres termes, il y aurait de nombreuses infiltrations d'eau liquide en son sein, ce qui décuple les occasions qu'ils interagissent... « En réalité, il est possible qu'une grande partie de cette intéressante chimiechimie d'eau chaude se produise en profondeur, à l'intérieur du noyau, et non pas seulement sur le plancher océanique » note le chercheur.

    Un monde potentiellement habitable ?

    Dans un autre article publié dans la revue Geophysical Research Letters le 26 février dernier, l'équipe franco-américaine d'Alexis Bouquet qui a mené l'enquête sur l'abondance du méthane qui s'échappe des geysers d'Encelade estime que c'est une activité hydrothermale qui en serait à l'origine avec, peut-être, le concours de sources de clathratesclathrates (hydrates de méthane). Toutefois, la récente étude sur les grains de silice place leur préférence dans le camp de la première hypothèse.

    Pour Nicolas Altobelli, membre de l'équipe scientifique de la mission, « cette lune possède tous les ingrédients (eau, chaleurchaleur et minéraux) pour soutenir l'habitabilité dans le Système solaire externe et confirmer le potentiel biologique d'Encelade ; ajoutant qu'il pourrait même représenter un habitat très commun dans la GalaxieGalaxie : des lunes glacées autour de planètes géantes gazeusesplanètes géantes gazeuses qui, bien que situées au-delà de la zone habitable de leur étoileétoile, sont capables de maintenir l'eau à l'état liquideétat liquide sous leurs surfaces gelées ».

    Naturellement, en prenant connaissance de ces recherches, on peut légitimement se demander si ce monde est habité. « Ces découvertes ajoutent la possibilité qu'Encelade (...) puisse contenir des environnements compatibles avec des organismes vivants, a déclaré à ce sujet John Grunsfeld, astronauteastronaute et administrateur associé de la Direction des missions scientifiques de la Nasa, à Washington, les sites dans notre Système solaire où existent des environnements extrêmes et où la vie pourrait exister nous rapprochent de plus en plus de la réponse à la question : sommes-nous seuls dans l'universunivers ? »