Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la représentation de cartes géographiques du royaume de France se développe : c’est le principal outil à la disposition de la monarchie pour gérer son vaste territoire en expansion, répartir les impôts, compléter le réseau routier et assurer la défense du pays… La Carte de France dite « Carte de Cassini » doit son nom à une lignée d’astronomes et de géographes d’origine italienne, devenus directeurs de l’Observatoire de Paris. Réalisée entre 1756 et 1815, elle est reconnue comme première carte générale du territoire français.

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    Louis XV souhaite avoir une vision complète et précise de son royaume : en 1746, il commande à César-François Cassini de Thury (troisième du nom), l'élaboration de la première carte civile représentant l'intégralité du territoire national. Jusqu'à cette période, seule la carte d'État-Major a bénéficié de l'intérêt de la monarchie française car la topographie est considérée comme un art militaire. Les cartes répondent à un besoin stratégique et leurs informations ne doivent pas tomber entre toutes les mains. La plupart de ces cartes restent manuscrites par souci du secret militaire et aucune n'a pour objet de couvrir la totalité du royaume. En fait, la Carte de Cassini constitue l'unique parenthèse civile jusqu'à l'actuelle carte de France.

    <em>Carte générale de la France</em>, tableau d’assemblage « <em>qui comprend les principaux triangles qui servent à la description géométrique de la France levée par ordre du Roy </em>», par Maraldi et Cassini de Thury, 1744. Site Gallica, BnF. © Bibliothèque nationale de France, domaine public

    Carte générale de la France, tableau d’assemblage « qui comprend les principaux triangles qui servent à la description géométrique de la France levée par ordre du Roy », par Maraldi et Cassini de Thury, 1744. Site Gallica, BnF. © Bibliothèque nationale de France, domaine public

    Les caractéristiques de la Carte

    « Mesurer les distances par triangulationtriangulation et assurer ainsi le positionnement exact des lieux, mesurer le Royaume c'est-à-dire, déterminer le nombre innombrable de bourgs, villes et villages semés dans toute son étendue, représenter ce qui est immuable dans le paysage... » : tels sont les objectifs du géographe et astronomeastronome Cassini de Thury.

    La Carte est constituée d'un ensemble de 180 feuilles mesurant en moyenne 104 centimètres sur 73 centimètres ; chaque feuille couvre une superficie territoriale de 80 kilomètres sur 50 kilomètres environ, à l'échelle du 1/86.400e. Fondée sur une triangulation générale, la Carte est basée sur le positionnement de trois cents points par feuille, par la méthode de la triangulation secondaire qui poursuit la triangulation générale. Ce procédé de relevés impose d'effectuer les visées à partir de points élevés du paysage (clochers, tours, collines...) ; les coordonnées sont ainsi calculées avec précision.

    Premier canevas de triangulation de référence pour la future Carte de Cassini, par Cassini de Thury et Maraldi, 1744. Site Gallica, BnF. © Bibliothèque nationale de France, domaine public

    Premier canevas de triangulation de référence pour la future Carte de Cassini, par Cassini de Thury et Maraldi, 1744. Site Gallica, BnF. © Bibliothèque nationale de France, domaine public

    La construction de la Carte

    En 1746, Cassini de Thury a entrepris une première triangulation pour la région des Flandres, afin de coordonner les relevés déjà exécutés par les militaires. Convaincu de l'intérêt du projet, Louis XV décide de financer la fabrication d'une carte générale du royaume. Deux cartes sont consacrées à Paris et Beauvais puis la Guerre de Sept ans signe l'abandon financier par le roi. En 1756, Cassini constitue la Société de la Carte de France dont l'objectif est d'assumer le financement des travaux. Cette nouvelle structure permet d'employer un nombre suffisant d'experts (une vingtaine) qui possèdent les connaissances nécessaires en géométrie. Les contrôles effectués par ces ingénieurs chargés de vérifier les relevés de leurs collègues permettent de conserver le bon niveau scientifique de la Carte. L'ensemble des relevés topographiques est achevé avant la Révolution mais les dernières cartes gravées sont éditées après la chute de l'Empire napoléonien en 1815.

    Extrait de la <em>Carte générale de la France</em>, feuille 131, Toulon et environs (Hyères, îles de Porquerolles et du Levant, Brégançon...). Auteur : Cassini de Thury, 1779. Échelle 1/86.400<sup>e</sup>. Site Gallica, Bnf. © Bibliothèque nationale de France, domaine public

    Extrait de la Carte générale de la France, feuille 131, Toulon et environs (Hyères, îles de Porquerolles et du Levant, Brégançon...). Auteur : Cassini de Thury, 1779. Échelle 1/86.400e. Site Gallica, Bnf. © Bibliothèque nationale de France, domaine public

    C'est la première vision d'ensemble du royaume : l'occupation de l'espace et l'exploitation du sol sont comme « vues d'en haut » : vignes, boisbois, jardins, moulins à eau et à ventvent, ponts, relais de poste, lieux de justice, mines et même cabarets... Les toponymes proviennent des usages locaux : les ingénieurs ont reçu pour mission de travailler avec les habitants des lieux cartographiés et un même lieu est parfois désigné selon ses différentes appellations de l'époque. Malgré ses imperfections, la Carte restitue fidèlement le paysage naturel et construit de la France de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

    Agrandissement sur extrait de la <em>Carte générale de la France</em>, feuille 18, Lille et environs (détails : nombreux moulins). Auteur : Cassini de Thury, 1758. Site Gallica, Bnf. © Bibliothèque nationale de France, domaine public

    Agrandissement sur extrait de la Carte générale de la France, feuille 18, Lille et environs (détails : nombreux moulins). Auteur : Cassini de Thury, 1758. Site Gallica, Bnf. © Bibliothèque nationale de France, domaine public

    À noter

    En 1789, les travaux de la nouvelle Assemblée nationale, qui aboutissent à la création des départements (janvier 1790), s'appuient sur la Carte de Cassini récemment achevée. L'exemplaire complet conservé à la Bibliothèque nationale de France est l'un des rares aquarellés à la main dans les années 1780.