La Cour de France naît véritablement au XVIe siècle, par la volonté du roi François Ier. La famille royale et les princes du sang dominent cette société qui compte également les grands officiers de la Couronne et les dignitaires de la Maison du Roi. La noblesse de Cour ne représente pas l’ensemble de la noblesse française car celle-ci conserve encore des attaches rurales très fortes au XVIe siècle et les nobles sont généralement plus préoccupés par la gestion de leurs domaines que par la vie à la Cour.


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    François Ier et les rois Valois (Henri II, Charles IX, Henri III) n'exigent pas une présence permanente des courtisans mais leur accordent des faveurs qui peuvent les inciter à demeurer dans l'entourage royal. Par contre, la présence permanente de femmes nobles accueillies dans la Maison de la Reine et des princesses royales (depuis Anne de Bretagne), est déterminante pour encourager les hommes à fréquenter la Cour. Véritables vecteurs de sociabilité, elles vont contribuer à transformer la Cour en foyer culturel de référence.

    Bal des noces du duc de Joyeuse au palais du Louvre ; le roi Henri III siège sous le dais rouge à côté de Catherine de Médicis. Auteur anonyme vers 1582, musée du Louvre, Paris. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre), C. Jean
    Bal des noces du duc de Joyeuse au palais du Louvre ; le roi Henri III siège sous le dais rouge à côté de Catherine de Médicis. Auteur anonyme vers 1582, musée du Louvre, Paris. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre), C. Jean

    L’itinérance de la Cour de France

    Jusqu'à Louis XIV qui se fixe à Versailles en 1682 avec la Cour, les rois de France ont tendance à l'itinéranceitinérance et les incessants déplacements de François Ier de 1516 à 1546, puis le « grand tour » de Charles IX et Catherine de Médicis entre 1564 et 1566, en sont l'exemple flagrant. Ces nombreuses migrations royales escortées par la Cour ont un but politique certain : le roi gouverne en voyageant, il doit être vu par ses sujets (importance des entrées solennelles dans les villes), il contribue à la « solidarité nationale » et à la centralisation du pouvoir. La Cour ressemble à une immense caravane de dix à quinze mille personnes, qui transporte vaisselle, meubles et tapisseries entre les différentes résidences royales d'Ile de France (Le Louvre, Saint-Germain-en-Laye, Fontainebleau...) et du Val de Loire (Chambord, Blois, Chenonceau, Amboise...).

    Bal à la Cour d'Henri III vers 1580, anonyme français. Musée des Beaux-Arts de Rennes. © MBA, Rennes
    Bal à la Cour d'Henri III vers 1580, anonyme français. Musée des Beaux-Arts de Rennes. © MBA, Rennes

    Les obligations militaires et la surveillance des frontières vont souvent entraîner la Cour loin d'Ile de France : Henri IV (1589-1610) et Louis XIII (1610-1643) sont des rois soldats. Durant ses vingt premières années de règne personnel, Louis XIV est un monarque itinérant qui conduit ses campagnes militaires et mène plusieurs chantiers architecturaux en alternance (Le Louvre, les Tuileries, Saint-Germain-en-Laye, Versailles). À partir de 1682, le roi choisit Versailles comme principale résidence royale : la Cour compte désormais plus de dix mille personnes (courtisans et nobles de passage), sans compter l'importante domesticité qui y réside également ; elle va demeurer à Versailles jusqu'à la Révolution.

    Le protocole de Cour

    La Cour itinérante de François Ier ne permet pas un cérémonial compliqué autour de la personne du roi. Avec son fils Henri II (1547-1559) qui se déplace moins, l'observation de certains usages devient la règle : le lever et les dîners du roi revêtent une solennité quotidienne, les fêtes sont réglementées, le stylestyle de la Cour se fait plus protocolaire puisque le monarque choisit d'y vivre en « représentation ».

    Henri III (1574-1589) va fixer « l'étiquette » à la Cour, en 1578 puis 1585 : la vie quotidienne du souverain est désormais soumise à un strict cérémonial qui distingue le roi de son entourage, discipline les gestes et impose la retenue dans les attitudes. En période de graves troubles politico-religieux, Henri III comprend qu'encadrer la Cour est un moyen de contrer l'opposition nobiliaire et la constitution de partis rivaux. En conférant des charges qui stimulent la fidélité au souverain, le roi attire des gentilshommes à sa Cour au moment où des membres de la haute noblesse décident de la quitter pour manifester leur mécontentement. Dans cette optique est créée une garde rapprochée, « les Quarante-Cinq » ou Cadets de Gascogne, chargée de la sécurité du roi ; l'ordre du Saint-Esprit est fondé en 1578 : initialement réservé aux grands dignitaires du royaume, il devient l'ordre de chevalerie le plus prestigieux de la monarchie française.

    Henri III présidant la première cérémonie de l'ordre du Saint-Esprit, par Guillaume Richardière en 1586. Musée Condé, Chantilly. © Wikimedia Commons, domaine public
    Henri III présidant la première cérémonie de l'ordre du Saint-Esprit, par Guillaume Richardière en 1586. Musée Condé, Chantilly. © Wikimedia Commons, domaine public

    Le protocoleprotocole de Cour instauré par Henri III est peu pratiqué par ses successeurs Henri IVHenri IV et Louis XIII : avec ces deux monarques, la Cour n'est ni un modèle ni un lieu de rassemblement pour la noblesse. Au contraire, sous Louis XIII, elle représente un dangereux foyer d'intrigues politiques pour l'autorité du souverain, notamment lors de la régence de Marie de Médicis. Richelieu va réussir à maîtriser les conjurations des nobles et à restaurer la Cour en tant que foyer de culture : le roi Louis XIII y devient le protecteur des écrivains et des belles-lettres. La langue française doit bénéficier d'un grand rayonnement : épurée par les académiciens (création de l'Académie Française en 1635), elle devient « langage de Cour ».

    Versailles ou l’apogée du système de Cour

    À partir de son règne personnel, à la mort de Mazarin en 1661, Louis XIV va réussir à perfectionner les éléments de Cour qui subsistent après la Fronde, pour les transformer en un système unique en son genre. L'installation définitive à Versailles est déterminante : être logé au château est un privilège réservé à trois mille personnes qui doivent subir l'inconfort et la promiscuité, excepté pour les princes du sang et les grands dignitaires installés dans les confortables ailes sud et nord. Cinq pour cent seulement de la noblesse a accepté de venir vivre à la Cour mais celle-ci rassemble tous les grands du royaume. Faire sa cour au roi devient une obligation nobiliaire, indispensable pour obtenir les faveurs du souverain qui se méfie des absents.

    Institution de l'ordre militaire de Saint-Louis par Louis XIV en 1693, audience dans la chambre du roi, par François Marot en 1710. Château de Versailles. © Wikimedia Commons, domaine public 
    Institution de l'ordre militaire de Saint-Louis par Louis XIV en 1693, audience dans la chambre du roi, par François Marot en 1710. Château de Versailles. © Wikimedia Commons, domaine public 

    Louis XIV encourage l'assiduité des courtisans, leur impose le respect du protocole et les plie aux exigences de sa vie publique permanente. L'étiquette est « le centre de la mécanique de Cour » puisqu'elle y détermine la place de chacun. La finalité politique est évidente : maintenir la haute noblesse à l'écart du pouvoir. De fait, aucun membre de la famille royale, aucun prince ne siège au Conseil du roi. La Cour de Louis XIV est « un modèle de soumission » et un instrument de règne qui polit l'entourage du souverain.

    Le déclin de la Cour à la fin du XVIIIe siècle

    Au XVIIIe siècle, la Cour de France conserve son prestige puisque les grandes cérémonies et les divertissements de Versailles, constituent la référence pour tous les monarques européens.

    Bal masqué donné pour le mariage du dauphin, par Charles Nicolas Cochin en 1745. Musée du Louvre. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre), Michèle Bellot
    Bal masqué donné pour le mariage du dauphin, par Charles Nicolas Cochin en 1745. Musée du Louvre. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre), Michèle Bellot

    La Cour reste fidèle au protocole qui la maintient en constante représentation mais les contemporains perçoivent dans l'entourage de Louis XV et Louis XVI, des signes de dégradation du modèle de vie publique imposé par Louis le Grand. Les deux souverains séparent plus volontiers la vie de représentation de la vie privée ; cependant le protocole est maintenu dans toute sa rigidité et même renforcé par Louis XV en 1759, sur la question des « préséances » ou possibilité d'être présenté au roi et à sa famille, en fonction de son degré de noblesse.

    La reine Marie Leszczynska en grande robe de Cour, par Charles Van Loo en 1747. Château de Versailles. © Wikimedia Commons, domaine public
    La reine Marie Leszczynska en grande robe de Cour, par Charles Van Loo en 1747. Château de Versailles. © Wikimedia Commons, domaine public

    Les privilèges honorifiques, instruments de récompenses, rendent les courtisans intrigants et favorisent la formation de partis qui déstabilisent la conduite des affaires de l'État puis finalement le roi. L'opinion publique, surtout à Paris, est sensible à l'altération du rôle joué par la Cour en matière politique et culturelle. À la fin du XVIIIe siècle, la Cour de France présente des signes de réel déclin, accéléré par le règne de Louis XVI : Versailles perd son rôle d'unique modèle de société et de foyer culturel au profit de Paris ; la monarchie française est en cours de désacralisation.

    Louis XVI en habit de l'ordre du Saint-Esprit, par Alexandre Roslin en 1782. © Château royal de Varsovie, Pologne. © Wikimedia Commons, domaine public
    Louis XVI en habit de l'ordre du Saint-Esprit, par Alexandre Roslin en 1782. © Château royal de Varsovie, Pologne. © Wikimedia Commons, domaine public