Après la première moitié du XVIIe siècle, la France ne connaît plus de guerres sur son territoire. Les conflits se déroulent désormais sur le sol européen et les guerres du roi Louis XIV vont enraciner le concept de « paix européenne », déjà inscrit dans les traités de Westphalie de 1648. On assiste à la construction d’un équilibre européen globalement pacifique, qui va se maintenir jusqu’à la guerre de Sept Ans.


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    La guerre est une occupation que Louis XIV affectionne même s'il l'a regrettée à la fin de son règne. Il se dote d'une armée royale permanente et conduit en personne les deux premières campagnes : celle des Pays-Bas (1667-1668, contre l'Espagne puis les Provinces-Unies, la Suède et l'Angleterre) et celle de Hollande (1672-1678, contre les Provinces-Unies, le Saint Empire germanique, le Danemark et l'Espagne). Le roi dirige ensuite une « guerre de cabinet » avec Louvois, secrétaire d'État à la guerre et Vauban, adepte de la poliorcétique (l'art des fortifications). Louis XIV consacre plus de quarante années de son règne à la guerre et se transforme en arbitre sur l'échiquier politique et diplomatique européen. 

    Louis XIV à la prise de Besançon en 1674 par Adam François van der Meulen ; musée de l'Hermitage, Saint-Petersbourg, Russie. © Wikimedia Commons, domaine public
    Louis XIV à la prise de Besançon en 1674 par Adam François van der Meulen ; musée de l'Hermitage, Saint-Petersbourg, Russie. © Wikimedia Commons, domaine public

    Les conflits  

    • Guerre de Dévolution : 1667-1668, adversaires : Espagne puis Angleterre, Provinces-Unies et Suède ; conclusion : traité d'Aix-la-Chapelle.
    • Guerre de Hollande : 1672-1678, adversaires : Provinces-Unies, Saint-Empire germanique, Espagne, Danemark ; conclusion : traité de Nimègue (1678 et 1679).
    • Guerre des Réunions : 1683-1684, adversaire : Espagne ; victoire française et trêve de Ratisbonne (entre Louis XIV et l'empereur Léopold Ier).
    • Guerre de la Ligue d'Augsbourg : 1688-1697, adversaires : Provinces-Unies, Angleterre, Saint-Empire, Savoie, Espagne, Suède (jusqu'en 1691), Portugal, Écosse ; traités de Ryswick (Louis XIV reconnaît Guillaume III d'Orange comme roi d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande).
    • Guerre de Succession d’Espagne : 1701-1714, adversaires : Provinces-Unies, Angleterre, Saint-Empire germanique, Savoie, Portugal, Autriche, Prusse ; traité d'Utrecht en 1713 : Philippe d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, est reconnu comme roi d'Espagne et renonce à ses droits de succession au trône de France ; traité de Rastatt en 1714 (entre France et Autriche).
    Le roi Philippe V d'Espagne, petit-fils de Louis XIV, en 1723, par Jean Ranc. Musée du Prado, Madrid, Espagne. © Wikimedia Commons, domaine public
    Le roi Philippe V d'Espagne, petit-fils de Louis XIV, en 1723, par Jean Ranc. Musée du Prado, Madrid, Espagne. © Wikimedia Commons, domaine public

    Les congrès pour la paix 

    Depuis les traités de Westphalie en 1648, le congrès s'impose dans le règlement de chaque conflit européen. Les négociations de paix n'interrompent pas les opérations de guerre et commencent généralement avec une proposition de médiation. Charles XI, roi de Suède, offre la sienne pour conduire des négociations dès 1673, proposition reprise par le roi Charles II d'Angleterre, pour un congrès ouvert à Nimègue en juin 1676. Lors de la seconde guerre européenne du règne de Louis XIV, c'est encore la médiation du roi de Suède Charles XI qui est proposée en septembre 1696 et qui permet d'ouvrir le congrès de Ryswick en mai 1697. Pour achever la troisième guerre européenne dont les opérations démarrent en 1702, des pourparlers ont lieu dès 1706. Le Danemark, le Saint-Siège, la Suisse proposent leur médiation pour la tenue d'un congrès en 1707, puis Louis XIV accepte d'en venir à des négociations directes dont l'échec tient en partie au déséquilibre des forces entre puissances, empêchant de maintenir des relations entre souverains.

    Le passage du Rhin, devant le village de Lobith (Hollande), le 16 juin 1672, par Adam François van der Meulen. Vente Sotheby's Paris en juin 2017. © Wikimedia Commons, domaine public
    Le passage du Rhin, devant le village de Lobith (Hollande), le 16 juin 1672, par Adam François van der Meulen. Vente Sotheby's Paris en juin 2017. © Wikimedia Commons, domaine public

    Les clauses territoriales, commerciales et dynastiques des traités

    Un accord de paix passe toujours par des négociations territoriales, car le territoire est considéré comme objet personnel du souverain. Les rois peuvent conquérir ou perdre une province : la loi des armes devient alors une base de négociation. Les rois échangent des territoires, modifient les frontières, redessinent les cartes : la Franche-Comté espagnole devient française en 1675, puis Strasbourg en 1681 ou Luxembourg entre 1684 et 1697. Le « pré carré » de Vauban protège la frontière nord entre France et Pays-Bas espagnols (double ligne de forteresses et de lignes défensives). Les fortifications sont également présentes en Alsace, dans les Alpes et les Pyrénées ; ces lignes frontalières construites et défendables donnent à la France le visage du futur « hexagone ».

    Les traités incluent désormais des considérations commerciales : des clauses à caractère économique sont exigées par Louis XIV, dans le traité de Nimègue en 1678. Ce traité établit la liberté des échanges entre France et Provinces-Unies et devient un modèle répété en termes presque identiques à Ryswick (1697) puis à Utrecht (1713), toujours avec les Provinces-Unies mais aussi l'Angleterre, qui s'est détachée de la coalition avec l'Empire germanique et l'Espagne, grâce aux avantages qui sont accordés à son commerce. En effet Louis XIV accorde une liberté « absolue et réciproque » de la navigation et du commerce à l'Angleterre, en échange de territoires jugés de moindre intérêt pour la France : la baie et le détroit d'Hudson, l'Acadie et Terre-Neuve avec les îles adjacentes, les îles de Saint-Christophe dans les Antilles. C'est une manière d'introduire dans le règlement des conflits continentaux, une réflexion sur les intérêts coloniaux, nouveaux enjeux pour les puissances européennes au début du XVIIIe siècle.

    Bataille de Denain en 1712 : le duc de Villars, commandant l'armée royale, est victorieux du prince Eugène de Savoie (guerre de Succession d'Espagne), par Jean Alaux en 1839. Château de Versailles, Galerie des Batailles. © Wikimedia Commons, domaine public
    Bataille de Denain en 1712 : le duc de Villars, commandant l'armée royale, est victorieux du prince Eugène de Savoie (guerre de Succession d'Espagne), par Jean Alaux en 1839. Château de Versailles, Galerie des Batailles. © Wikimedia Commons, domaine public

    La paix conclue au nom du roi est conçue comme une affaire dynastique et privée : il en est de même pour tous les souverains, seules les républiques font exception à la règle. Le traité de paix de Nimègue, du 17 septembre 1678, est signé entre Louis XIV et Charles II d'Espagne ; celui du 5 février 1679 entre Louis XIV et l'empereur Léopold Ier ; le traité de Saint-Germain du 29 juin 1679 entre Louis XIV et Frédéric-Guillaume, électeur de Brandebourg et ainsi de suite...

    Logiquement un traité de paix est renforcé par une union matrimoniale, seule fonction diplomatique et dynastique accordée aux princesses. C'est l'une des clefs de la paix des Pyrénées signée en 1659, avec le mariage de Louis XIV et de l'infante Marie-Thérèse d'Autriche. En 1679, la paix de Nimègue se prolonge par le mariage du roi d'Espagne avec la nièce du roi de France, Marie-Louise d'Orléans. En janvier 1680, le Dauphin (fils de Louis XIV) épouse Marie-Anne de Wittelsbach, sœur du prince-électeur de Bavière : l'entretien des alliances politiques passe par les princesses.

    Entrée solennelle de Louis XIV et de la reine Marie-Thérèse à Arras, le 30 juillet 1667, pendant la guerre de Dévolution ; par Adam François van der Meulen. Le roi est sur le cheval blanc derrière le carrosse de la reine. © RMN-Grand Palais (Château de Versailles), Gérard Blot
    Entrée solennelle de Louis XIV et de la reine Marie-Thérèse à Arras, le 30 juillet 1667, pendant la guerre de Dévolution ; par Adam François van der Meulen. Le roi est sur le cheval blanc derrière le carrosse de la reine. © RMN-Grand Palais (Château de Versailles), Gérard Blot

    Bilan des guerres de Louis Le Grand

    La paix de Louis XIV est européenne par le nombre de grandes puissances impliquées dans de nouveaux systèmes d'alliance et signataires des traités : France, Empire germanique, Espagne, Autriche, Angleterre, Provinces-Unies, Suède, Danemark, Prusse, Portugal. Les caractéristiques des guerres du Roi-Soleil sont l'ouverture de fronts multiples qui empêchent de concentrer tout le potentiel militaire sur un seul théâtre d'opérations ; on assiste à des batailles d'endurance ponctuées par des sièges. Les conflits se déroulent essentiellement au-delà des frontières : les invasions limitées à l'Alsace n'ont jamais menacé l'intérieur du pays. On peut souligner que les guerres de Louis XIV ont accompagné la modernisation de l'État et la constructionconstruction d'une administration centralisée. Mais les conflits devenus européens dès la guerre de Hollande (1672), déséquilibrent les finances de l'État royal et imposent au royaume une charge fiscale excessive. Le déficit budgétaire est vertigineux à la fin du règne de Louis XIV !