Voilà 10 ans déjà que la sonde spatiale Cassini explore avec succès les mondes de Saturne. Outre les images extraordinaires du « seigneur des anneaux » et les gros plans de ses satellites naturels, les scientifiques doivent à la mission plusieurs découvertes majeures comme les pluies et les lacs sur Titan, les geysers d'Encelade, etc. Retour sur cette grande aventure qui associe les agences spatiales états-uniennes et européennes.
Saturne à l’approche de l’été L’hémisphère nord de Saturne le 25 avril 2016, à l’approche du solstice d’été pour le « seigneur des anneaux » en mai 2017 (l’année de Saturne dure 29 années terrestres). Au cours de ses 13 années d’exploration, la sonde Cassini a pu voir la planète géante passer de l’hiver au printemps, dans l’hémisphère nord et de l’été à l’automne, dans l’hémisphère sud. © Nasa, JPL-Caltech, Space Science Institute
La Terre, Vénus et Mars vues de Saturne Le 19 juillet 2013, la sonde spatiale Cassini profita d’un passage dans l’ombre de Saturne pour photographier à contre-jour les anneaux, quelques satellites naturels, Mars, Vénus et la Terre. Notre planète apparaît comme un « pâle petit point bleu » selon l'expression de l’astronome Carl Sagan. Il faisait jour et beau en Europe ce jour-là : vous êtes sur la photo. © Nasa, JPL-Caltech, SSI
Le grand panorama des anneaux de Saturne Saturne doit principalement sa renommée et sa beauté à ses anneaux de glace. Innombrables, ils se distinguent en cinq principaux groupes séparés par des vides plus ou moins importants. Cette image mosaïque en couleur naturelle fut prise par Cassini le 26 novembre à une distance de 1,1 million de km. La composition embrasse les anneaux sur une largeur de 65.700 km. © Nasa, JPL, Space Science Institute
Dans les anneaux de Saturne, l'hélice Blériot Des structures évoquant une hélice bipale, invisibles depuis la Terre, ont été observées au sein des anneaux. Ici, l'une des plus célèbres, baptisée Blériot, en l'honneur de l'aviateur français connu pour avoir réussi la première traversée de la Manche en avion en 1909. Ce sont des perturbations parmi les minuscules particules formant les anneaux, comme des vagues. Plus ou moins stables, elles mesurent plusieurs centaines de kilomètres. En leur centre doit se trouver un tout petit satellite, dont la dimension doit être comprise entre 1 et 2 km, invisible sur la photographie. © Nasa, JPL-Caltech, SSI
Gros plan sur les anneaux de Saturne Voici une partie des anneaux de Saturne, situés entre 98.600 et 105.500 km de la géante gazeuse, dans le groupe de l’anneau B. Ils sont composés d’une multitude de particules (notamment de glace d’eau) de petite taille. Leur densité est variable. © Nasa, JPL, Space Science Institute
D'étranges frises sur le bord des anneaux À l’approche de l’équinoxe en 2009, l’éclairage solaire dévoile des structures insoupçonnées en marge de l’anneau B. Les reliefs s’élèvent jusqu’à 2,5 km au-dessus du plan des anneaux. Il est probable que de minuscules lunes circulant entre les anneaux A et B en perturbent régulièrement les bordures. © Nasa, JPL, Space Science Institute
Au-dessus de Saturne Magnifique portrait de Saturne, deuxième plus grosse planète du Système solaire, photographiée le 10 octobre 2013 lors d’un survol polaire de la sonde Cassini. L’image mosaïque fut retravaillée par un grand fan de la mission et astronome amateur, Gordan Ugarkovic. On distingue le grand hexagone qui occupe le pôle nord. La région est éclairée (c’est alors le printemps dans l’hémisphère nord). Côté anneaux, on peut observer les principales séparations : la division de Cassini, de Hencke, Maxwell et Colombo. © Nasa, JPL, Space Science Institute, Gordan Ugarkovic
Le célèbre hexagone du pôle nord de Saturne Première vue complète de l'immense structure avec six faces de courants-jets présente au pôle nord de Saturne. Surnommée l'« hexagone », elle s'étend jusqu'à 70° de latitude. L'équinoxe de printemps dans l'hémisphère nord, qui a débuté en 2009, permet au pôle nord de la planète géante d'être enfin exposé au Soleil. Ces images en fausses couleurs ont été capturées par la sonde spatiale Cassini. © Nasa, JPL-Caltech, SSI, Université de Hampton.
Gros plan sur l’hexagone du pôle nord de Saturne Gros plan sur le pôle nord de Saturne. L’image a été prise par Cassini le 8 septembre 2017. La grande structure hexagonale s’étend jusqu’à 70° de latitude et ses côtés mesurent environ 13.800 km. Sa période de rotation est de près de 10 h 40. Le pôle sud, quant à lui, ne présente pas de système hexagonal. © Nasa,JPL-Caltech, SSI, Kevin M. Gill
Une tempête géante sur Saturne Trois mois après son apparition remarquée dans l’hémisphère nord de Saturne en décembre 2010, la tempête provoquée par les changements de saison poursuivait son expansion dans la haute atmosphère. Cassini l'a observée jusqu'en 2011. Depuis la Terre, une tempête semblable avait été observée il y a trente ans, c'est-à-dire une année saturnienne. © Nasa, JPL, Space Science Institute
Les geysers d'Encelade Courant 2005, les scientifiques remarquent la présence de geysers sur le limbe du petit satellite naturel Encelade (environ 500 km). Les analyses ultérieures montreront qu’il s’agit de particules de glace. Surgit alors l’hypothèse qu’il existe un océan d’eau liquide sous sa surface gelée. © Nasa, JPL, Space Science Institute
Premier survol de Titan par la sonde Cassini Arrivée le 30 juin 2004, la sonde Cassini entreprit son premier survol de Titan le 26 octobre de la même année. Sur cette image mosaïque retravaillée pour réduire les effets de l’atmosphère, on distingue à droite, une région brillante nommée Xanadu. Les scientifiques n’avaient pas encore caractérisé les étendues de méthane liquide. © Nasa, JPL, Space Science Institute
Première image de la surface de Titan Développée par l’Agence spatiale européenne (Esa), la sonde Huygens qui a voyagé jusqu’à Saturne en compagnie de Cassini, toucha le sol de la lune Titan le 14 janvier 2005, après une descente de près de 2 h 30 afin d’étudier son atmosphère. Photographiés à une distance d’environ 85 cm, les blocs visibles au premier plan sont davantage des galets que des rochers. Leurs rondeurs a suggéré aux scientifiques une érosion. © Nasa, Esa, JPL, Université de l’Arizona
Encelade, une lune potentiellement habitable Parmi les grandes découvertes de Cassini figurent les geysers d’Encelade (500 km de diamètre). Depuis 2005, les observations et les mesures de la sonde ont permis aux chercheurs de supposer que la petite lune abrite un vaste océan d’eau liquide sous sa surface de glace qui, comme on peut le voir, se fissure. © Nasa, JPL-Caltech, Space Science Institute
Encelade et ses geysers Sur cette image capturée par Cassini le 13 octobre 2009, on peut voir une partie d’Encelade directement illuminée par le Soleil et une autre éclairée par la lumière du Soleil réfléchie par Saturne. Jaillissant du pôle sud de cette lune glacée, des geysers d’eau. © Nasa, JPL, Space Science Institute
Les deux plus grandes lunes de Saturne Les deux plus grandes lunes de Saturne alignées : au premier plan, Rhéa (1.528 km) et, à l’arrière-plan, Titan (5.150 km). Le 16 juin 2011, Cassini était alors à 1,8 million de km de la première et à 2,5 millions de km de la seconde. Les deux lunes arborent deux surfaces très différentes. © Nasa, JPL-Caltech, Space Science Institute
Japet, une terre de contraste Images composite des deux hémisphères de Japet capturées par Cassini respectivement en 2004 et 2007. Cette petite lune de Saturne de 1.471 km de diamètre arbore à sa surface une indéniable dichotomie : des terrains aussi sombres que le charbon (environ 40 % de sa surface) contrastant avec d’autres aussi clairs que la neige. Le grand bassin d’impact Engelier (vue de droite, en bas) mesure 504 km de diamètre. © Nasa, JPL, Space Science Institute
L’ombre de Mimas sur les anneaux de Saturne Cette image a été prise par Cassini le 8 avril 2009 à 1,1 million de km de distance. La petite lune Mimas (396 km) qui gravite autour de Saturne dans le « vide » de la fameuse division de Cassini, projette son ombre sur les anneaux autour d’elle. La scène a pu être possible en raison de l’équinoxe d’août 2009 (ils se déroulent tous les 15 ans) qui approchait. © Nasa, JPL, Space Science Institute
Pan, une soucoupe volante autour de Saturne Deux vues du curieux Pan, un satellite qui tourne près de Saturne (à moins de 134.000 km du centre de la planète), au milieu de la division Encke de l'anneau A. Ce petit corps de 35 km de diamètre maximal pour 23 km de hauteur est formé de particules glacées, les mêmes que celles formant l'anneau où il se trouve, et qu'il accumule à son équateur, ce qui lui donne cette allure de soucoupe volante. © Nasa, JPL, Space Science Institute
Daphnis fait des vagues dans les anneaux de Saturne Bien que minuscule — 8 km de longueur —, Daphnis a une force d’attraction suffisante pour perturber les petits grains qui composent les anneaux au milieu desquels elle se fraie un chemin. La petite lune se balade dans l’espace de Keeler, à l’intérieur de l’anneau A de Saturne. © Nasa, JPL-Caltech, Space Science Institute
Quelle ne fut pas la stupeur de Galilée lorsqu'en 1610, il contempla pour la première fois Saturne dans sa célèbre lunette astronomique. Il vit, en effet, une intrigante forme oblongue sans équivalent chez les autres planètes observées comme Jupiter, Vénus ou Mars... Quelque quatre décennies plus tard, le mathématicien Christian Huygens qui venait de découvrir Titan (1655), résolut cette énigme en proposant qu'il s'agissait d'anneaux constitués de roches ceinturant la planète géante. Son contemporain Jean-Dominique Cassini débusqua quant à lui quatre nouveaux satellites naturels entre 1671 et 1684. D'abord Japet puis Rhea, Tethys et Dione. Entre autres faits d'armes, le premier directeur de l'Observatoire de Paris (surnommé Cassini 1er) remarqua un trait sombre séparant deux bandes d'anneaux, une caractéristique bien connue des observateurs actuels sous le nom de « division de Cassini ».
À présent, leurs noms se perpétuent dans l'histoire des sciences, accolés à une ambitieuse mission d'exploration scientifique de Saturne et des nombreux mondes qui l'entourent. C'est le 30 juin 2004 que la sonde spatiale Cassini-Huygens, conçue par la Nasa et l'Esa, fit son entrée. Une insertion en orbite réussie après un long périple de sept ans et quelque 3,5 milliards de kilomètres (réalisé en plusieurs étapes afin de bénéficier de l'assistance gravitationnelle de la Terre, Vénus et Jupiter).
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Un succès prolongé
Destinée à l'origine à voguer durant quatre ans d'un satellite naturel à l'autre, de se faufiler entre les anneaux pour étudier leurs structures et, bien entendu, de sonder le maître des lieux -- la deuxième plus grosse planète du système solaire --, la mission dite d'équinoxe s'est vue, en 2008, reconduite et rallongée. Ente-temps, elle fut renommée « mission du solstice », en vue de l'été dans l'hémisphère nord qui s'annonce pour 2017 (fin de la rallonge).
À l'occasion du dixième anniversaire de son arrivée, les équipes scientifiques et techniques se félicitent de la bonne marche de la mission et des avancées scientifiques laissées dans son sillage : plus de 500 gigaoctets de données, lesquelles ont alimenté plus de 3.000 études... « Au cours de cette décennie passée avec Cassini, nous avons eu le privilège d'observer des événements jamais vus auparavant qui ont changé notre compréhension sur la façon dont un système planétaire peut se former et quelles conditions peuvent conduire à l'habitabilité » a résumé Linda Spilker, chercheur pour la mission au JPL de la Nasa.
Les grands moments de la mission
Parmi les moments les plus importants, rappelons l'extraordinaire descente, le 14 janvier 2005, de la sonde Huygens. Séparé du vaisseau Cassini, il pénétra dans l'intrigante atmosphère de Titan pour s'adonner durant 2 heures et 27 minutes à des mesures inédites avant d'achever son voyage en foulant le sol glacé de cette lune de 5.150 kilomètres de diamètre. C'était la première fois qu'une machine de fabrication humaine touchait la surface d'une planète (ou satellite naturel) aussi lointaine, par delà Mars et la ceinture d'astéroïdes. Évoquant la Terre primitive aux astronomes, Titan partage, il est vrai, quelques traits de caractère avec notre planète bleue comme l'existence de mers, de lacs, de rivières -- toutefois, le méthane et l'éthane liquide y remplacent l'eau --, des pluies, une érosion, une atmosphère riche en hydrocarbures, etc. Poursuivant les investigations depuis l'espace, le vaisseau Cassini a, quant à lui, déjà survolé 102 fois Titan, transmettant aux scientifiques de précieuses données sur son atmosphère, son anatomie, les variations saisonnières, les échanges physico-chimiques...
Au cours de 2005, Cassini fit une découverte inattendue et majeure en survolant la petite lune Encelade (500 km). Des crevasses observées près de son pôle Sud, il constata, en effet, des panaches de particules de glace d'eau. En l'espace de quelques années, cette boule de glace est ainsi devenue un candidat sérieux pour l'habitabilité du Système solaire, à l'instar d'Europe (satellite de Jupiter).
Toujours grâce à Cassini, les scientifiques s'aperçurent récemment que les innombrables anneaux qui entourent Saturne sont un milieu dynamique qui recèle bien des surprises comme celle de fomenter de nouveaux (et éphémères ?) minuscules satellites, notamment au sein de l'anneau extérieur F. Une scène où se joue, certes à plus petite échelle, le ballet du système solaire primitif.
Depuis le début de la mission, voici 10 ans, Saturne a déjà accompli un tiers de son orbite autour du Soleil (sa révolution est de 29 années et 165 jours terrestres), de sorte que Cassini a pu épier divers changements saisonniers dans son atmosphère comme l'apparition, fin 2010, d'une immense tempête.
En pleine forme, le vaisseau continue l'aventure jusqu'au moins 2017. Le seul facteur limitant explique la Nasa dans son communiqué de presse sont ses propulseurs. « Notre équipe a fait un travail fantastique en optimisant les trajectoires pour sauver les propulseurs » a souligné le responsable de la mission Cassini au JPL, Earl Maize. « Nous sommes fiers de fêter une décennie d'exploration de Saturne et nous nous réjouissons d'avance des nombreuses découvertes à venir. »