Deux études indépendantes, utilisant les observations récentes du télescope spatial James-Webb (JWST), suggèrent fortement que la glace de dioxyde de carbone sur la lune Europe de Jupiter provient d'une source de CO2 située dans l'océan souterrain du corps glacé. Il y aurait donc bien du carbone utilisable par des micro-organismes dans cet océan d'eau salée.


au sommaire


    C'était attendu, l'exploration du Système solaire reçoit un second souffle depuis la mise en service du télescope James-Webb qui permet d'aller plus loin qu'avec le télescope HubbleHubble. On en voit un nouvel exemple avec la publication de deux articles dans Science qui font savoir que le JWSTJWST semble en mesure de sonder indirectement les arcanes de l'intérieur de l'océan global d'Europe, la lune glacée de JupiterJupiter.

    Pour mieux comprendre quels sont les enjeux, il n'est pas inutile de rappeler qu'au début des années 1980, dans son fameux roman 2010 : Odyssée deux, Arthur Clarke - le célèbre inventeur du concept de satellite géostationnaire - prenait au sérieux l'idée que des formes de vie pouvaient peut-être exister dans l'océan sous la banquisebanquise d'Europe.

    Comme Futura l'avait expliqué dans de précédents articles, Clarke ne faisait que reprendre en partie pour son roman de hard SF les résultats que l'on venait juste d'obtenir après le succès des missions Voyager 1Voyager 1 et 2 lors de leurs visites des lunes de Jupiter, à savoir la découverte du volcanisme de Io et les premières images rapprochées de la banquise d'Europe.

    Inspirés par celles des formes de vie au voisinage des sources hydrothermalessources hydrothermales dans les abysses au cours des années 1970, certains exobiologistes et planétologues avaient spéculé qu'il pourrait en exister de similaires dans l'océan d'Europe, avec un volcanismevolcanisme provenant, comme dans le cas de IoIo, des forces de marée du système jupitérien, chauffant en le malaxant l'intérieur rocheux d'Europe. C'est peut-être ainsi que la vie sur Terre est née, dans les parois des cheminéescheminées de sources hydrothermales similaires pendant l'HadéenHadéen ou au début de l'ArchéenArchéen.

    Ces idées n'ont fait que prendre de plus en plus de poids avec les années, au point que des missions à destination d'Europe, directement ou indirectement, ont été décidées et sont en cours, à savoir Juice et surtout Europa Clipper.


    Europe et son océan global sont prometteurs pour l'exobiologie. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa

    Quelle composition pour l'océan d'Europe ?

    Pour faire avancer l'exobiologie, il faut préciser la composition de l'océan d'Europe. On a toutes les raisons de penser qu'il est salé et on espère détecter des moléculesmolécules biologiques, dans l'idéal des biosignatures, dans les glaces et les geysersgeysers à la surface de la lune.

    Les deux études indépendantes aujourd'hui publiées n'apportent pas encore de révolution mais il semble que les observations du JWST suggèrent fortement aujourd'hui que la glace de dioxyde de carbonedioxyde de carbone (CO2), détectée depuis un moment déjà sur la banquise d'Europe, appelée de la glace sècheglace sèche sur Terre, provient bien d'émissionsémissions de gazgaz carbonique en provenance de l'intérieur d'Europe.

    Jusqu'à présent, on ne pouvait pas écarter de façon convaincante la possibilité que la glace sèche se soit formée à partir d'un apport de CO2 à la suite des impacts de météoritesmétéorites ou avait été produit à la surface par des interactions avec les flux de matièrematière et de rayons cosmiquesrayons cosmiques issus de la magnétosphèremagnétosphère de Jupiter.

    Dans un premier article, l'astronomeastronome et planétologue Samantha Trumbo de la célèbre Université de Cornell où ont enseigné Carl Sagan et Richard Feynman, a fait équipe avec le nom moins célèbre astronome Mike Brown du Caltech, à l'origine du déclassement de PlutonPluton et de l'hypothèse de l'existence de la planète 9 avec Konstantin Batygin.

    Ces images montrent, à gauche, une carte de la surface d'Europe dressée avec l'instrument NIRCam observant dans le proche infrarouge sur le télescope spatial James-Webb et des cartes de la composition dérivées des données NIRSpec/IFU dans les trois panneaux suivants. Dans les cartes de composition, les pixels blancs correspondent au dioxyde de carbone dans la région des terrains chaotiques connue sous le nom de <em>Tara Regio</em> (au centre et à droite), avec des concentrations supplémentaires dans certaines parties de la région chaotique de <em>Powys Regio</em> (à gauche). Les deuxième et troisième panneaux montrent des traces de dioxyde de carbone cristallin, tandis que le quatrième panneau indique une forme complexe et amorphe de dioxyde de carbone. Les glaces de surface dans ces régions ont été perturbées et il y a probablement eu un échange de matière relativement récent entre l'océan souterrain et la surface glacée. Le carbone, élément constitutif universel de la vie telle que nous la connaissons, est probablement originaire de l’océan européen. La découverte suggère un environnement potentiellement habitable dans l’océan souterrain salé d’Europe. © Nasa, ESA, CSA, Gerónimo Villanueva (NASA-GSFC), Samantha K Trumbo (Université Cornell)
    Ces images montrent, à gauche, une carte de la surface d'Europe dressée avec l'instrument NIRCam observant dans le proche infrarouge sur le télescope spatial James-Webb et des cartes de la composition dérivées des données NIRSpec/IFU dans les trois panneaux suivants. Dans les cartes de composition, les pixels blancs correspondent au dioxyde de carbone dans la région des terrains chaotiques connue sous le nom de Tara Regio (au centre et à droite), avec des concentrations supplémentaires dans certaines parties de la région chaotique de Powys Regio (à gauche). Les deuxième et troisième panneaux montrent des traces de dioxyde de carbone cristallin, tandis que le quatrième panneau indique une forme complexe et amorphe de dioxyde de carbone. Les glaces de surface dans ces régions ont été perturbées et il y a probablement eu un échange de matière relativement récent entre l'océan souterrain et la surface glacée. Le carbone, élément constitutif universel de la vie telle que nous la connaissons, est probablement originaire de l’océan européen. La découverte suggère un environnement potentiellement habitable dans l’océan souterrain salé d’Europe. © Nasa, ESA, CSA, Gerónimo Villanueva (NASA-GSFC), Samantha K Trumbo (Université Cornell)

    De la glace sèche récente à Tara Regio

    Les deux chercheurs se sont concentrés sur les données du JWST montrant de la glace sèche en abondance dans Tara Regio - une région d'environ 1 800 kilomètres carrés exhibant ce que des géologuesgéologues sur Terre appelleraient des chaos et des exogéologues des terrains chaotiques (ou terrain de chaos), c'est-à-dire plus précisément dans ce cas-là, comme sur Mars, une surface planétaire où les zones de crêtes, de fissures et de plaines sont confuses et mêlées les unes aux autres. Dans le cas d'Europe, un exemple célèbre est Conamara Chaos.

    Tara Regio est forcément jeune, sans quoi le temps aurait « lissé et régularisé » sa surface. Si tel est bien le cas, on en déduit que l'accumulation de glace sèche est récente et donc ne peut avoir été formée que par l'arrivée massive en surface de gaz carbonique provenant de l'océan d'Europe.

    Toutefois, on ne sait pas si la source de carbone initiale est biotique ou abiotiqueabiotique dans l'océan d'Europe, ce pourrait être des matières organiques ou des carbonates en surface issus de cet océan libérant du CO2 sous l'effet des rayons cosmiques également mais il est encore trop tôt pour le savoir. De plus, on sait bien sur Terre que l'activité volcanique libère du gaz carbonique. Ce qui est vrai dans tous les cas, c'est qu'il semble établi maintenant qu'il y a du carbone utilisable par des formes vivantes dans l'océan d'Europe.


    Une série de cours grand public sur l'exobiologie débute par cette vidéo. Sommes-nous seuls dans l’Univers ? Vous vous êtes peut-être déjà posé la question… On peut trouver des réponses dans les films, la littérature ou les bandes dessinées de science-fiction et notre imaginaire est peuplé de créatures extraterrestres ! Mais que dit la science à ce sujet ? Le site AstrobioEducation vous propose de partir à la découverte de l’exobiologie, une science interdisciplinaire qui a pour objet l’étude de l’origine de la vie et sa recherche ailleurs dans l’Univers. À travers un parcours pédagogique divisé en 12 étapes, des chercheurs et chercheuses de différentes disciplines vous aideront à comprendre comment la science s’emploie à répondre aux fascinantes questions des origines de la vie et de sa recherche ailleurs que sur la Terre. © Société Française d'Exobiologie