Alors qu’Europe, petite lune de Jupiter, est considérée comme l’une des options les plus prometteuses dans notre quête de vie extraterrestre au sein même du Système solaire, une nouvelle étude vient moduler cet enthousiasme.


au sommaire


    Parmi les astres susceptibles d’abriter une vie, même extrêmement primitive, Europe figure en bonne place. Car si la surface gelée est totalement hostile, l’océan d’eau liquide salé qui réside sous cette épaisse croûte de glace présenterait toutes les caractéristiques nécessaires et essentielles au développement d'une activité biologique : de l'eau liquide, des nutrimentsnutriments issus des réactions entre la croûtecroûte et cet océan caché, et de la chaleur dégagée par une multitude de volcans sous-marins. Un schéma qui pourrait finalement être un peu trop optimiste. 

    C'est du moins la conclusion d'un nouvel article publié dans la revue Science Advances. En se basant sur des modélisations numériquesnumériques, une équipe de chercheurs a en effet reproduit les conditions de l'évolution thermique d'Europe, et leurs conséquences sur la dynamique et l'habitabilité de cette petite lune.

    Une lune gelée à l’extérieur… et à l’intérieur

    En se basant sur les données rapportées par la mission GalileoGalileo, de précédentes études avaient supposé qu'à l'image de la Terre, Europe était un astre différencié et composé d'un noyau métallique et d'un manteaumanteau de silicatessilicates anhydres (sans eau). Cette différenciation aurait eu lieu soit au moment même de la formation du satellite par accrétionaccrétion, soit très peu de temps après.

    Modèles de structure interne d'Europe, qui supposent une différenciation précoce du satellite. © Nasa-JPL, Wikimedia Commons, domaine public
    Modèles de structure interne d'Europe, qui supposent une différenciation précoce du satellite. © Nasa-JPL, Wikimedia Commons, domaine public

    Les résultats apportés par cette nouvelle étude suggèrent cependant un scénario bien différent. Il semblerait en effet qu'Europe se soit formée à des températures bien plus basses que ce que l'on pensait jusqu'à présent. Des températures qui auraient tourné autour des -70 à +30 °C. Résultat, la lune de Jupiter aurait terminé sa phase d'accrétion avant de s'être différenciée, la formation d'un noyau métallique nécessitant des températures bien plus hautes.

    Au début, Europe n'aurait donc été constituée que d'une unique couche homogène composée d'un mélange de glace d'eau et/ou de roches silicatées hydratées, c'est-à-dire contenant de l'hydrogènehydrogène et de l'oxygèneoxygène. C'est la déshydratationdéshydratation des silicates, sous l'effet du métamorphismemétamorphisme, qui aurait alors donné naissance à l'océan d'eau liquide recouvrant la surface de la lune, et sa croûte de glace.

    D'après ces nouveaux résultats, Europe ne se serait peut-être jamais clairement différenciée, l'étape de la formation du noyau métallique nécessitant une haute température interne. © <em>Arizona State University</em>
    D'après ces nouveaux résultats, Europe ne se serait peut-être jamais clairement différenciée, l'étape de la formation du noyau métallique nécessitant une haute température interne. © Arizona State University

    Pas assez de chaleur pour soutenir de bonnes conditions d’habitabilité ?

    Quant au noyau, les scientifiques doutent même de son existence actuelle. Si tant est qu'il existe, il ne se serait formé que très tardivement, plusieurs milliards d'années après la formation du satellite ! Pour les chercheurs, il est en effet possible que la chaleur interne d'Europe n'ait jamais été suffisante pour permettre la formation d'un noyau métallique. En cause, la très faible massemasse de cette petite lune, qui ne représente qu'un pourcent de la masse terrestre.

    Or, si cette énergieénergie a fait défaut pour la formation d'un noyau, cela remet en cause l'existence d'une intense activité volcanique et hydrothermale au niveau du fond océanique. Les échanges géochimiques entre les roches et l'eau, principalement favorisés par l'hydrothermalismehydrothermalisme d'origine magmatique, seraient donc bien plus faibles qu'on ne le pensait. Ces résultats suggèrent que l'apport en nutriments et en chaleur serait donc plutôt faible, altérant ainsi les conditions d'habitabilité requises pour un potentiel développement d'une biosphèrebiosphère dans l'océan d'Europe.

    Une hypothèse qui sera soumise aux futures données que rapportera Europa Clipper, la prochaine sonde de la Nasa à rejoindre la lune de Jupiter en 2030 (lancement prévu en octobre 2024).