Une des théories pour expliquer la formation des trous noirs supermassifs au cœur des grandes galaxies fait intervenir des fusions de trous noirs plus petits accompagnant des fusions de galaxies. Mais ce processus est problématique, conduisant à ce qui a été appelé le « problème du parsec final » ; mathématiquement, il faudrait un temps supérieur à l'âge de l'Univers pour que se termine le processus. Le problème est bien présent avec la découverte d'un trou noir supermassif binaire à la masse record de 28 milliards de masses solaires qui, cependant, donne des indications pour le résoudre.


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    Les trous noirs supermassifs contenant de un million à plusieurs milliards de masses solaires renferment encore bien des mystères. En fait, nous sommes raisonnablement sûrs qu'il s'agit de trous noirs mais le dernier mot à ce sujet n'est pas encore dit. L’étude des ondes gravitationnelles avec la mission Lisa dans l’espace pourrait nous apprendre qu'il s'agit de boules de supercordes ou au contraire vérifier que l'on est bien en présence de vrais trous noirs - peut-être pas décrits complètement par la théorie relativiste de la gravitation d'EinsteinEinstein, mais par une autre théorie relativiste comme celle de la relativité intriquée.

    L'une des grandes énigmes de ces trous noirs supposés est celle de leur origine et plusieurs scénarios ont été proposés. Parmi les processus qui peuvent les faire grandir à partir de trous noirs plus légers, on trouve le paradigme des courants froids alimentant la croissance des galaxies et des trous noirs géants qu'elles contiennent en matière et celui de fusion de deux galaxiesgalaxies contenant déjà des trous noirs.

    Naïvement, rien ne forcerait les deux trous noirs à se rapprocher pour finir par entrer en collision, pas plus que les étoilesétoiles du gazgaz des deux galaxies en cours de fusion. Mais le prix Nobel de physiquephysique Subrahmanyan ChandrasekharSubrahmanyan Chandrasekhar a montré en 1943 qu'il existait un phénomène connu sous le nom de frictionfriction dynamique, ou encore de friction de Chandrasekhar, qu'il a théorisé mathématiquement avec le génial von Neumann.


    Jean-Pierre Luminet, directeur de recherche au CNRS et Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parlent des trous noirs. © Fondation Hugot du Collège de France

    Le « problème du parsec final »

    Appliqué à un trou noir géant, il est la manifestation des échanges d'énergieénergie et de quantité de mouvementsquantité de mouvements sous l'effet du champ de gravitation des étoiles et des nuagesnuages de gaz dans une galaxie, dans laquelle se déplacerait un tel trou noir. Il existe alors l'équivalent d'une force de frottement qui va freiner le trou noir et tendre à le faire « sédimenter » vers le cœur de la galaxie.

    Bien évidemment, ce phénomène va se produire pour les trous noirs supermassifs de deux galaxies qui viennent de fusionner. Toutefois, on finit pas buter sur un problème - dont on ne sait pas encore très bien quelle est la solution - et qui est appelé le « problème du parsecparsec final ».

    En gros, alors qu'ils sédimentent l'un vers l'autre, en réaction au freinage, la matière environnante proche des deux monstres cosmiques va être chassée et la force de freinage va cesser, de sorte que les deux astresastres compacts ne vont pas pouvoir s'approcher plus tout en étant en orbiteorbite l'un autour de l'autre. L'émissionémission d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles par ce système de deux objets - séparés par quelques années-lumièreannées-lumière au moins - sera très faible et ne va que très lentement les rapprocher, de sorte qu'on ne peut pas prédire de cette manière que les plus gros trous noirs supermassifs que l'on observe sont le produit depuis une dizaine de milliards d'années environ de fusions de trous noirs géants plus petits. Il faudrait que les deux trous noirs soient au moins à 0,01 parsec de distance pour que la perte d'énergie par ondes gravitationnelles soit significative.

    De fait, même si l'on croit au scénario de fusion de deux trous noirs géants, on n'en a encore jamais observé - contrairement à des trous noirs supermassifs binairesbinaires. On cherche donc à comprendre pourquoi, alors qu'il est requis d'un côté, un tel événement semble si improbable dans l'UniversUnivers - au point que la question de savoir si un tel événement est vraiment possible est un sujet de discussion parmi les astronomesastronomes depuis des décennies, comme l'explique un communiqué du NOIRLab (National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory)), un centre de recherche états-unien pour l'astronomie dans le visible et infrarougeinfrarouge.


    Becky Smethurst, astrophysicienne à l'université d'Oxford (Christ Church) expose en détail le problème du parsec final. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Becky Smethurst

    Un trou noir binaire de tous les records

    Le même communiqué fait état d'une publication dans The Astrophysical Journal d'un article que l'on peut trouver en accès libre sur arXiv et qui présente de nouvelles pièces au débat. Elles sont apportées par la détermination au moyen du mouvementmoyen du mouvement des étoiles qui l'entourent de la masse du trou noir supermassif binaire contenu dans une galaxie elliptiquegalaxie elliptique géante du nom de 0402. +379, située à environ 750 millions d'années-lumière de la Voie lactéeVoie lactée. Elle a été étudiée auparavant dans le domaine radio mais des données d'archives en infrarouge du spectrographespectrographe multi-objets Gemini (GMOS) du télescopetélescope Gemini North ont en effet permis de déterminer la vitessevitesse des étoiles à proximité des trous noirs. Dans le cas du trou noir géant de la Voie lactée étudié, ces mouvements des étoiles environnantes ont aussi permis aux équipes des deux prix Nobel de physique Andrea Ghez et Reinhard Genzel de déterminer sa masse.

    Dans le cas de 0402. +379, la masse obtenue est même un record pour ce genre de système binairesystème binaire avec une valeur de 28 milliards de masses solaires. Il s'agit en plus du seul trou noir supermassif binaire jamais résolu avec suffisamment de détails pour voir les deux objets séparément avec le record de la plus petite séparationséparation jamais mesurée directement - à peine 24 années-lumière (7,3 parsecs), comme le précise toujours le communiqué du NOIRLab.


    Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parle des trous noirs supermassifs. © École normale supérieure, PSL

    En étudiant d'un peu plus près ce système, il s'avère que les deux trous noirs semblent bloqués sur leur orbite avec une période orbitalepériode orbitale d'environ 30 000 ans depuis plus de trois milliards d'années. Selon les astrophysiciensastrophysiciens, toutes les données collectées et analysées confortent la théorie qui veut que ce soit en fait la masse d'un trou noir binaire supermassif qui joue un rôle clé dans le blocage d'une fusion potentielle. Les plus légers seraient moins sujets à un effet de blocage car ils ont en quelque sorte moins fait le ménage autour d'eux par effet de friction dynamique, de sorte que le problème du parsec final les concernerait moins. Il suffirait d'un apport d'étoiles et de gaz suffisamment important dans le voisinage « vidé » au cœur des galaxies pour ces trous noirs pour réactiver un effet de friction dynamique important.

    Une autre des théories proposées pour résoudre le problème du parsec final est l'intervention d'une nouvelle fusion de galaxies avec donc trois trous noirs supermassifs qui donneraient finalement des orbites suffisamment instables pour que les trois objets se rapprochent suffisamment et que la perte par émissions d'ondes gravitationnelles rende leur destin inévitable, c'est-à-dire une collision, comme l'observent déjà pour les trous noirs stellairestrous noirs stellaires les détecteurs LigoLigo et VirgoVirgo.

    On a justement déjà détecté un cas de trous noirs supermassifs triples qui seraient donc sur le point de fusionner.