On commence à découvrir une population de trous noirs supermassifs binaires dans les grandes galaxies. L'un d'eux se signale par un blazar oscillant tel un métronome, ce qui trahit la plus courte période orbitale connue pour un tel astre.


au sommaire


    Aussi bien les études de la forme précise des ondes gravitationnelles détectées sur Terre par Ligo et Virgo que les images de M87*M87* prises par les membres de la collaboration Event Horizon Telescope nous ont fourni des arguments très convaincants de l'existence des trous noirs, bien que pas encore décisifs. Nous avons aussi encore moins de raisons de douter que derrière les noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies se cachent des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs contenant de un million à plusieurs milliards de masses solaires.

    Or, nous savons notamment en raison des images prises avec le télescope HubbleHubble qu'il existe des collisions entre des grandes galaxies et nous avons toutes les raisons de penser que toutes les grandes galaxies contiennent des trous noirs supermassifs. Des calculs aussi bien numériquesnumériques que théoriques, par exemple basés sur la sorte de friction gravitationnelle que peut exercer un gaz d'étoiles dans une galaxie sur un autre astreastre la traversant, montrent que lors de la fusionfusion de deux grandes galaxies, leurs trous noirs supermassifs respectifs peuvent finir par sédimenter, si l'on peut dire, au cœur de la galaxie résultante, de sorte que l'on devrait pouvoir observer des galaxies contenant en leur cœur deux trous noirs supermassifs.


    Jean-Pierre Luminet, directeur de recherche au CNRS et Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parlent des trous noirs. © Fondation Hugot du Collège de France

    Un blazar métronome

    C'est bien le cas depuis quelque temps, comme le prouve une équipe d'astrophysiciensastrophysiciens dans une publication que l'on peut lire sur arXiv et qui porteporte sur le blazarblazar PKS 2131-021 situé à environ 9 milliards d'années-lumièreannées-lumière de la Voie lactéeVoie lactée. Rappelons que selon le Modèle Unifié des Noyaux actifs de Galaxies  (AGN) qui a reçu récemment une nouvelle justification, les blazars sont tout simplement des quasarsquasars, donc des trous noirs supermassifs en rotation accrétant beaucoup de matièrematière et libérant pour cette raison des flots monstrueux d'énergieénergie, dont les jets de matière sont dirigés par hasard dans notre direction ou peu s'en faut.

    Comme l'explique un communiqué du Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory de la NasaNasa, PKS 2131-021 est l'un des 1.800 blazars qu'un groupe de chercheurs du mythique Caltech à Pasadena, connu notamment pour ses prix Nobel de physiquephysique Kip Thorne et Richard Feynman, surveille avec l'observatoire radioobservatoire radio d'Owens Valley en Californie du Nord. Les astronomesastronomes l'étudiaient depuis 13 ans dans le cadre d'une exploration générale du comportement des blazars. Mais ce blazar particulier présentait un comportement étrange : sa luminositéluminosité montrant des hauts et des bas réguliers aussi prévisibles que le tic-tac d'une horloge.


    Une présentation de la découverte faite avec le blazar PKS 2131-021. C'est un trou noir entouré d'un disque d'accrétion avec des jets de matière relativistes oscillant parce que le blazar forme un couple avec un autre trou noir. © Caltech

    Une fusion de trou noir dans 10.000 ans

    C'est Roger Blandford, coauteur avec Kip Thorne d’un incontournable traité de physique et surtout un spécialiste de la physique des trous noirs, qui a proposé il y a presque 45 ans avec son collègue Roman Znajek un des meilleurs modèles expliquant les jets des quasars qui a réussi à comprendre ce qui se passait dans le cas de PKS 2131-021, à savoir qu'il faisait partie d'un trou noir binairebinaire. Les oscillations presque parfaitement sinusoïdales de la luminosité du blazar étaient dues à son mouvementmouvement, la danse qu'il exécute en orbiteorbite avec son compagnon.

    Non seulement on était devant le deuxième exemple solidement établi de l'existence d'un trou noir supermassif binaire au cœur d'une galaxie (le premier est OJ 287), mais il bat un record car les études combinant au final 45 ans d'observations de diverses manières de PKS 2131-021 montraient que l'on était en présence de la plus courte période orbitalepériode orbitale pour ce genre d'astre, seulement deux ans environ. Le diamètre de l'orbite serait alors de 10 à 100 fois plus petit que dans le cas de OJ 287.

    Les deux astres doivent déjà perdre des quantités non négligeables d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles qui, comme dans le cas des trous noirs stellairestrous noirs stellaires détectés avec LigoLigo et VirgoVirgo, vont les conduire à fusionner. Mais ce ne sera que dans environ 10.000 ans. L'humanité ne pourra donc pas assister à l'événement avec le détecteur eLisa. On pense qu'il doit s'écouler environ 100 millions d'années entre le début de la fusion de deux galaxies et la fusion finale de leurs trous noirs supermassifs. Dans le cas de PKS 2131-021, on estime que chacun des astres compacts impliqués contient des centaines de millions de masses solaires. Rappelons que le trou noir central de la Voie lactée n'en contient qu'un peu plus de 4 millions.


    Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parle des trous noirs supermassifs. © École normale supérieure, PSL