C'est fait, l'ESA vient de confirmer son intérêt pour la mission eLisa, anciennement appelée Lisa. Celle-ci consiste à mettre en orbite un équivalent du détecteur d'ondes gravitationnelles aLigo sous forme de trois satellites déployés en formation triangulaire. Leurs distances relatives seront mesurées avec des faisceaux lasers. Malgré tout, le projet n'est pas encore adopté, ce qui veut dire que leur construction n'est pas encore acceptée.

au sommaire


    L'ESA vient de faire savoir dans un communiqué qu'elle continuait à soutenir les études préparatoires menant à la constructionconstruction des trois satellites du projet eLisa (Evolved Laser Interferometer Space AntennaLaser Interferometer Space Antenna)). Sa mission dans l'espace devrait débuter à l'horizon des années 2030. Rappelons que ce projet de détections des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles dans une bande de fréquencesbande de fréquences qui est inaccessible aux détecteurs sur Terre comme aLigo, VirgoVirgo et Kagra, devait s'appeler à l'origine Lisa et être développé conjointement avec la Nasa.

    Le projet eLisa n'est donc pas encore adopté, au contraire du chasseur d’exoplanètes Plato, ce qui veut dire que la construction des trois satellites prévus n'est pas encore acceptée et encore moins lancée. Cependant, tout semble se présenter pour le mieux, étant donné que la détection des ondes gravitationnelles est passée du rêve à la réalité comme l'a encore montré récemment la troisième mise en évidence des ondes émises par la fusion de deux trous noirs stellaires.

    Voir aussi

    Ondes gravitationnelles : une troisième fusion de trous noirs détectée par Ligo


    Bien que prédites par Einstein, celles-ci restent difficiles à détecter car elles demandent des outils d’une sensibilité extrême. L’ESA travaille actuellement sur un nouveau système de mesures avec le projet Lisa Pathfinder, un satellite qui pourrait bientôt mener à de grandes découvertes. Apprenez-en un peu plus avec cette vidéo du Cnes. © Cnes

    La mission eLisa, l’avenir de l’astronomie gravitationnelle

    Enfin, la mission Lisa Pathfinder, qui était destinée non pas à commencer à détecter des ondes gravitationnelles depuis l'espace mais à tester diverses technologies prévues pour le bon fonctionnement d'eLisa, s'est déroulée mieux que prévu. On peut donc être optimiste et s'attendre à ce que le projet eLisa, sélectionné en tant que mission L3 dans le cadre des missions lourdes du programme Cosmic Vision de l'ESA, entre en fonctionnement après son lancement en 2034.

    Hélas, le physicienphysicien et théoricien Pierre Binétruy n'est plus avec nous et il ne pourra donc pas voir le bond que devrait faire l'astronomie gravitationnelle (et peut-être au passage la physique fondamentale) avec le début de la mission eLisa pour laquelle il s'est beaucoup investi. Dans un entretien qu'il avait accordé à Futura, il nous avait expliqué qu'avec eLisa, on allait pouvoir mettre en évidence les ondes gravitationnelles émises par la fusion des trous noirs supermassifs et aussi, celles que génèrent ces monstres de plusieurs millions à milliards de massesmasses solaires quand ils avalent des trous noirs de type stellaire.

    Mais pour cela, comme nous l'expliquions en décembre 2013 dans l'article ci-dessous, il faut mesurer des variations des distances dans l'espace très petites dues aux passages des ondes gravitationnelles, une tâche qui nécessite des satellites séparés par environ un million de kilomètres et échangent entre eux des rayons laser afin de déterminer leurs distances relatives.

    Les observations réalisées devraient nous permettre de tester la théorie des trous noirs, celle de la relativité généralerelativité générale, car il existe des alternatives aux équationséquations découvertes il y a presque un siècle par EinsteinEinstein, et peut-être même nous donner des renseignements sur la toujours énigmatique théorie de la gravitation quantiquegravitation quantique, laquelle reste le Graal de la physique fondamentale.


    En vidéo : découvrez eLisa, la future mission d'astronomie gravitationnelle

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 07/12/2013

    Comment sont nés et ont évolué les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs au centre des galaxiesgalaxies ? D'ailleurs, s'agit-il bien des trous noirs prédits par la théorie de la relativité générale d'Einstein ? L'Esa a confirmé qu'elle entendait répondre à ces questions et à d'autres du ressort de l'astronomie gravitationnelle avec la mission eLisa (evolved Laser Interferometer Space Antenna). Plusieurs vidéos pédagogiques permettent de mieux faire connaissance avec les principes de cette nouvelle astronomie, et bien sûr avec eLisa.

    L'Esa a récemment confirmé que l'un de ses deux thèmes majeurs d'étude pour les deux prochaines décennies était bien l'astronomie gravitationnelle depuis l'espace avec la mission eLisa (evolved Laser Interferometer Space Antenna). Jadis, la Nasa était partie prenante de cette extraordinaire aventure destinée à ouvrir une nouvelle fenêtrefenêtre d'observation sur les trous noirs supermassifs, et peut-être le Big BangBig Bang lui-même. Depuis son retrait en 2011, c'est l'Esa seule qui continue à financer la mission Lisa, devenue depuis eLisa.

    Il est prévu de tester la technologie nécessaire avec Lisa Pathfinder, qui sera lancée par une fuséefusée VegaVega de l'Esa en 2015 si tout va bien. Mais les trois satellites équipés de lasers d'eLisa ne s'élanceront pas vers les étoilesétoiles avant 2034. On n'ose imaginer ce que doivent ressentir les pionniers des années 1990 de la mission Lisa, tel Kip Thorne, qui était autrefois prévue à l'horizon des années 2010.


    Courte présentation de la mission eLisa, anciennement appelée Lisa. Il s'agit d'étudier les émissions d'ondes gravitationnelles produites par des systèmes binaires comme celui formé par une naine blanche accrétant de la matière, le Big Bang lui-même et surtout les trous noirs. Pour plus de détails sur le fonctionnement d'eLisa, visionnez l'épisode 3 de Gravity Ink. ci-dessous. © LISA Mission, YouTube

    L'espace-temps, un tissu élastique qui peut vibrer

    Comme le rappelle la vidéo ci-dessous, c'est Albert Einstein qui a découvert que la gravitation de NewtonNewton était une conséquence de la courbure de l'espace-tempsespace-temps en présence de distributions d'énergieénergie et d'impulsion. On peut se représenter le phénomène avec une surface élastique capable de se déformer et de vibrer comme la membrane d'un tambour. Dès 1917, Einstein en avait conclu qu'il devait exister l'analogue des ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques dans le « tissu élastique » de l'espace-temps : des ondes gravitationnelles. Comme il n'existe pas d'équivalent des charges positives et négatives avec la théorie d'Einstein, les ondes gravitationnelles ne peuvent pas être écrantées comme des ondes électromagnétiques. Elles sont donc très pénétrantes et peuvent servir à sonder bien des phénomènes faisant intervenir des objets astrophysiquesastrophysiques très denses, comme les étoiles à neutrons, et même cosmologiques, quand l'universunivers lui-même était opaque aux ondes lumineuses.


    Introduction à la relativité générale d'Einstein dans le premier épisode de Gravity Ink. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En passant simplement la souris sur le rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « Français », puis cliquez sur « OK ». © LISA Mission, YouTube

    On sait que les ondes gravitationnelles existent, mais nous n'avons que des preuves indirectes. On tente depuis des années de les détecter sur Terre avec des interféromètresinterféromètres à laser comme Ligo et Virgo. Le principe de ces détecteurs est simple à comprendre, bien que difficile à mettre en œuvre. Lorsque des ondes gravitationnelles se propagent, elles font varier les distances entre les objets en étirant et compressant l'espace. Cet effet est très faible à grande distance de sources d'ondes gravitationnelles, comme un trou noir nouvellement formé en train de vibrer. Mais si l'on réalise une expérience d'interférométrieinterférométrie avec des lasers voyageant sur de grandes distances, on peut mettre en évidence les vibrationsvibrations de l'espace en réponse à la présence d'une onde gravitationnelle.

    L'astronomie gravitationnelle et eLisa

    LigoLigo et Virgo n'ont pour le moment rien détecté, mais on sait que pour avoir plus de chances de réussir à observer ces ondes gravitationnelles il faut s'affranchir du bruit de fond terrestre constitué des ondes sismiquesondes sismiques, ainsi que des variations du champ gravitationnel. C'est pourquoi eLisa consistera à réaliser un interféromètre avec trois satellites formant un triangle d'un million de kilomètres de côté et échangeant entre eux des faisceaux laser (pour plus de détails sur le fonctionnement d'eLisa, visionnez l'épisode 3 de Gravity Ink. ci-dessous).


    Une vidéo d'introduction à l'astronomie gravitationnelle, l'épisode 2 de Gravity Ink. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Pour obtenir des sous-titres en français, suivre la procédure décrite dans la légende la vidéo précédente. © LISA Mission, YouTube

    La bande de fréquences où s'effectueront les observations avec eLisa est comprise entre 0,1 mHz et 100 mHz. Selon les astrophysiciensastrophysiciens, c'est une fenêtre d'observation très prometteuse pour l'astronomie gravitationnelle. Elle devrait permettre de recenser les systèmes binairessystèmes binaires avec des astresastres compacts dans la Voie lactéeVoie lactée. Il peut s'agir de système contenant des naines blanchesnaines blanches, des étoiles à neutronsétoiles à neutrons ou des trous noirs. On sait que ce sont des émetteurs d'ondes gravitationnelles, puisque c'est avec le pulsarpulsar binaire PSR B1913+16, ou « pulsar de Hulse et Taylor », découvert en 1974 au radiotélescoperadiotélescope d'Arecibo par Joseph Taylor et Russell Hulse, que l'on a démontré indirectement l'existence de ces ondes.

    Son étude a mis en évidence une accélération de la période orbitalepériode orbitale du système, signe que les deux corps voyaient leur orbiteorbite se resserrer en raison de la perte d'énergie entraînée par l'émissionémission de rayonnement gravitationnel. On attend du recensement de ces systèmes binaires qu'ils nous aident à préciser la nature des supernovae SN Ia et des sursautssursauts gamma.


    L'épisode 3 de Gravity Ink. explique la technique de détection des ondes gravitationnelles par interférométrie laser avec Liso, Virgo et surtout eLisa (voir plus haut pour obtenir une traduction). © LISA Mission, YouTube

    De l'origine des trous noirs supermassifs à la physique du Big Bang

    Ce qui est probablement le cœur de la mission eLisa concerne les trous noirs. Dans le cadre de la relativité générale classique, ce sont des objets bien connus définis par l'existence d'un horizon des événementshorizon des événements. On pourra consulter l'impressionnante monographie de Chandrasekhar à ce sujet, The mathematical theory of black holes, pour s'en convaincre. Ce sont presque les seuls objets astrophysiques connus qui permettraient de tester les équations de la relativité générale d'Einstein en régime de champ particulièrement intense, par exemple à l'occasion de la collision de deux trous noirs. En analysant les ondes gravitationnelles produites par une telle collision, on espère en particulier démontrer de façon incontestable l'existence d'un horizon des événements et vérifier que la métrique de Kerr décrit bien les trous noirs en rotation. Enfin, eLisa devrait pouvoir nous fournir des indications précieuses concernant l'origine des trous noirs supermassifs. Quelles pouvaient être leurs graines, alors que l'univers était tout juste en train de sortir des âges sombres ? Ces trous noirs ont-ils évolué principalement à la suite des fusions entre les premières galaxies en coalesçant à leur tour ? Autant de questions pour lesquelles nous n'avons pas encore de réponses nettes.

    Enfin, du fait du caractère très pénétrant des ondes gravitationnelles, elles pouvaient se propager dans l'univers observable à une époque bien antérieure à celle de la recombinaisonrecombinaison, lorsque le rayonnement fossile a été émis. Un fond d'ondes gravitationnelles cosmologiques doit exister et nous renseigner plus directement sur les événements dans l'univers entre 10-18 et 10-10 seconde après le Big Bang. Plus généralement, on peut aussi espérer trouver des signes d'une nouvelle physique, vérifier si les ondes gravitationnelles se propagent bien à la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière et même tester l'hypothèse d'une masse non nulle pour le graviton. Malheureusement, dans le meilleur des cas, il va falloir patienter jusqu'à la seconde moitié des années 2030.