Les observations en rayons X de Chandra dans l'espace et en radio du Karl G. Jansky Very Large Array (VLA) et du EVN sur Terre montrent d'immenses cavités creusées dans le plasma au centre d'un lointain amas de galaxies. Elles suggèrent qu'elles ont été creusées par les jets perpendiculaires de deux trous noirs supermassifs dont la taille de l'orbite est la plus petite connue à ce jour pour ce type d'astres géants.


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    Comme Futura l'a expliqué à plusieurs reprises, les trous noirs sont des objets si compacts, pas nécessairement denses, qu'il faudrait dépasser la vitesse de la lumière pour échapper à leur attraction gravitationnelle une fois à l'intérieur d'une région sphérique, dont la frontière est définie par ce que l'on appelle un horizon des événements, entourant l'astre. Il n'est nullement nécessaire qu'existe une singularité de l'espace-temps au centre de cette région pour qu'existe un trou noir. Même si nous avons de plus en plus de raisons de penser que des trous noirs existent bien dans le cosmoscosmos observable, il reste à démontrer que les objets que nous observons et qui du point de vue astrophysique se comportent comme des trous noirs possèdent bien un horizon des événements.

    En effet, l'existence de ces objets ne va pas de soi et cela ne fait guère plus de 50 ans que la communauté scientifique a commencé à prendre l'existence des trous noirs au sérieux, grâce aux travaux des pionniers qu'étaient John Wheeler, les prix Nobel de physique Roger Penrose et Kip Thorne, Stephen HawkingStephen Hawking, sans oublier Yakov Zeldovich et Igor Novikov. Il faudrait en réalité ajouter une bonne douzaine de noms supplémentaires au moins, comme ceux de Roy Kerr, Brandon Carter, Vitaly Ginzburg, Jacob Bekenstein, etc.


    Jean-Pierre Luminet, directeur de recherche au CNRS et Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parlent des trous noirs. © Fondation Hugot du Collège de France

    Des trous noirs supermassifs qui influencent galaxies et amas de galaxies

    On comprend plutôt bien comment des trous noirs peuvent naître par effondrementeffondrement gravitationnel d'étoilesétoiles massives contenant quelques dizaines de massesmasses solaires. On obtient alors ce que l'on appelle des trous noirs stellairestrous noirs stellaires. Il n'en est pas de même avec les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs contenant de quelques millions à quelques milliards de masses solaires au cœur des galaxiesgalaxies et on spécule sur leur naissance, notamment à partir de trous noirs primordiaux du Big Bang. Ce qui est sûr, c'est que ces géants sont responsables de l'existence des noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies (AGN) et en particulier ceux découverts depuis 1963 et que l'on appelle des quasars. On sait que ces objets influencent l'évolution des galaxies et surtout que ces astres croissent ensemble, au moins en ce qui concerne les grandes galaxies spiralesgalaxies spirales et elliptiques, car il existe une remarquable relation de proportionnalité entre la masse des trous noirs au cœur de ces galaxies et la masse qu'elles contiennent sous forme d'étoiles.

    On cherche à élucider ces processus de croissance. Il doit bien sûr y avoir des processus de coalescencecoalescence de trous noirs géants quand deux galaxies fusionnent et que les trous noirs se mettent à sédimenter sous l'influence de la force de frottement gravitationnelle de la matièrematière dans la galaxie résultante pour atteindre son centre. Mais il est certain qu'il y a aussi des processus d'accrétionaccrétion de vastes filaments de matière froide, que cette accrétion libère de l'énergieénergie sous forme de rayonnement et est aussi à l'origine de puissants jets de matière fonçant à travers le milieu intergalactique et influençant aussi bien la galaxie hôte qu'un amas galactique où se trouvent les AGN à l'origine de ces jets.

    Sur la gauche, l’amas de galaxies RBS 797 observé dans le visible par Hubble et, sur la droite, la même image mais en rayons X avec Chandra. On voit des cavités dans le plasma du milieu intergalactique. © Visible : Nasa/STScl/M.Calzadilla; Rayons X; Nasa/CXC/Univ. de Bologne/F. Ubertosi
    Sur la gauche, l’amas de galaxies RBS 797 observé dans le visible par Hubble et, sur la droite, la même image mais en rayons X avec Chandra. On voit des cavités dans le plasma du milieu intergalactique. © Visible : Nasa/STScl/M.Calzadilla; Rayons X; Nasa/CXC/Univ. de Bologne/F. Ubertosi

    L'étude de ces processus est importante pour comprendre l'évolution conjointe des galaxies et des trous noirs supermassifs. Un autre laboratoire permettant de faire cette étude a été débusqué par des astrophysiciensastrophysiciens utilisant les observations dans le domaine des rayons Xrayons X fournies par le satellite ChandraChandra de la NasaNasa. Il en a résulté un article publié dans The Astrophysical Journal Letters et que l'on peut trouver en accès libre sur arXiv.

    Deux trous noirs supermassifs distants de 250 années-lumière ?

    Le regard de Chandra avait été tourné en direction de l'amas de galaxiesamas de galaxies RBS 797, situé à environ 3,9 milliards d'années-lumièreannées-lumière de la Voie lactéeVoie lactée, en complément de celui dans le domaine radio du célèbre réseau de radiotélescopesradiotélescopes appelé le Karl G. Jansky Very Large Array (VLA), et même du télescopetélescope HubbleHubble.

    Il en a résulté que sont apparues sur les images quatre énormes cavités, ou bulles, au centre de l'amas, dans le plasma chaud à des millions de degrés baignant les galaxies.

    Ces bulles semblent aller par paires opposées selon des axes perpendiculaires. La façon la plus simple d'interpréter ces bulles associées, c'est de faire intervenir les jets de deux trous noirs supermassifs en orbiteorbite rapprochée.

    Toujours sur la gauche, l’amas de galaxies RBS 797 et, sur la droite, dans le domaine radio avec le VLA. © Rayons X : Nasa/CXC/Univ. de Bologne/F. Ubertosi; Radio : NSF/NRAO/Alma)
    Toujours sur la gauche, l’amas de galaxies RBS 797 et, sur la droite, dans le domaine radio avec le VLA. © Rayons X : Nasa/CXC/Univ. de Bologne/F. Ubertosi; Radio : NSF/NRAO/Alma)

    On a déjà détecté des cavités de ce genre, mais cette fois-ci une double paire semble indiquer un événement rare où deux trous noirs supermassifs sont quasi-simultanément en éruption avec des jets. Les chercheurs ne peuvent cependant pas exclure que l'on voie l'effet de deux éruptions rapprochées dans le temps, si l'on peut dire à l'échelle cosmique (l'analyse des données de Chandra montre que la différence d'âge pour les cavités est-ouest et nord-sud est inférieure à 10 millions d'années), et d'un seul trou noir supermassif qui pour une raison ou une autre, peut-être sous l'influence des perturbations gravitationnelles d'un autre trou noir, aurait basculé, ce qui aurait changé la direction d'émissionémission de ces jets (rappelons que les jets ne viennent pas de l'intérieur du trou noir mais sont le produit de processus de magnétohydrodynamique relativiste complexe dans le disque de matière en dehors du trou noir en rotation).


    Un résumé de la découverte concernant RBS 797. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Chandra X-ray Observatory

    Toutefois, il ne faut pas oublier que le réseau de radiotélescopes européen VLBIVLBI (European VLBI Network ou EVN) a bel et bien identifié au cœur de RBS 797 deux puissantes sources radio séparées de seulement 250 années-lumière environ. Ce serait précisément deux trous noirs supermassifs et si tel est le cas, il s'agit de la paire la plus rapprochée découverte à ce jour.

    Dans cette hypothèse, les deux objets compacts vont continuer à se rapprocher en émettant des quantités de plus en plus importantes d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles, jusqu'à une fusionfusion cataclysmique.


    Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parle des trous noirs supermassifs. © École normale supérieure, PSL