Un éminent virologue met en garde contre l’utilisation du molnupiravir, la pilule anti-Covid de Merck, qui présente un fort potentiel mutagène. L’administration de ce médicament à grande échelle pourrait favoriser l’apparition de virus résistants, sur le même principe que les bactéries antiobiorésistantes, affirme-t-il.


au sommaire


    Ces dernières semaines, PfizerPfizer et Merck ont tous deux annoncé le succès de leurs essais de pilules anti-Covid. Le molnupiravir de Merck a ainsi été approuvé le 5 novembre par le Royaume-Uni, après des études ayant montré une réduction de 50 % du risque d'hospitalisation et de décès. Le paxlovid, la pilule de Pfizer serait, elle, efficace à 89 % pour prévenir le risque d'hospitalisation et de décès. Le molnupiravir agit contre le virus en créant de multiples erreurs dans son ADN, ce qui est censé aboutir à un virus non fonctionnel. Mais pour William Haseltin, un virologue de l'université de Harvard connu notamment pour ses recherches sur le virus du Sida, ce médicament pourrait induire des mutations dangereuses et ainsi faire le lit de nouveaux variants plus résistants. « Le molnupiravir a le potentiel mutagène pour altérer les fonctions du virus, mais pas pour l'empêcher de se répliquer et donner naissance à un futur variant dominant », met en garde le spécialiste, qui affirme pourtant être un fervent supporter des antivirauxantiviraux.

    Le virus survit et continue à se développer malgré le nombre important de mutations qu’il subit

    Le chercheur cite une série d'expériences montrant que les coronavirus comme le MERS-CoVMERS-CoV peuvent développer une résistancerésistance contre le molnupiravir, un peu sur le principe des bactéries antibiorésistantes. Lors de l'expérience, plus de 41 mutations du virus ont ainsi été détectées après le traitement à différents endroits du génomegénome. Encore plus inquiétant : plus on augmente la quantité de molnupiravir, plus cela génère de mutations, en particulier sur la protéineprotéine de pointe, celle ciblée par les vaccinsvaccins. « Cela montre que le virus survit et continue à se développer malgré le nombre important de mutations qu'il subit », alerte William Haseltin. Le virus se réplique certes un peu moins vite, mais si l'on administre du molnupiravir à grande échelle, ce léger désavantage disparaîtra et nous aurons un environnement parfaitement favorable à l'émergenceémergence d'un nouveau variant dangereux, poursuit le chercheur.

    Le molnupiravir qui constitue le principe actif de la pilule anti-Covid-19 de Merck, possède un pouvoir mutagène. © PhotoGranary, Adobe Stock
    Le molnupiravir qui constitue le principe actif de la pilule anti-Covid-19 de Merck, possède un pouvoir mutagène. © PhotoGranary, Adobe Stock

    Théoriquement, la dose de molnupiravir (800 mg par pilule) est suffisante pour induire suffisamment de mutations qui vont tuer le virus. « Le problème, c'est que dans la réalité, les gens ne prennent pas leur traitement correctement », fait valoir le scientifique. Pour les antibiotiquesantibiotiques par exemple, seuls 40 % des patients vont au bout de leur traitement, ce qui produit des bactériesbactéries résistantes à long terme. Dans un deuxième article, William Haseltin met en garde contre un autre effet délétère possible du molnupiravir, qui serait capable d'induire des tumeurstumeurs et des fausses couchesfausses couches, en introduisant des mutations dans le génome du receveur. Ce potentiel mutagène a été vérifié par les laboratoires, mais pas suffisamment sérieusement, juge le virologue.

    Voir aussi

    Pourquoi un taux de vaccination élevé peut paradoxalement favoriser l'émergence de variants résistants

    Des réservoirs pour de nouveaux variants

    Toutes ces craintes sont-elles justifiées ? Le magazine Science a posé la question à plusieurs spécialistes, qui minimisent les propos de William Haseltin. « Lorsque vous forcez le virus à muter, celui-ci va certes pouvoir devenir résistant mais va surtout développer des mutations délétères », juge Mark Denison, virologue à l'université Vanderbilt (États-Unis). Le principal risque de voir apparaître des variants réside en fait chez les personnes immunodéprimées, chez qui le virus peut rester plusieurs mois dans l'organisme. En juin, les médecins avaient ainsi rapporté le cas d’un patient chez qui le virus était resté six mois en continuant à accumuler des mutations, dont certaines induisant une résistance aux anticorpsanticorps. Or, les patients immunodéprimés sont justement l'une des principales cibles du molnupiravir, qui doit empêcher ce phénomène.

    Du côté de chez Merck, on assure qu'aucun virus mutant n'a été détecté chez les patients ayant suivi le traitement. Une autre possibilité de prévenir le risque de nouveaux variants serait d'administrer une combinaison des pilules de Merck et de Pfizer, qui ont un fonctionnement un peu différent, suggère Science. Un peu comme les trithérapiestrithérapies contre le Sida, qui ciblent différents mécanismes du virus.