Menace croissante pour la santé publique, l’antibiorésistance se développe-t-elle uniquement à l’intérieur des intestins ou émerge-t-elle sous de nouvelles formes par sélection naturelle, une fois les bactéries disséminées dans l’environnement ? Une étude tente de trancher le débat.


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    Depuis leurs découvertes, au début du XXe siècle, les antibiotiques ont sauvé des millions de vie en luttant contre les maladies infectieuses comme la tuberculose, la pneumonie ou les méningites. Au fil des décennies, les bactéries ont muté pour leur résister, et le phénomène a pris une ampleur très inquiétante en raison de l'usage intensif d'antibiotiques, aussi bien dans le domaine de la santé publique que dans les secteurs de l'élevage et de l'agricultureagriculture. « Nous risquons aujourd'hui une ère postantibiotique dans laquelle des infections courantes et de petites blessures seront à nouveau mortelles », s'est alarmée en novembre dernier l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (l'OMS).

    Les stations d’épuration, points chauds de la dissémination

    Plusieurs études ont mis en évidence le rôle des stations d'épuration dans la dissémination des bactéries résistantes dans l'environnement. Les eaux uséeseaux usées sont, en effet, particulièrement chargées en urines et déjections humaines chargées en antibiotiques. Une question demeure en suspens : ces bactéries deviennent-elles résistantes, une fois dans la nature, lorsqu'elles sont exposées à de faibles doses d'antibiotiques ou sont-elles déjà résistantes lorsqu'elles sortent des intestins ? L'enjeu est important, car si les gènesgènes de résistancerésistance apparaissent in situ, cela signifie que de nouveaux mécanismes d'antibiorésistanceantibiorésistance, différents de ceux connus chez les bactéries intestinales, sont susceptibles d'émerger.

    Les stations d’épuration doivent gérer de grandes quantités de matières fécales contaminées par des bactéries antibiorésistantes. © FStockLuk, Fotolia
    Les stations d’épuration doivent gérer de grandes quantités de matières fécales contaminées par des bactéries antibiorésistantes. © FStockLuk, Fotolia

    Il semble que la deuxième hypothèse soit la bonne, d'après une étude suédoise publiée le 8 janvier dans la revue Nature Communications. Les chercheurs montrent que la quantité des bactéries antiobiorésistantes est étroitement corrélée à la présence du  crAssphage , un bactériophagebactériophage uniquement présent dans les excréments d'origine humaine et qui ne semble pas se développer hors des intestins. Les autres gènes de résistance détectés sont, eux aussi, tous liés à ceux que l'on trouve chez l'Humain. Seule exception notable : les eaux usées provenant des usines de fabrication d'antiobiotiques. Dans ce cas, les quantités d'antibiotiques relâchées dans la nature sont suffisamment significatives pour que les bactéries développent leurs propres gènes de résistance dans l'environnement par sélection naturellesélection naturelle.

    Croisements génétiques entre les bactéries fécales et les bactéries de traitement biologique des eaux usées

    Ces conclusions, qui semblent rassurantes par rapport au risque de nouvelles formes d'antibiorésistance, entrent pourtant en contradiction avec celles d'une autre étude menée en décembre dernier par l'Eawag (Institut fédéral suisse des sciences et technologies de l'eau). Dans celle-ci, les chercheurs expliquent que le passage dans la station d'épuration s'accompagne d'une augmentation de l'antibiorésistance. « Si 70 % des gènes de résistance arrivant à la station avec les eaux résiduaires sont éliminés par les traitements d'épuration, d'autres viennent en partie les remplacer [...]. Près de 40 % des gènes de résistance détectés en sortie proviennent ainsi probablement des boues activées », détaille l'Eawag.

    « Les gènes de résistance intervenant dans le traitement biologique sont parfois identiques à ceux détectés chez les germesgermes pathogènespathogènes, explique Helmut Bürgmann, le principal auteur de l'étude. Il est probable qu'ils aient été acquis par échanges de gènes entre bactéries voisines ». Le débat n'est donc pas clos. Ce qui est certain, c'est que l'usage des antibiotiques doit être mieux encadré et que les stations d'épuration ont de gros efforts à fournir aussi bien pour limiter la dissémination des bactéries fécales que pour améliorer leurs méthodes de traitement.