Des scientifiques américains annoncent qu'ils viennent de réussir à fabriquer artificiellement un bactériophage (virus infectant uniquement les bactéries) en deux semaines. Celui-ci est alors totalement virulent et indistinguable du virus naturel. Cette annonce relance les spéculations sur la possibilité de création de nouveaux organismes vivants par l'homme.

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    le bactériophage T-2 vue en microscopie électronique. La tête contient l'ADN, l'appendice permettant l'injection de l'ADN est nettement visible.

    le bactériophage T-2 vue en microscopie électronique. La tête contient l'ADN, l'appendice permettant l'injection de l'ADN est nettement visible.

    Le scientifique à l'origine de cette découverte n'est pas inconnu du grand public, puisqu'il s'agit de Craig Venter qui avait fait parler de lui à l'époque du séquençage du génome humain en tentant de finir le séquençage du génome avant le consortium international.

    Depuis Craig Venter a changé de thématique et s'est lancé dans la constructionconstruction d'un " génome minimum " qui permettrait à un organisme de vivre. L'idée (ou tout du moins la justification de ces travaux) est de pouvoir fabriquer de nouvelles formes de vie bactérienne spécialement conçues pour lutter contre la pollution, fixer le CO2, décontaminer un site radioactif, fabriquer de nouveaux vaccins, ou digérer les plastiquesplastiques. En dehors de l'intérêt évident de tels organismes, ce genre de recherche suscite de très nombreuses questions, au niveau éthique, mais aussi au niveau de la sécurité. Que se passera-t-il lorsque les chercheurs deviendront capables de fabriquer de toutes pièces un nouvel organisme vivant en quelques mois ? Ces résultats émerveillent autant qu'ils inquiètent.

    Cependant certains chercheurs n'hésitent pas à parler d'ores et déjà d'un " coup de pub " par ce scientifique habitué des annonces très médiatiques. En tant que telle la seule nouveauté apportée par Craig Venter est la rapidité avec laquelle son équipe à réussi à construire ce virus. En effet au mois d'Août 2002, le journal Science publiait les travaux d'une autre équipe américaine ayant réussi à construire dans un tube à essaitube à essai le poliovirus responsable de la poliomyélite. Ce virus à ARNARN possédant 7741 nucléotidesnucléotides, crée de toutes pièces était fonctionnel même si son génome possédait des erreurs apparues durant les étapes de synthèse in vitroin vitro.
    Ce travail avait nécessité près de trois années de recherche, mais avait déjà soulevé de nombreuses interrogations publiées dans la même revue scientifique. En effet certains chercheurs estimaient alors que la boîte de Pandore venait d'être ouverte.
    Dans ces conditions l'annonce faite par les chercheurs américains représente-t-elle une avancée majeure ou simplement une amélioration de la technique grâce aux millions de dollars de subvention attribués par le gouvernement américain ?

    Le phage Phi-X174

    Les phagesphages sont donc des virus infectant uniquement les bactériesbactéries. Ils ne constituent donc en aucun cas un danger pour l'Homme. Ce phage est le premier organisme dont le génome a entièrement été séquencé en 1978. Son génome est constitué d'une moléculemolécule d'ADNADN circulaire de 5386 nucléotides (donc significativement plus petit que celui du poliovirus) et ne possède que 11 gènesgènes. Ce phage infecte naturellement une bactérie commensale de l'homme Escherichia coliEscherichia coli. Dans une première phase, le virus se fixe à la bactérie, puis dans une seconde phase lui injecte son ADN. La bactérie se transforme alors en véritable usine à fabriquer des phages, qui vont bourgonner à sa surface pour aller infecter les bactéries voisines.

    Là où il avait fallu plusieurs années à une équipe, cette fois-ci il a suffi d'à peine deux semaines pour obtenir une copie synthétique du phage. Cette rapidité provient du fait que les chercheurs ont modifié une technique classique de biologie moléculairebiologie moléculaire la PCRPCR " Réaction de PolymérisationPolymérisation en Chaîne ", qui permet de recopier une séquence d'ADN en des milliers d'exemplaires (une sorte de photocopieusephotocopieuse d'ADN). La nouvelle technique appelée PCA (Assemblage par Polymérisation en Chaîne) permet dans la même étape de réaction de recopier les fragments d'ADN du génome et de les lier entre eux (les détails seront connus lors de la publication de ces travaux dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences américaines dans quelques semaines). L'ADN ainsi obtenu a été inséré dans Escherichia coli afin que le phage puisse être fabriqué par la bactérie. Le virus ainsi formé s'est montré pleinement virulent, capable d'infecter et de tuer les bactéries.

    La rapidité d'obtention de ce virus fabriqué de manière synthétique diminue fortement le temps nécessaire à l'obtention d'un organisme vivant plus complexe fabriqué de toutes pièces. A titre de comparaison une bactérie possède un génome de 100 à 1000 fois plus complexe que le phage Phi-X174. Si l'obtention d'un tel organisme demeure encore pour quelque temps du domaine de l'hypothétique, il est légitime de se poser la question de la fabrication d'autres virus bien moins inoffensifs que le phage Phi-X174, tel que celui de la variolevariole. Ce virus possède un génome constitué de 185578 nucléotides (donc bien plus grand que ceux créés jusqu'à présent), et code potentiellement pour environ 200 protéinesprotéines. Si ce virus à totalement disparu de la surface du globe, en revanche il est possible de se procurer très rapidement et sans aucune difficulté la séquence complète de son génome dans les banques de données. Quand on sait que maintenant le seul obstacle à sa fabrication synthétique est la taille de son génome, on peut se demander combien de temps va s'écouler avant que ce virus ne réapparaisse...