Les derniers résultats en date de l'essai clinique Together font état du bénéfice d'un médicament antidépresseur contre les hospitalisations dues à la Covid-19. Pas chère et déjà prescrite de longue date, la fluvoxamine semble avoir tout pour plaire, mais les résultats publiés récemment laissent plusieurs questions importantes sans réponses.


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    L'essai clinique « Together » est le fruit d'une collaboration entre le Canada, le Brésil et les États-Unis. Son objectif est de déterminer si d'anciens médicaments prescrits pour d'autres maladies ont un intérêt pour traiter la Covid-19. Des moléculesmolécules comme l'hydroxychloroquine, l'ivermectine ou le lopinavir-ritonavir ont été testés dans le cadre de Together, sans démontrer de résultats probants. Le 27 octobre dernier, les scientifiques de Together ont publié une nouvelle étude dans The Lancet Global Health portant sur un autre candidat : la fluvoxamine. Prescrit au tout début de la maladie, ce médicament apporte un bénéfice, encore à confirmer, sur les hospitalisations.

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    La fluvoxamine est prescrite sous le nom de Froxyfral comme antidépresseur pour traiter les épisodes dépressifs majeurs et les troubles obsessionnels compulsifs chez les ados. Elle agit sur un neurotransmetteur, la sérotoninesérotonine, directement dans le cerveaucerveau. Peu de liens a priori avec une infection virale comme la Covid-19. Mais, la fluvoxamine semble avoir plusieurs propriétés anti-inflammatoiresanti-inflammatoires et antivirales, comme le suggère une étude parue au printemps dernier. 

    L'essai a eu lieu au Brésil dans 11 hôpitaux différents. Les quelque 1.500 participants, qui ont au moins une comorbiditécomorbidité qui les expose à un risque accru de forme grave de Covid-19, sont âgés de 50 ans en moyenne et sont à 58 % des femmes. Les vaccinés et les personnes déjà traitées avec la fluvoxamine ou un autre antidépresseur agissant sur la sérotonine ont été exclus de l'étude. Chaque participant a été assigné au hasard dans le groupe fluvoxamine (741 personnes) ou dans le groupe placeboplacebo (756 personnes). Les volontaires ont reçu 100 milligrammes de fluvoxamine deux fois par jour pendant dix jours dans les sept jours suivant l'apparition des symptômessymptômes de la Covid-19. L'objectif principal de l'étude est d'estimer les bénéfices de la fluvoxamine sur les hospitalisations et plus précisément, le maintien des patients en unité Covid-19 plus de six heures ou leur transfert dans un autre hôpital à 28 jours.

    Proportion des évènements atteignant l'objectif premier de l'étude parmi les groupes fluvoxamine et placebo. <em>Intention-to-treat analysis</em> signifie que les scientifiques ont inclus dans leur calcul toutes les personnes de chaque groupe, même celles qui n'ont pas terminé le protocole. © Gilmar Reis et <em>al. The Lancet Global Health</em>
    Proportion des évènements atteignant l'objectif premier de l'étude parmi les groupes fluvoxamine et placebo. Intention-to-treat analysis signifie que les scientifiques ont inclus dans leur calcul toutes les personnes de chaque groupe, même celles qui n'ont pas terminé le protocole. © Gilmar Reis et al. The Lancet Global Health

    32 % de risque d'hospitalisation prolongée en moins

    Dans le groupe qui a reçu le traitement, 79 personnes sur 741 (11 %) sont restées plus de six heures dans une unité Covid-19 ou ont été transférées, contre 119 sur les 756 (16 %) du groupe placebo. Ces résultats montrent que la fluvoxamine diminue le risque relatif d'une hospitalisation prolongée de 32 %. Concernant la mortalité, qui est un objectif secondaire de l'étude, elle est plus faible dans le groupe fluvoxamine : 17 décès contre 25 dans le groupe placebo. Mais ces résultats sont peu significatifs d'un point de vue statistique.

    La mortalité a aussi été estimée avec une seconde approche, appelée per protocol. Dans cette dernière, qui reflète plus une situation idéale que la réalité, on ne garde que les personnes qui ont suivi jusqu'au bout le protocoleprotocole ; celles qui l'ont quitté pour des raisons médicales ou autres ne sont pas comptabilisées. Avec cette approche, il n'y a plus qu'un décès dans le groupe fluvoxamine et 12 dans le groupe placebo. L'effet bénéfique de fluvoxamine apparaît donc plus robuste.

    Beaucoup de choses restent à confirmer

    La fluvoxamine, qui est par ailleurs abordable et sur le marché depuis longtemps, apparaît comme un traitement efficace pour réduire le risque d'hospitalisation prolongée. Mais plusieurs éléments de l'étude appellent à la vigilance. Tout d'abord, l'étude a été faite au Brésil alors que le variant P1 était majoritaire. Rien ne garantit que les résultats seront les mêmes avec le variant Deltavariant Delta. Si la fluvoxamine s'adresse à des patients qui ont des risques accrus de développer des symptômes graves, la cohortecohorte de l'étude n'est pas tout à fait représentative des populations que l'on sait à risque de formes graves ou de décès.

    De plus, la question principale de l'étude, choisie par les scientifiques, est moins robuste que celles définies habituellement dans les essais cliniquesessais cliniques visant à démontrer l'efficacité d'un nouveau traitement comme l'admission en soins intensifs ou la mortalité à 28 jours. Par ailleurs, tous les résultats concernant les objectifs secondaires énoncés dans l'étude sont peu significatifs. Enfin, la nature des effets secondaires de la fluvoxamine est très peu documentée. Seuls les effets secondaires de grade 1 sont plus fréquents dans le groupe fluvoxamine que dans le groupe placebo, mais ces derniers ne sont pas décrits.

    Prudence donc quant aux conclusions trop enthousiastes sur la fluvoxamine, d'autres études sont nécessaires pour confirmer celle-ci et apporter les réponses manquantes concernant les bénéfices de fluvoxamine sur le variant Delta, pour les personnes vaccinées ou encore les personnes très âgées.