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    Quelques complications supplémentaires

    Quelques complications supplémentaires

    En évoquant les changements possibles dans le ruissellement, nous sommes bien entrés dans la complexité. Il est certes utile de commencer l'étude des processus climatiques en termes d'irradiation solaire, de l'effet parasol, et de l'effet de serreeffet de serre, tout étant considéré en moyenne globale (moyenne sur la surface du globe, moyenne sur l'année).

    Toutefois, cela reste une schématisation à l'extrême. Le climatclimat est une affaire de flux d'énergie solaire répartis de manière non uniforme sur le globe, variant fortement avec la latitudelatitude, les saisonssaisons, et l'heure. Ces non-uniformités agissent comme moteur de la circulation de l'atmosphèreatmosphère, et les mouvements atmosphériques mettent en mouvement les courants marins, tous ces mouvements étant affectés par la force de Coriolisforce de Coriolis due à la rotation de notre planète. L'énergie solaire inégalement répartie, absorbée et convertie en chaleur surtout dans les TropiquesTropiques, est redistribuée par la circulation de l'atmosphère et des océans vers les zones moins favorisées, dont la nôtre en France.

    L'approche purement globale ne permet pas de comprendre les grandes alternances entre périodes glaciairespériodes glaciaires et interglaciaires (dont le schéma plus haut montre les derniers 420.000 ans). Le rythme de ces alternances dépend de très petites variations dans l'orbite de la Terre et dans l'inclinaison de son axe de rotation, qui modifient la répartition de l'irradiation solaire avec la latitude et les saisons. Mais si ces variations dites de Milankovitch contrôlent le rythme des alternances, l'amplitude de ces changements climatiques dépend de rétroactionsrétroactions d'une part de l'étendue des glaces sur l'effet parasol, d'autre part de la composition de l'atmosphère (vapeur d'eau et CO2CO2 surtout) sur l'effet de serre.

    Le temps est-il détraqué ?

    Altération de l'atmosphère, renforcement global de l'effet de serre, renforcements régionaux de l'effet parasol : tous ces changements entraînent nécessairement des modifications dans la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique, dans la répartition des précipitationsprécipitations, dans les trajectoires préférées des tempêtestempêtes. Les cyclonescyclones, tempêtes, inondationsinondations et autres catastrophes qui font la une des média sont-ils les hérauts du réchauffement ? Non : le climat se définit par les caractéristiques statistiques du temps, sur une période de 30 ans. La variabilité en fait partie. Les hommes (surtout les populations croissantes du Tiers Monde) restent vulnérables aux violences du ciel, mais il n'est pas vrai que le nombre et la violence des tempêtes et des cyclones aient partout augmenté de manière systématique. Il s'agit là d'une légende qui ne devient pas fait établi à force d'être répétée.

    Certains militants verts m'accuseront de respecter un quelconque tabou, mais au risque de désespérer le Larzac, je dois en tant que scientifique dire la vérité telle que je la vois. Au lieu d'attribuer chaque catastrophe au réchauffement (les inondations dans l'Aude en 1999, les pires "jamais" observées ¼ depuis 1940), on ferait mieux de se soucier d'améliorer la protection des vies et des biens, de se demander pourquoi on délivre des permis de (re)constructionconstruction à répétition dans des plaines notoirement inondées ou des couloirs d'avalanchesavalanches. Sur l'Atlantique Nord, on a peut-être observé davantage d'agitation aux années 1990 qu'aux années 1950 ; mais pas plus que vers 1900. Il en est de même pour les cyclones tropicaux. Aujourd'hui, les satellites d'observation et les télécommunications modernes nous apportent les images de chaque désastre où qu'il survienne sur le globe ; cela ne prouve pas qu'il y en ait davantage qu'autrefois. Et lorsqu'on cite l'augmentation spectaculaire des sommes déboursées par les assureurs on ne mentionne pas toujours l'augmentation de la valeur des biens exposés au risque et assurés.

    Figure 9 - La tempête du 25-26 décembre 1999.
    Figure 9 - La tempête du 25-26 décembre 1999.
    Fig. 10 - Dernière image radar enregistrée le 24 août 1992, quelques minutes avant que le vent de l'ouragan Andrew (150 nœuds, 267 km/h) eut arraché l'antenne du toit de la station, à Miami. Les couleurs représentent l'intensité (en dBZ) du signal renvoyé, qui dépend de la quantité d'eau sous forme liquide dans les nuages du cyclone.
    Fig. 10 - Dernière image radar enregistrée le 24 août 1992, quelques minutes avant que le vent de l'ouragan Andrew (150 nœuds, 267 km/h) eut arraché l'antenne du toit de la station, à Miami. Les couleurs représentent l'intensité (en dBZ) du signal renvoyé, qui dépend de la quantité d'eau sous forme liquide dans les nuages du cyclone.

    Il faut cependant se soucier de l'avenir

    On saura mieux prévoir les intempéries et se protéger, mais les sociétés modernes et complexes deviennent plus vulnérables à d'autres égards -- que l'on pense aux réseaux de distribution d'électricité, aux transports, aux télécommunications. Au cours des prochaines décennies, le climat changera bien plus qu'au 20ème siècle, et ce changement ne sera pas limité à un réchauffement "global" ; il est certain que les risques d'événements extrêmes (sécheressessécheresses prolongées, pluies très fortes, tempêtes...) vont changer, et cela pour le pire dans certaines régions. Il faudra en tenir compte pour la sécurité des personnes, pour les infrastructures à longue duréedurée de vie, pour l'aménagement du territoire, pour la gestion des forêts, pour les assurances.

    Une parenthèse : l'activité solaire ?

    Source ultime de 99,97% des flux d'énergie qui traversent l'atmosphère de notre planète, notre SoleilSoleil ne varie-t-il pas ? Si ce que l'on appelle à tort la "constante solaireconstante solaire" (l'irradiation solaire à la distance moyenne Soleil-Terre en dehors de l'atmosphère), devait augmenter de seulement 1,5% (de 1367 à 1389 wattswatts par mètre carré), cela aurait autant d'effet ("forçage radiatifforçage radiatif" dans le jargon spécialisé) qu'un doublement du CO2. Seulement voilà : les mesures précises depuis l'espace (il est vrai qu'ils n'existent que depuis les années 1970) indiquent seulement des fluctuations très rapides pouvant atteindre 0,4% et une variation d'amplitude 0,1% suivant le cycle de 11 ans de l'activité solaire, fluctuations bien faibles et trop rapides pour influencer le climat. Il est concevable qu'une augmentation durable de 0,3% de la luminositéluminosité solaire entre 1850 et 1950 explique une partie du réchauffement d'alors. Les mesures solaires de cette période n'ont pas la précision nécessaire pour décider cette question, le calcul des possibilités de fluctuations solaires ne l'a pas encore.

    Pour le siècle à venir, un doublement de CO2 paraît presque certain, une variation solaire de 0,3%, sans même parler de 1,5%, tout à fait hypothétique. Bien sûr, il existe une abondante littérature scientifique de travaux sérieux dans de nombreux instituts et observatoires : corrélations statistiques entre tel ou tel paramètre météorologique ou climatique avec tel ou tel indice d'activité solaire (sans parler des corrélations moins sérieuses avec les cours de la bourse ou la longueur des jupes !). On sait que l'activité solaire module l'état physiquephysique de la thermosphèrethermosphère, à quelques centaines de kilomètres d'altitude. On imagine des mécanismes physiques qui feraient que les fluctuations bien réelles du rayonnement ultravioletultraviolet, des émissionsémissions de particules et du vent solairevent solaire influenceraient la troposphèretroposphère (couches d'altitude inférieure à 10 km) où se jouent la météorologiemétéorologie et le climat.

    Cependant, à mon avis, on n'a jamais démontré par modélisationmodélisation quantitative l'action effective de l'un quelconque de ces mécanismes qualitativement plausibles. De plus, j'estime que, pour la plupart, les analyses statistiques prétendant révéler le rôle de l'activité solaire dans les variations climatiques souffrent de graves défauts, reposant souvent sur des séries trop courtes, parfois sur un raisonnement circulaire. D'autres scientifiques pensent le contraire. Cela reste un sujet de débat. En même temps, je relève que la recherche frénétique d'une explication solaire (tout, plutôt que le CO2 !) pour le réchauffement climatiqueréchauffement climatique du 20ème siècle fait bien partie du discours pseudo-scientifique diffusé (à l'occasion sous forme de plaquettesplaquettes de format imitant celui d'articles de la revue scientifique Nature) sous les auspices des lobbies anti-régulation liés à certains producteurs du charboncharbon et du pétrolepétrole. Après avoir maintes fois cité, sans aucune critique, les travaux intéressants conduits sur les relations Soleil-Terre à l'Institut Météorologique Danois, on découvre soudain les limites de la statistique¼ le jour où les chercheurs danois annoncent que la statistique révèle autre chose qu'une influence solaire !