Dans un rapport très attendu, l'Efsa, l’agence européenne en charge de la sécurité sanitaire des aliments, a confirmé que trois pesticides néonicotinoïdes étaient dangereux pour les abeilles. Ces « néonics » faisaient déjà l’objet de restrictions d'usage dans l'Union européenne (UE).

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    Oui, les trois pesticides néonicotinoïdes que sont la clothianidine, l'imidaclopride et le thiaméthoxame sont bien dangereux pour les abeilles. « Il y a une variabilité dans les résultats, due à des facteurs comme l'espèce d'abeilles, l'emploi prévu du pesticide et la façon d'être exposé. Certains risques faibles ont été identifiés, mais globalement le risque pour les trois types d'abeilles que nous avons étudiés est confirmé », explique Jose Tarazona, à la tête du département Pesticides de l'Efsa, l'agence européenne en charge de la sécurité sanitaire des aliments, dans un communiqué.

    L'avenir de ces trois pesticides néonicotinoïdes, substances neurotoxiques qui s'attaquent au système nerveux des insectes, est en suspens dans l'Union européenne depuis 2013, après une première évaluation de l'Efsa. L'agence scientifique de l'UE, basée à Parme (Italie), s'est lancée en 2015 dans une évaluation encore plus poussée, visant à rassembler « toutes les preuves scientifiques » publiées depuis, dont la conclusion avait pris du retard face à la massemasse de données collectées. Cette fois, l'évaluation couvre non seulement les abeilles à miel, mais aussi les abeilles sauvages (bourdons, abeilles solitaires).

    L'UE attaquée en justice par l'industrie des « néonics »

    Deux géants des pesticides dont des produits sont directement concernés par les restrictions d'usage, le Suisse Syngenta et l'Allemand Bayer, ont attaqué devant le Tribunal de justice de l'UE la décision de restreindre l'usage de ces trois « néonics », interdits pour les cultures qui attirent les abeilles (comme le maïsmaïs, le colza oléagineuxoléagineux ou le tournesoltournesol) sauf quelques exceptions. La procédure est toujours en cours.

    La Commission avait d'ores et déjà commencé à soumettre aux États membres, décisionnaires au sein d'un comité technique chargé de réguler les pesticides, une nouvelle proposition pour restreindre encore plus l'utilisation des trois insecticides controversés à un usage en serres. Mais aucun vote ne s'est tenu jusqu'à présent, notamment dans l'attente du nouveau rapport de l'Efsa. La prochaine réunion de ce comité se tiendra les 22 et 23 mars.


    Déclin des abeilles : les néonicotinoïdes à nouveau accusés

    Article de Marie-Céline RayMarie-Céline Ray paru le 3 juillet 2017

    Alors que la polémique sur les néonicotinoïdes a refait surface cette semaine dans l'actualité politique française, la revue Science publie une nouvelle étude canadienne qui pointe du doigt les dangers de ces pesticides pour les abeilles.

    Alors que les néonicotinoïdes sont interdits en France depuis 2016 et soumis à un moratoire européen depuis 2013, leurs dangers font toujours débat outre-Atlantique. Au Canada, trois néonicotinoïdes sont approuvés pour l'agricultureagriculture : l'imidaclopride, la clothianidine et le thiaméthoxame.

    De nombreuses études ont signalé les effets néfastes des « néonics » sur la santé des abeilles. Pour beaucoup, ces travaux consistaient à traiter de manière expérimentale des abeilles avec des néonicotinoïdes. Certaines de ces recherches ont été critiquées car elles utilisaient des doses ou des duréesdurées d'étude jugées irréalistes.

    Une équipe de chercheurs de l'université York de Toronto (Canada) a donc voulu étudier l'effet de ces pesticides dans des conditions les plus proches possible de la réalité du terrain. Tout d'abord, ils ont suivi les colonies de cinq ruchers proches de champs de maïs qui avaient poussé à partir de graines traitées aux néonicotinoïdes et six ruchers éloignés des activités agricoles. Entre mai et septembre, c'est-à-dire pendant la saisonsaison où les abeilles sont actives, les colonies étaient testées.

    Les néonicotinoïdes se répandent des champs agricoles vers l'environnement alentour.

    Les abeilles ont récolté du pollenpollen contaminé avec des néonicotinoïdes. Mais ce pollen ne provenait pas de plants de maïs ou de sojasoja, les deux principales cultures qui poussent à partir de graines traitées. Pour Nadia Tsvetkov, principale auteur de cet article, « cela indique que les néonicotinoïdes, qui sont solubles dans l'eau, se répandent des champs agricoles vers l'environnement alentour, où ils sont absorbés par d'autres plantes qui sont très attrayantes pour les abeilles ».

    Les néonicotinoïdes sont des insecticides utilisés pour enrober des semences comme celles de maïs. © izzzy71, Fotolia

    Les néonicotinoïdes sont des insecticides utilisés pour enrober des semences comme celles de maïs. © izzzy71, Fotolia

    Le pollen contaminé vient de plantes proches des champs traités

    Pour les auteurs, l'étude démontre que les abeilles des régions qui font pousser du maïs au Canada sont exposées à des niveaux significatifs de néonicotinoïdes pendant la majeure partie de la saison où elles sont actives. Le pollen des plantes, qui ne sont pourtant pas les cibles des néonicotinoïdes, est la principale voie d'exposition des abeilles à ces pesticides.

    Le saviez-vous ?

    La mortalité des colonies d’abeilles Apis mellifera est élevée dans des régions qui font pousser du maïs dans l’Ontario ou au Québec. Beaucoup de ces champs de maïs utilisent des graines qui ont été traitées avec des néonicotinoïdes.

    Les chercheurs ont aussi réalisé une autre expérience en complément. Pendant 12 semaines, ils ont nourri des colonies avec un pollen contenant des quantités de plus en plus petites de clothianidine, le néonicotinoïde le plus utilisé dans l'Ontario. L'expérience était censée mimer ce qui devrait se passer dans un champ.

    Voir aussi

    La mortalité des abeilles sauvages triplée par les insecticides

    Les abeilles ouvrières exposées au pollen traité pendant les neuf premiers jours de leur vie avaient une espérance de vieespérance de vie réduite de 23 %. Les colonies exposées au pollen traité étaient incapables de conserver une reine en bonne santé. Les chercheurs ont aussi trouvé qu'un fongicidefongicide couramment utilisé (le boscalide) pouvait interagir avec les néonicotinoïdes et les rendre encore plus dangereux. Pour Valérie Fournier, de l'université Laval, qui a collaboré avec l'équipe York, « les chercheurs ont constaté que les niveaux réalistes sur le terrain de boscalide peuvent rendre les néonicotinoïdes deux fois plus toxiques pour les abeilles ».

    Ces travaux paraissent dans Science.


    Déclin des abeilles : les pesticides néonicotinoïdes sur la sellette

    Article de Quentin Mauguit paru le 3 avril 2012

    Deux nouvelles études se penchent sur le rôle joué par des insecticidesinsecticides de la famille des néonicotinoïdes sur la surmortalité des abeilles. Une faible contaminationcontamination suffit pour ralentir la croissance d'une colonie, diminuer le nombre de naissances de reines et perturber les capacités de navigations.

    Les populations d’abeilles sont en plein déclin depuis quelques années. Or, ces insectes jouent un rôle crucial dans le maintien de la biodiversitébiodiversité et dans la survie de nos cultures. Pas moins de 80 % des plantes exploitées commercialement dans le monde ont besoin de pollinisateurs pour se reproduire. De nombreuses hypothèses ont vu le jour pour expliquer ce phénomène inquiétant. Trois d'entre elles sont proposées de manière récurrente : la présence d'agents pathogènespathogènes (tel que le varroa), l'existence de virus ou champignons spécifiques et l'utilisation de pesticides.

    Les insecticides néonicotinoïdes, dont l'utilisation est largement répandue sur la Planète, agissent sur le système nerveux centralsystème nerveux central en bloquant les influx et ce, dès une exposition à de très faibles doses (quelques nanogrammes). Ces composés chimiques ont la particularité d'être également présents dans le pollen et le nectar des végétaux traités. Malheureusement, ces deux substances sont consommées par les abeilles durant leurs vols en direction des ruches, puis au sein des colonies.

    Plusieurs hypothèses relient la surmortalité des abeilles à l'emploi de néonicotinoïdes. Elles ont même poussé certains pays, dont la France, à prendre des mesures de précaution. Deux nouvelles études publiées dans la revue Science justifient cette démarche. Non seulement les insecticides néonicotinoïdes limitent la croissance des ruches et le développement de nouvelles reines, mais ils provoquent en plus des problèmes de désorientation chez les butineuses.

    Un graphique accablant : il représente le nombre de nouvelles reines de bourdons terrestres naissant chaque année par ruche et après traitement. Les conséquences d'une exposition à l'imidaclopride sont particulièrement significatives. Or, seules les reines survivent à l'hiver. © Adapté de Whitehorn <em>et al.</em> 2012, <em>Science</em>

    Un graphique accablant : il représente le nombre de nouvelles reines de bourdons terrestres naissant chaque année par ruche et après traitement. Les conséquences d'une exposition à l'imidaclopride sont particulièrement significatives. Or, seules les reines survivent à l'hiver. © Adapté de Whitehorn et al. 2012, Science

    Bourdons : moins de jeunes et de reines

    Dave Goulson, de l'université de Striling, s'est intéressé aux effets de l'imidaclopride sur des bourdons terrestres, Bombus terrestris. Son équipe a présenté trois lots de 25 colonies respectivement à une substance placéboplacébo et à une faible et une forte concentration en insecticides (6 et 12 μg par kgkg de pollen) durant 14 jours. Les 75 colonies ont ensuite été replacées à l'extérieur et suivies pendant six semaines supplémentaires.

    La croissance des populations de bourdons a baissé de respectivement 8 et 12 % pour les spécimens exposés aux faibles ou aux fortes concentrations. Par ailleurs, un plus grand nombre de cellules vides ont été observées (la différence par rapport à une colonie saine est de minimum 19 %) ; il y a donc moins de larveslarves en formation.

    L'exposition à l'insecticide a eu une troisième conséquence : le nombre de naissances de nouvelles reines a chuté de 85 %. Près de 14 reines ont vu le jour par ruche saine, en moyenne, contre seulement 2 au sein des groupes exposés au pesticide. Or, les bourdons ont un cycle de vie annuel. Seules les jeunes reines peuvent survivre à l'hiverhiver et former de nouvelles colonies au printemps suivant.

    La technologie RFID est utilisée pour caractériser les mouvements effectués par une abeille entre sa ruche d'origine et le milieu extérieur. Ce système se compose d'une micropuce de 3 mg collée sur l'insecte (A) et de détecteurs placés à l'entrée de la colonie (B). © Henry <em>et al.</em> 2012, <em>Science Express</em>

    La technologie RFID est utilisée pour caractériser les mouvements effectués par une abeille entre sa ruche d'origine et le milieu extérieur. Ce système se compose d'une micropuce de 3 mg collée sur l'insecte (A) et de détecteurs placés à l'entrée de la colonie (B). © Henry et al. 2012, Science Express

    Abeilles : une navigation faussée

    La seconde étude a été menée par une équipe de l'Inra d'Avignon sous la direction de Mickaël Henry. Les chercheurs ont analysé le comportement de butinage chez des abeilles domestiques, Apis mellifera, exposées à du thiaméthoxame. Près de 653 insectes ont été équipés d'un RFID (une micropuce collée sur l'abdomenabdomen) puis soumis à deux traitements différents composés soit d'un placébo, soit de 20 μl d'une solution de sucrosesucrose contenant 1,34 ng d'insecticide.

    Des détecteurs placés à l'entrée des ruches permettent d'identifier les abeilles quittant ou revenant à leur colonie. Le résultat est édifiant : en terrain inconnu 31,6 % des abeilles exposées à l'insecticide ont été incapables de revenir à leur point de départpoint de départ ! Le thiaméthoxame perturbe donc les capacités de navigation de ces pollinisateurs.

    Ces deux études apportent des preuves concrètes du rôle, certes partiel, joué par les insecticides de la famille des néonicotinoïdes sur la surmortalité des abeilles. Espérons que de telles preuves puissent faire réagir les pouvoirs publics sur cette problématique afin que de nouvelles réglementations voient le jour. Les tests effectués sur des insectes lors de la mise sur le marché des produits phytosanitairesproduits phytosanitaires sont également à revoir.