L’évolution récente de la sismicité sur la faille est-anatolienne, dans le sud-ouest de la Turquie, pose la question de la potentielle réactivation de la faille du Levant, mais également celle du risque de tsunami dans la région.


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    Alors que les répliques sismiques se succèdent dans le sud de la Turquie suite aux deux puissants séismes ayant dévasté la région le 6 février dernier, l'inquiétude se fait de plus en plus vive sur une potentielle déstabilisation d'autres grandes structures géologiques qui caractérisent cette région du globe. Car si les séismes étaient jusqu’à présent clairement localisés sur la faille est-anatolienne, de plus en plus de répliques se situent désormais sur l'extrémité sud de la faille, notamment les deux derniers séismes qui ont secoué la région de Hatay hier soir.

    Un regain d’activité au niveau du point triple

    Or, il s'agit là d'une zone extrêmement sensible d'un point de vue tectonique. C'est en effet ce que l'on appelle un point triplepoint triple. C'est là exactement que se rencontrent trois plaques tectoniques différentes : la plaque arabe, la plaque africaine et la plaque anatolienne. Les frontières entre ces trois plaques sont ici marquées par trois grandes structures tectoniques : la faille est-anatolienne qui sépare la plaque arabe du bloc anatolien et dont la rupture soudaine a généré les récents et puissants séismes, la faille de la mer Morte (aussi appelée faille du Levant) dont l'orientation nord-sud marque la limite entre les plaques arabe et africaine, et la zone de subductionzone de subduction de Chypre qui sépare la plaque africaine du bloc anatolien. Or, ces trois structures majeures se connectent au niveau de la province de Hatay, qui enregistre ces dernières heures un important regain d'activité sismique.

    Et cette évolution de la sismicité est pour le moins préoccupante, pour deux raisons, comme le souligne Mustapha Meghraoui de l'Institut Terre et Environnement de Strasbourg. Premièrement, car tout comme la faille est-anatolienne avant les séismes du 6 février, la partie nord de la faille du Levant présente elle aussi un déficit de glissement depuis plusieurs siècles. D'après une étude produite en 2018, ce déficit serait d'un minimum de deux mètres le long de la faille, faisant craindre depuis plusieurs années la survenue d'un violent séisme. Les mouvementsmouvements qui s'opèrent actuellement sur la partie sud de la faille est-anatolienne pourraient ainsi déstabiliser et réactiver le segment nord sous tension de la faille du Levant, situé à proximité immédiate, provoquant potentiellement une nouvelle catastrophe.

    La connexion entre la faille du Levant (qui s'étire du nord au sud) et la faille est-anatolienne s'opère dans la province d'Hatay, qui connaît actuellement de nombreuses répliques sismiques. © Mikenorton, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0
    La connexion entre la faille du Levant (qui s'étire du nord au sud) et la faille est-anatolienne s'opère dans la province d'Hatay, qui connaît actuellement de nombreuses répliques sismiques. © Mikenorton, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0

    Le risque de tsunami existe au niveau de la zone de subduction de Chypre

    L'autre inquiétude concerne la zone de subduction bordant la côte sud de l'île de Chypre. Cette zone de subduction voit la plaque africaine plonger sous la plaque anatolienne. Elle se connecte directement avec la faille est-anatolienne qui est ici immergée sous les eaux de la Méditerranée. Or, ces deux types de failles fonctionnent très différemment. Alors que la faille est-anatolienne montre un mouvement décrochant (les blocs glissent latéralement l'un par rapport à l'autre), la zone de subduction est, elle, marquée par l'enfoncement d'une plaque sous une autre, un mécanisme qui génère également beaucoup de séismes... mais également des tsunamis.

    Organisation des plaques tectoniques et connexion entre les failles du Levant (DSF) et est-anatolienne, mais également connexion avec la zone de subduction de Chypre. © Evelpidou et al. 2022, Geosciences, CC By
    Organisation des plaques tectoniques et connexion entre les failles du Levant (DSF) et est-anatolienne, mais également connexion avec la zone de subduction de Chypre. © Evelpidou et al. 2022, Geosciences, CC By

    Le séisme de magnitudemagnitude 5,8 survenu hier soir et localisé à Samandag, sur la côte turque, avait d'ailleurs déjà fait l'objet d'une courte alerte au tsunami. Étant donné la magnitude de la secousse, une petite montée des eaux pouvait être attendue, mais visiblement, rien n'a été enregistré. Le mécanisme des failles décrochantes fait qu'elles sont normalement moins susceptibles de produire des tsunamis, même si le risque existe. Ce n'est pas le cas des zones de subduction, notamment celle de Chypre. Même si le risque reste faible, les études de terrain montrent qu'au cours du dernier millénaire, plusieurs vaguesvagues de tsunamis ont déjà frappé les côtes chypriotes. Le dernier en date, d'une hauteur d'un mètre, s'est produit en 1953. Le plus catastrophique serait celui de 1222, avec des vagues de plusieurs mètres de haut. Or, tout comme la faille du Levant, la zone de subduction de Chypre pourrait être réactivée par l'évolution de la sismicité sur la faille est-anatolienne. Fort heureusement, pour l'instant aucune sismicité n'est enregistrée de ce côté-là.

    Comme toujours en sismologie, rien ne peut être affirmé avec certitude et aucune prévision temporelle ne peut être effectuée. La prudence et la préparation restent de mise, en espérant que la chaîne de catastrophe s'arrêtera là.  


    Deux séismes importants ont encore secoué la Turquie : que s'est-il passé ?

    En Turquie, la Terre continue de gronder. Deux nouveaux séismes, de magnitude 6,4 et 5,8 ont secoué la province de Hatay dans le sud du pays. La localisation côtière des épicentresépicentres a fait craindre, temporairement, une légère montée des eaux.

    Article de Morgane GillardMorgane Gillard publié le 21 février 2023

    À peine deux semaines après la catastrophe sismique qui a ravagé le sud de la Turquie et le nord de la Syrie, deux nouveaux tremblements de terretremblements de terre ont secoué la province turque de Hatay hier soir, lundi 20 février. Il s'agit de la région la plus dévastée par les précédents séismes, qui ont déjà fait plus de 44 000 morts. Ces nouvelles secousses, de magnitude 6,4 et 5,8 - donc relativement puissantes - ont causé de nouveaux effondrementseffondrements d'immeubles déjà sévèrement endommagés et semé la panique au sein de la population qui s'est précipitée dans les rues. Plusieurs hôpitaux et bâtiments accueillant de nombreux réfugiés ont dû être évacués par précaution. Six nouveaux morts sont à déplorer ainsi que plusieurs centaines de blessés.

    Des épicentres situés à proximité de la côte

    Les épicentres des séismes se situent au niveau de la côte méditerranéenne, plus au sud que les précédents séismes de magnitude supérieure à 7, survenus il y a 14 jours. L'épicentre de la première secousse, de magnitude 6,4, est localisé au niveau de la ville de Defne. Le séisme a été ressenti dans toute la région, jusqu'à plus de 100 kilomètres au nord, mais également au sud, jusqu'au Liban. À peine trois minutes plus tard, une seconde secousse a suivi. La magnitude de 5,8 et la localisation côtière de l’épicentre (Samandag) a fait craindre temporairement une petite élévation du niveau de la mer. Le Centre sismologique euro-méditerranéen (EMSC) a d'ailleurs produit une alerte au tsunami, rapidement levée.

    Plus de 6 000 répliques sismiques ont été enregistrées depuis le 6 février. Cet événement sismique majeur est déjà catégorisé comme l’une des pires catastrophes du XXIe siècle.


    Séisme en Turquie : « ce sont 400 kilomètres de faille qui ont été brutalement réactivées »

    Quelques jours après les deux séismes qui ont durement touché la Turquie et la Syrie, Mustapha Meghraoui, chercheur en paléosismologie à l'université de Strasbourg, apporte des éclaircissements sur ces terribles événements, qui étaient prévisibles en considérant les contraintes tectoniques accumulées.

    Article de Morgane Gillard publié le 10 février 2023

    Sur le terrain, tandis que les secouristes ont entamé une course contre la montre pour sortir les survivants de sous les décombres, les scientifiques s'affairent de leur côté pour tenter de comprendre ce qu'il s'est passé ce lundi 6 février.

    Des équipes de scientifiques turcs et internationaux sillonnent la région à la recherche des traces de la faille est-anatolienne qui a produit le puissant séisme de magnitude 7,8. Car, outre les terribles destructions liées aux vibrationsvibrations du sol, le mouvement le long de la faille a laissé une empreinte nette dans le paysage. Des routes et des voies ferrées ont ainsi été littéralement cisaillées et décalées du fait du déplacement relatif entre les deux blocs que délimite la faille est-anatolienne. Des déplacements d'environ 3 mètres peuvent déjà être mesurés.

    Mais Mustapha Meghraoui, chercheur à l’Institut Terre et Environnement de Strasbourg (Ites) au sein de l'équipe Déformation Active s'attend à trouver des déplacements bien plus importants. « Étant donné la très forte magnitude du séisme, il ne serait pas étonnant d'observer des déplacements de l'ordre de huit mètres, explique-t-il. En 1999, le séisme ayant touché Istanbul a produit des déplacements de 5,5 mètres, et ce n'était qu'un séisme de magnitude 7,4, contre 7,8 cette fois-ci ». La différence entre les deux est significative. Car il faut bien se rappeler que l’échelle des magnitudes de moment n'est pas proportionnelle, il s'agit d'une échelle logarithmique.

    Photo de la rupture de surface liée au Séisme du 6 février 2023 (Mw 7.8). La route se retrouve ici cisaillée et décalée d'environ 3 mètres © Cengis Zabci (<em>Istanbul Technical University</em>).
    Photo de la rupture de surface liée au Séisme du 6 février 2023 (Mw 7.8). La route se retrouve ici cisaillée et décalée d'environ 3 mètres © Cengis Zabci (Istanbul Technical University).

    La faille accumule la contrainte depuis 900 ans

    La rupture a donc été très brutale et le mouvement le long de la faille conséquent. Mais pouvait-on s'attendre à cela ? Pour le chercheur, actuellement sur place et qui a déjà étudié les failles activesfailles actives qui parcourent cette région du Globe, oui, un séisme d'une telle violence était bien prévisible dans cette zone. « Même s'il y a eu quelques séismes de moyenne magnitude sur ce segment sud-ouest de la faille est-anatolienne au cours des derniers siècles, il faut remonter à l'an 1114 pour retrouver des témoignages suggérant un séisme d’une telle ampleur. Les archives historiques parlent alors de 30 000 à 40 000 morts, et c'est malheureusement des chiffres qui risquent d'être atteints dans les prochains jours. C'est une véritable catastrophe ».

    Cela ferait donc plus de 900 ans que cette branche de la faille est-anatolienne emmagasine la tension créée par la poussée de la plaque arabe. Avec un taux de déformation de l'ordre de 5 à 10 millimètres par an, la contrainte accumulée au cours du temps a été phénoménale. Lors de précédentes études, le chercheur avait bien remarqué que, contrairement, à la faille nord-anatoliennefaille nord-anatolienne qui glisse fréquemment, relâchant ainsi la tension de façon graduelle, la partie sud-ouest de la faille est-anatolienne était, elle, complètement verrouillée. « Vu la contrainte accumulée, il fallait s'attendre à une catastrophe de ce genre dans cette région. Tout le problème est qu'il était impossible de prévoir quand cela allait se produire ».

    Un risque de déstabilisation de la faille du Levant

    En ce qui concerne le second séisme, survenu quelques heures plus tard, ce n'est pas vraiment une surprise non plus. La puissance de la première secousse n'a fait que déstabiliser une autre faille sous forte tension et certainement proche de la rupture. Pour Mustapha Meghraoui, les choses devraient cependant se calmer progressivement. « Avec ces deux séismes, ce sont 400 kilomètres de faille qui ont été brutalement réactivées et qui ont libéré les tensions tectoniques auxquelles elles étaient soumises. Ça fait beaucoup ! » En revanche, il faut s'attendre à des répliques sismiques de moyennes à faibles magnitudes pendant 2 ou 3 ans.

    À titre de comparaison, l'image ci-dessous montre l'étendue de la région affectée par les destructions liées au séisme, à l'échelle de la France.

    Mais ce qui inquiète le plus le chercheur, c'est le risque d'une déstabilisation de la faille du Levant, dont la connexion avec la faille est-anatolienne s'opère... à proximité de l'épicentre du premier séisme. La faille du Levant marque la limite entre les plaques africaine et arabe. Comme la faille est-anatolienne, il s'agit d'une faille décrochante extrêmement longue qui s'étire du nord vers le sud en traversant la Syrie, le Liban, la Jordanie et Israël pour se terminer dans la mer Rougemer Rouge.

    Le problème est que les segments les plus au nord sont également verrouillés depuis plusieurs siècles. « Les failles sont des zones dans lesquels circulent des fluides. Lorsqu'il y a un séisme, cette circulation va se réorganiser, entraînant des modifications dans la pressionpression exercée par les fluides à certains endroits. Ces modifications de contrainte interne peuvent entraîner une déstabilisation sur les segments encore bloqués. Il y a donc un gros risque de déstabilisation sur le nord de la faille du Levant. »

    Carte montrant la configuration tectonique, avec la plaque arabe imprimant une poussée vers le nord et éjectant le bloc anatolien vers l'ouest. Ce mouvement est à l'origine de deux grands systèmes de failles : la faille nord-anatolienne et la faille est-anatolienne. C'est sur cette dernière, tout à l'ouest, qu'a eu lieu le séisme de ce 6 février 2023. On voit également la faille du Levant en orange, qui s'étire du nord au sud et se connecte à la faille est-anatolienne à proximité de l'épicentre. © Mikenorton, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
    Carte montrant la configuration tectonique, avec la plaque arabe imprimant une poussée vers le nord et éjectant le bloc anatolien vers l'ouest. Ce mouvement est à l'origine de deux grands systèmes de failles : la faille nord-anatolienne et la faille est-anatolienne. C'est sur cette dernière, tout à l'ouest, qu'a eu lieu le séisme de ce 6 février 2023. On voit également la faille du Levant en orange, qui s'étire du nord au sud et se connecte à la faille est-anatolienne à proximité de l'épicentre. © Mikenorton, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    La prévention, seule façon d’éviter un désastre

    Mais la question cruciale du « quand » reste toujours en suspens. « On ne sait pas, c’est impossible à prévoir. Cela peut se produire dans les jours qui viennent, les mois ou les années ».

    La seule chose qui reste possible, c'est la préventionprévention et notamment la mise en place de normes de constructionconstruction parasismiquesparasismiques appropriées pour cette région soumise à un important aléa sismiquealéa sismique. Or, ce point-là fait encore défaut et explique en partie le nombre dramatique de morts.


    Turquie : plus de 400 répliques sismiques enregistrées à ce jour !

    À la suite de deux séismes majeurs survenus en Turquie lundi dernier, les répliques sismiques ne cessent d'être enregistrées. Plus de 400 secousses ont ainsi affectées une large partie du pays.

    Article de Morgane Gillard publié le 8 février 2023

    À la suite des deux principaux tremblements de terre qu'a subi la Turquie ce lundi 6 février, la région enregistre un nombre important de répliques, comme le montre le réseau sismologique turc.

    Ce type de comportement sismique est habituel : lorsqu'une faille rompt brutalement, elle libère d'un coup l'énergieénergie accumulée pendant la période inter-sismique. Cela produit le séisme principal. Mais cela ne signifie pas que tout est fini. Une fois la faille déverrouillée, les contraintes vont finir de s'équilibrer par des glissements plus subtils le long du segment de faille concerné, produisant une série de répliques sismiques.

    Les répliques d'un séisme ont donc lieu sur le même segment de faille que celui concerné par le séisme principal.

    Le deuxième séisme n’est pas une réplique mais bien la rupture d’une autre faille

    Or, quelques heures après le séisme majeur de magnitude 7,8 survenu lundi matin, un second tremblement de terre de magnitude juste inférieure (7,5) s'est produit à une centaine de kilomètres. Souvent considérée dans les médias comme une réplique du premier événement, cette seconde secousse est cependant située sur une autre faille. Il doit donc être considéré comme un nouveau séisme.

    Le premier tremblement de terre est en effet survenu sur le segment de faille d'Afrin, qui fait partie de la faille est-anatolienne. L'épicentre était très proche du point triple qui marque la frontière entre 3 plaques différentes : la plaque arabe, la plaque africaine et la plaque anatolienne. Il s'agit d'une zone extrêmement complexe du point de vue tectonique, où les contraintes accumulées sont fortes.

    Si ce premier séisme a été suivi par un grand nombre de répliques qui se sont étalées le long de la faille principale, le second séisme est cependant survenu sur la faille de Cardak. Celle-ci est connectée à la faille est-anatolienne mais il s'agit clairement d'une faille différente, certainement déstabilisée par le mouvement le long de la faille est-anatolienne. Des répliques se succèdent désormais également tout le long de cette faille.

    400 répliques qui s’étendent sur 500 km

    Au total, à l'heure où ces lignes sont écrites, le pays enregistre surtout des répliques de faible magnitude. Seules cinq répliques ont une magnitude entre 5 et 6. Mais plus de 400 répliques de magnitude inférieure à 5 ont été enregistrées. Elles se distribuent le long de la faille de Cardak principalement, mais également tout le long de la faille est-anatolienne, qui s'étire sur 500 km ! En temps normal, ces magnitudes ne sont pas forcément dangereuses mais, dans le cas actuel, elles peuvent contribuer à l’effondrement de bâtiments déjà fragilisés.


    Turquie : pourquoi le séisme a-t-il été aussi dévastateur ?

    Les images de dévastation qui nous proviennent de Turquie sont effroyables et posent la question des causes de cette catastrophe. Car si le premier séisme a été puissant, il n'est pas le seul responsable du drame qui se joue en ce moment.

    Article de Morgane Gillard publié le 7 février 2023

    Cela fait deux jours maintenant que les habitants du sud de la Turquie et du nord de la Syrie vivent au rythme des secousses sismiques. Les dégâts sont considérables et le nombre de morts (6 200 décès) ne cesse d'augmenter au fil des heures, malgré le travail acharné des secouristes. Mais que s'est-il exactement passé pour en arriver à une telle catastrophe ? Comme toujours, plusieurs facteurs se sont additionnés.

    Des constructions qui ne suivent pas les normes parasismiques

    Le premier est bien sûr le risque sismiquerisque sismique auquel est soumise toute la région frontalière entre la Turquie et la Syrie. L'importante faille est-anatolienne, qui court sur 500 km environ, marque en effet la limite entre deux plaques tectoniquesplaques tectoniques : la plaque arabe au sud, et la plaque anatolienne au nord. Celle-ci est prise en sandwich avec la plaque eurasienne. La poussée qu'engendre la plaque arabe fait donc lentement glisser le bloc anatolien vers l'ouest, le long de cette grande faille active, bien connue des sismologuessismologues. Cette faille, dite décrochante, est similaire dans son fonctionnement à la fameuse faille de San Andreas en Californie. Ce type de faille peut produire des séismes très puissants car peu profonds, du même ordre d'intensité que ceux que connait le Japon par exemple.

    Carte montrant la configuration tectonique, avec la plaque arabe imprimant une poussée vers le nord et éjectant le bloc anatolien vers l'ouest. Ce mouvement est à l'origine de deux grands systèmes de failles : la faille nord-anatolienne et la faille est-anatolienne. C'est sur cette dernière, tout à l'ouest, qu'a eu lieu le séisme de ce 6 février 2023. On voit également la faille du Levant en orange, qui s'étire du nord au sud et se connecte à la faille est-anatolienne à proximité de l'épicentre. © Mikenorton, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
    Carte montrant la configuration tectonique, avec la plaque arabe imprimant une poussée vers le nord et éjectant le bloc anatolien vers l'ouest. Ce mouvement est à l'origine de deux grands systèmes de failles : la faille nord-anatolienne et la faille est-anatolienne. C'est sur cette dernière, tout à l'ouest, qu'a eu lieu le séisme de ce 6 février 2023 © Mikenorton, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Mais, contrairement à ce dernier cas, le potentiel de destruction est bien plus important en Turquie. Le Japon est en effet à la pointe de la technologie en ce qui concerne les normes de constructions parasismiques, alors que la Turquie, qui présente pourtant un aléa sismique de même niveau, y consacre des moyens bien inférieurs.

    Alors que les immeubles japonais sont capables d'encaisser des séismes de magnitude supérieure à 8, la plupart des constructions en Turquie présentent une grande fragilité face aux mouvements du sol. Le séisme de magnitude 7,8 survenu lundi 6 février, ainsi que le second de magnitude à peine inférieure (7,5) et les multiples répliques qui ont suivi ont donc entraîné l'effondrement d'un grand nombre de bâtiments, piégeant les habitants sous les décombres. L'accélération du sol lors de la première secousse a sûrement atteint 1 g, soit l'équivalent de l'accélération de la pesanteur. Il s'agit là d'une vibration très puissante à laquelle ne peuvent résister que des bâtiments suivant des normes parasismiques spécifiques.

    Les constructions en Turquie ne suivent malheureusement pas les normes parasismiques alors que le pays présente un aléa sismique très élevé. Ici, lors du séisme en 2011. © EU <em>Civil Protection and Humanitarian Aid</em>, <em>Flickr</em>, CC by-sa 2.0
    Les constructions en Turquie ne suivent malheureusement pas les normes parasismiques alors que le pays présente un aléa sismique très élevé. Ici, lors du séisme en 2011. © EU Civil Protection and Humanitarian Aid, Flickr, CC by-sa 2.0

    Deux séismes majeurs à quelques heures d’intervalle

    Si la fragilité du bâti représente un facteur primordial dans cette catastrophe, l'enchaînement des événements en est un second. Car si un séisme de magnitude supérieur à 7 était tout à fait envisageable sur cette faille accumulant de la contrainte depuis plusieurs centaines d’années, en avoir un second à quelques heures d'intervalle est pour le moins inhabituel. Il est probable que le premier séisme ait déstabilisé une autre portion de faille, menant à une rupture brutale d'un autre segment, à presque 100 km du premier épicentre.

    D'après Carlo Doglioni, géologuegéologue et professeur à l'Université de Rome, les modèles numériquesmodèles numériques montrent que le sol aurait pu se déplacer latéralement d'environ 3 mètres à certains endroits ! Des valeurs de première approximation qui restent à vérifier dès que les données satellites seront disponibles.

    Glissements de terrain et liquéfaction des sols

    Vu la puissance des deux séismes, de nombreuses répliques, de magnitude 5 voire plus, sont encore à prévoir dans les jours qui viennent, jusqu'à ce que la faille ait (localement) relâchée toute la tension accumulée. De nouvelles destructions sont donc encore à craindre. Elles pourraient entraîner de nouvelles victimes, les conditions météométéo actuelles très froides poussant les gens à s'abriter dans les bâtiments fragilisés.

    De nombreuses répliques, de magnitude 5 voire plus, sont encore à prévoir dans les jours qui viennent

    Autres conséquences désastreuses des séismes : les glissements de terrain. De plus en plus d'images provenant de Turquie montrent des routes emportées par des effondrements des flancs de montagne, déstabilisés par les vibrations. Il est également possible qu'une part des destructions soient en lien avec une liquéfactionliquéfaction des sols, un phénomène qui se produit lorsque certains types de sols sont soumis à d'intenses vibrations.

    Les craintes d’une déstabilisation de la faille nord-anatolienne

    À l'heure actuelle, il est encore compliqué de savoir si cette crise sismique est terminée. C'est possible, mais rien n'est à exclure. Car le réseau de failles est important et complexe dans cette région, de même que les contraintes tectoniques. Il est possible que de nouveaux segments de failles rompent dans un avenir proche sous l'effet de la déstabilisation induite par les séismes du 6 février.

    La plus grande crainte des spécialistes est que la faille nord-anatolienne, sur laquelle se situe Istanbul, soit affectée. Istanbul est d'ailleurs la ville où le risque sismique est le plus élevée au monde, compte tenu du contexte tectonique, du nombre d'habitants et de la fragilité des constructions.


    La terre n’en finit plus de trembler en Turquie le long de cette faille

    Alors que le bilan humain ne cesse de s'alourdir, les répliques sismiques continuent de se succéder dans le sud-ouest de la Turquie. Un nouveau séisme, quasiment aussi puissant que le premier, est survenu à la mi-journée, continuant de semer le chaos.

    Article de Morgane Gillard publié le 6 février 2023

    Après le puissant séisme de magnitude 7,8 qui a secoué la région ce lundi matin, la terre continue de trembler violemment en Turquie et en Syrie. Après des dizaines de nouvelles secousses plus ou moins violentes, c'est un deuxième tremblement de terre de magnitude 7,5, quasiment aussi puissant que le premier, qui a touché la région d'Ekinozu, à la mi-journée.

    S'il est habituel que des séismes de plus faible magnitude suivent la secousse principale durant les heures ou jours qui suivent, avoir deux événements d'une telle ampleur à seulement quelques heures d'intervalle est extrêmement rare. Surtout qu'aucun séisme de magnitude supérieure à 7 n'avait encore été enregistré sur cette faille est-anatolienne.

    Avoir deux événements d’une telle ampleur à seulement quelques heures d’intervalle est extrêmement rare

    Dans ce cas, difficile de parler de réplique. Il s'agit clairement d'un second événement sismique, dont l'épicentre est situé à une centaine de kilomètre du premier. Ce séisme devrait lui-même entraîner une série de répliques, dont la magnitude pourrait avoisiner 6, et qui pourrait donc causer de nouveaux dégâts.

    Pourquoi un tel déchaînement de violence ?

    Le pays n'aurait pas connu de séisme de magnitude aussi élevée depuis 200 ans. Durant ce laps de temps relativement long, la contrainte tectonique associée à la poussée de la plaque arabe (voir ci-dessous) a continué à s'accumuler, ce qui explique certainement la puissance des deux évènements survenus aujourd'hui.

    De plus, lorsqu'un séisme majeur survient, il peut déstabiliser d'autres parties de la faille qui étaient jusqu'alors bloquées et produire ainsi de nouvelles secousses. On observe ainsi des séismes en séquence et une « progression » des épicentres le long de la faille. C'est certainement ce qu'il s'est passé aujourd'hui.

    Ce deuxième séisme est venu mettre à bas de nombreux bâtiments déjà fragilisés par le premier tremblement de terre. Les pertes humaines dépasseraient les 2 300 morts. Il y aurait près de 10 000 blessés.

    De nombreuses organisations ont d'ores et déjà ouvert des appels aux dons pour venir en aide aux victimes. En voici quelques-unes : Médecins du Monde, le Secours Populaire Français, Fondation de France.


    Ce que l'on sait sur le séisme meurtrier de magnitude 7,8 en Turquie et en Syrie

    Un violent tremblement de terre de magnitude 7,8 a eu lieu ce matin dans le sud-ouest de la Turquie, à la frontière syrienne. Les dégâts sont très importants et l'on dénombre déjà quelque 1 472 morts tant en Turquie qu'en Syrie et plusieurs milliers de blessés.

    Article de Morgane Gillard publié le 6 février 2023

    La Turquie et la Syrie vivent toutes deux sous la menace constante de violents séismes. Une réalité qui s'est tristement rappelée aujourd'hui aux habitants de la région méditerranéenne frontalière entre les deux pays.

    C'est avant l'aubeaube que la terre a en effet violemment tremblée, ce lundi 6 février. L'épicentre est situé au nord de la ville de Gaziantep, dans le sud-ouest de la Turquie, à proximité de la frontière syrienne. De magnitude 7,8, le séisme a été ressenti dans toute la région, de même qu'au Liban, en Israël, en Jordanie et en Égypte. Mais c'est dans la zone épicentrale que la situation est la plus dramatique.

    De nombreux immeubles (2 800 recensés) se sont en effet écroulés sous la violence des secousses et de la multitude de répliques qui a suivi, piégeant les habitants encore endormis. À l'heure où ces lignes sont écrites, le bilan total serait déjà de plus de 912 morts en Turquie et 560 en Syrie, il devrait malheureusement continuer à s'alourdir. Les deux pays ont rapidement fait appel à l'aide internationale. De nombreux pays ont déjà proposé d'envoyer des secours. Des équipes de secouristes européens sont déjà en route. La situation dans la région syrienne touchée, détenue par des rebelles, est particulièrement critique du fait du manque de médecins et de moyens médicaux.

    Pourquoi la terre a-t-elle tremblée ?

    La Turquie est jalonnée de plusieurs grands systèmes de failles, dont les plus importants sont la faille nord-anatolienne, qui passe par Istanbul, et la faille est-anatolienne. C'est cette dernière qui est mise en cause aujourd'hui. Ces grandes failles résultent de la poussée de la plaque arabe qui remonte vers le nord et emboutit la plaque anatolienne, prise en sandwich avec la plaque eurasienne.

    Voir aussi

    Dossier : Qu'est-ce qui fait trembler la terre ?

    Si la faille nord-anatolienne marque la limite entre les plaques eurasienne et anatolienne, la faille est-anatolienne marque, quant à elle, l'interface entre les plaques anatolienne et arabe, et accommode cette puissante poussée venant du sud par un cisaillement senestre : le bloc anatolien est en quelque sorte éjecté vers l'ouest et se déplace ainsi vers la gauche par rapport au bloc arabe.

    Carte montrant la configuration tectonique, avec la plaque arabe imprimant une poussée vers le nord et éjectant le bloc anatolien vers l'ouest. Ce mouvement est à l'origine de deux grands systèmes de failles : la faille nord-anatolienne et la faille est-anatolienne. C'est sur cette dernière, tout à l'ouest, qu'a eu lieu le séisme de ce 6 février 2023. On voit également la faille du Levant en orange, qui s'étire du nord au sud et se connecte à la faille est-anatolienne à proximité de l'épicentre. © Mikenorton, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
    Carte montrant la configuration tectonique, avec la plaque arabe imprimant une poussée vers le nord et éjectant le bloc anatolien vers l'ouest. Ce mouvement est à l'origine de deux grands systèmes de failles : la faille nord-anatolienne et la faille est-anatolienne. C'est sur cette dernière, tout à l'ouest, qu'a eu lieu le séisme de ce 6 février 2023. © Mikenorton, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Or, si la poussée tectonique est continue, le déplacement le long de la faille, lui, n'est qu'épisodique. Durant de longues périodes, la contrainte s'accumule en effet sur des zones de blocage situées sur la faille. Un séisme a lieu lorsque ces zones verrouillées cèdent brutalement. Plus la contrainte accumulée jusque-là est importante, plus le séisme sera violent. Plusieurs séismes se sont produits ces dernières années sur cette longue faille, mais il faut remonter à 1998 pour retrouver un séisme dans le secteur touché aujourd'hui. Sa magnitude était cependant bien inférieure (6,3). Il s'agirait d'ailleurs du premier séisme de magnitude supérieure à 7 enregistré sur la faille est-anatolienne.