Une étude démontre le lien quantitatif « incontestable » entre les émissions de gaz à effet de serre, la fonte de la banquise et la démographie d'ours polaires. L'objectif est de fournir aux autorités américaines des outils afin de quantifier l'impact des nouveaux projets d'énergies fossiles sur les prochaines générations d'oursons polaires : les deux tiers de l'espèce pourraient en effet disparaître d'ici le milieu du siècle.
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Les ours polairesours polaires symbolisent depuis longtemps déjà les dégâts causés par le changement climatique, qui fait fondre la banquisebanquise dont dépend leur survie. Mais quantifier l'impact d'une seule centrale à charboncharbon sur ces emblématiques mammifères n'avait pour le moment jamais été fait. Une nouvelle étude, publiée jeudi dans la revue Science, montre qu'il est désormais possible de calculer le lien direct entre une certaine quantité d'émissionsémissions de gaz à effet de serre, et le nombre de jours sans glace dans les zones habitées par les ours -- ce qui affecte en retour le pourcentage d'ours atteignant l'âge adulte. Grâce à ce degré de précision, les auteurs de cette étude espèrent pouvoir remédier à ce qui est perçu comme une faillefaille de la loi américaine.
Les ours polaires sont en effet classés comme espèce menacée depuis 2008, sous la protection de la loi américaine sur les espèces en voie de disparition. Mais un argumentaire juridique, publié la même année, empêche que cette loi soit utilisée pour évaluer de nouveaux permis de projets d'énergies fossiles à la lumièrelumière de considérations climatiques, et de leur impact sur ces espèces. Rédigé par David Bernhardt, un avocatavocat de l'administration du président républicain George W. Bush, cet argumentaire faisait valoir que la science était incapable de distinguer l'impact d'une source spécifique de gaz à effet de serre, par rapport à l'impact de la globalité des émissions. « Nous avons présenté les informations nécessaires pour casser » cet argumentaire, a déclaré à l'AFP l'un des auteurs de l'étude, Steven Amstrup.

Débloquer la loi pour permettre la survie des oursons
Les ours polaires ont besoin de la banquise pour chasser les phoques, se déplacer ou encore se reproduire. Quand celle-ci fond en été, ils se retirent dans les terresterres ou sur la glace loin des côtes, où ils peuvent rester longtemps sans manger. Ces périodes de jeûne s'allongent à mesure que le réchauffement climatique s'intensifie.
Une étude majeure publiée en 2020 avait été la première à calculer le lien entre les évolutions observées de la banquise à cause du changement climatique et le nombre d'ours polaires. En s'appuyant sur ces travaux, les deux auteurs de cette nouvelle étude ont établi la relation existant entre les émissions de gaz à effet de serre, le nombre de jours de jeûne, ainsi que le taux de survie des petits oursons. Ils ont fait ce calcul pour 15 des 19 sous-populations d'ours polaires, entre 1979 et 2020. Et ont pu en tirer de nombreuses conclusions.
Par exemple, le monde émet actuellement 50 milliards de tonnes de CO2 ou de gaz équivalent dans l'atmosphèreatmosphère annuellement, ce qui selon l'étude réduit de 3 % par an le taux de survie des oursons dans la population d'ours polaires de la mer de Beaufort. Chez les populations en bonne santé, le taux de survie des oursons durant leurs premières années de vie est d'environ 65 %. « Pas besoin d'une grande variation à la baisse pour ne plus avoir assez d'oursons à la génération suivante », fait valoir M. Amstrup.
L'étude fournit en outre aux autorités américaines les outils pour pouvoir quantifier l'impact de nouveaux projets d'énergies fossiles, comme de nouvelles centrales, sur les ours polaires. Et la technique peut également être appliquée rétroactivement pour comprendre l'impact passé d'un projet spécifique.
Le lien incontestable qui casse l'argumentaire juridique
Pour Joel Berger, chercheur spécialisé en préservation de la faunefaune à l'Université d'État du Colorado, cette nouvelle étude établit « un lien quantitatif incontestable entre les émissions [de gaz à effet de serre, ndlr], le déclin de la banquise, la duréedurée du jeûne (...) et la démographie des ours polaires ». Ces travaux pourront avoir des implications allant bien au-delà des ours polaires et être par exemple adaptés à d'autres espèces, comme les coraux ou les cerfs des Keys, estime la co-auteure Cecilia Bitz. « J'espère vraiment que cela va entraîner beaucoup de recherches scientifiques », a-t-elle déclaré à l'AFP, ajoutant être toujours à la recherche de nouvelles collaborations.
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