Selon des chercheurs en géosciences, les structures en fer oxydées rappelant des filaments microbiens fossilisés et qui ont été retrouvées dans des roches plus anciennes que 3,75 milliards d'années au Québec seraient bien des preuves de l'existence de formes vivantes déjà diversifiées dans le passé de la Terre primitive. Si ce sont bel et bien des microfossiles, certains pourraient avoir plus de 4 milliards d'années, pointant vers une apparition et une évolution précoces et rapides de la vie sur Terre.


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    Au début du XXe siècle, on avait des raisons de penser que les planètes et, en fait, les systèmes planétaires devaient être des raretés dans le cosmos observable. Nous savons maintenant qu'ils sont quasiment inévitables autour des étoiles de la séquence principaleétoiles de la séquence principale. Que penser de l'apparition de la Vie sur Terre ? un énorme coup de chance avec une évolution très lente ou au contraire un processus tout aussi inévitable et très rapide, non seulement peut-être au début de l'Archéen il y a 4 milliards d'années, mais déjà seulement quelques centaines de millions d'années après la naissance de notre Planète bleuePlanète bleue pendant l'Hadéen ?

    Une vue d'un affleurement de la ceinture supracrustale du Nuvvuagittuq (<em>Nuvvuagittuq Supracrustal Belt</em> ou NSB en Anglais) situé au Québec photographiée par Dominic Papineau. Localisée sur la rive est de la baie d'Hudson, à 40 km au sud-est de Inukjuak, au Québec, cette formation rocheuse composée de roches volcaniques métamorphisées mafiques et ultramafiques associées à des roches sédimentaires est l’une des plus anciennes connues sur Terre. © Dominic Papineau
    Une vue d'un affleurement de la ceinture supracrustale du Nuvvuagittuq (Nuvvuagittuq Supracrustal Belt ou NSB en Anglais) situé au Québec photographiée par Dominic Papineau. Localisée sur la rive est de la baie d'Hudson, à 40 km au sud-est de Inukjuak, au Québec, cette formation rocheuse composée de roches volcaniques métamorphisées mafiques et ultramafiques associées à des roches sédimentaires est l’une des plus anciennes connues sur Terre. © Dominic Papineau

    En 2017, une équipe parmi laquelle se trouvait déjà Dominic Papineau, actuellement en poste au Centre for Planetary Sciences de l'UCL London Centre for Nanotechnology, avait fait une annonce spectaculaire. Futura en avait parlé dans un article que nous reprenons ci-dessous et elle était basée sur une publication dans le célèbre journal Nature.

    Les chercheurs en géosciences avaient étudié des roches en provenance de la ceinture supracrustale du Nuvvuagittuq (Nuvvuagittuq Supracrustal Belt ou NSB en Anglais) situé au Québec. Les roches avaient été collectées en 2008 par Dominic Papineau. La NSB est aussi désignée comme étant la Ceinture de roches vertes de Nuvvuagittuq. Située sur la rive est de la baie d'Hudson, à 40 km au sud-est de Inukjuak, au Québec, cette formation rocheuse composée de roches volcaniques métamorphisées mafiques et ultramafiques associées à des roches sédimentaires est l'une des plus anciennes connues sur Terre.


    Une présentation de la découverte de possibles microfossiles âgés de 3,75 milliards d'années au moins. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © UCLTV

    On estime que l'on y trouve des roches dont les âges pourraient être compris entre 3,75 et 4,28 milliards d'années. Or, selon Dominic Papineau et ses collègues en 2017, certaines de ces roches contiennent aussi des structures et des composés chimiques qui laissent sérieusement penser qu'il s'agit de microfossilesmicrofossiles. Si tel est bien le cas, de la vie existait déjà il y a 3,75 milliards d'années au moins sur Terre et elle serait même apparue il y a 4 milliards d'années, évoluant rapidement pour donner les microfossiles divers que l'on semble observer dans les roches de la NSB.

    Cela contredit le paradigme courant qui considère que la vie n'a pu apparaitre qu'au début de l'Archéen et qu'elle n'avait pas eu alors le temps de beaucoup évoluer pour donner des formes déjà diverses.

    Des structures biogéniques ou abiogéniques ?

    Bien sûr, cela fait des décennies que des microfossiles potentiels sont trouvés dans des roches similaires à celles de la NSB témoignant d'un environnement similaire à celui des sources hydrothermales des océans actuels, environnement où l'on pense d'ailleurs que la vie est apparue en exploitant la chimiosynthèsechimiosynthèse, bien avant de découvrir la photosynthèsephotosynthèse et ensuite l'utilisation de l'oxygène.

    De sérieux doutes ont toujours été avancés sur l'origine biologique de ces microfossiles ou des traces chimiques associées (voir les explications de Hervé Martin ci-dessous), et ceux de la NSB du Québec n'ont pas échappé à la règle. Mais, aujourd'hui, Dominic Papineau et ses collègues reviennent sur le sujet avec de nouveaux arguments pour tenter de convaincre les sceptiques comme on peut le lire avec une publication dans Science Advances.


    Vous avez déjà vu des fossiles de dinosaures... Difficile de douter de leur existence ou d'imaginer qu'ils auraient pu être produits de façon abiotique ! Mais quels genres de traces ont laissé les bactéries présentes sur Terre il y a plus de 3,5 milliards d'années ? Comment trouver les plus anciennes traces de vie sur Terre ? Avec Hervé Martin, géologue hélas décédé, explications en 10 min. © Société Française d'Exobiologie

    Il s'agissait de tenter de démontrer que les structures filamenteuses déjà observées -- faisant penser à des populations de micro-organismesmicro-organismes déjà diversifiées par une évolution étonnamment rapide il y a plus de 3,75 milliards d'années -- n'étaient pas des produits abiogéniques, comme par exemple des dépôts d'infiltration d'eaux riches en ferfer chauffées par le magmamagma dans des roches anciennes mais ultérieurement à leur formation.

    Les structures observées sont en effet faites d'hématitehématite, une forme d'oxyde de fer ou de rouillerouille, et enfermées dans du quartzquartz. Leur étude a été renouvelée en taillant de nouvelles sections à peu près aussi épaisses que du papier (100 micronsmicrons) dans les roches récoltées en 2008. Il était alors plus facile de faire des comparaisons avec ce que l'on peut observer avec des bactériesbactéries oxydant le fer situées à proximité des systèmes de ventilationventilation hydrothermale aujourd'hui.

    Comme l'explique le communiqué de l'UCL accompagnant la publication de l'article de Dominic Papineau et ses collègues, ces chercheurs ont alors clairement pu montrer que l'on était en présence de formes vraiment équivalentes aux filaments torsadés, aux structures ramifiées parallèles et aux sphères déformées trouvées dans les roches des sources hydrothermalessources hydrothermales actuelles, par exemple près du volcan sous-marinvolcan sous-marin Loihi près d'Hawaï.

    Des techniques d'observations utilisant notamment des rayons Xrayons X et des traitements d'images savants avec de puissants ordinateursordinateurs ont permis de confirmer que les filaments d'hématite étaient ondulés et tordus, et contenaient du carbonecarbone organique, des caractéristiques partagées avec les microbes mangeurs de fer modernes comme l'explique toujours le communiqué de l'UCL.

    De toutes ces données, les chercheurs en ont déduit que, selon eux, les structures d'hématite ne pouvaient pas avoir été créées par la compression et le chauffage des roches bien plus tard, avec un métamorphismemétamorphisme qui aurait opéré au cours des milliards d'années après la fin de l'Hadéen.


    Par Hervé Cottin, astrochimiste, professeur des universités, Lisa, Université Paris Est Créteil/Université de Paris/CNRS Découvrez le site https://astrobioeducation.org/fr/ Sommes-nous seuls dans l’Univers ? Vous vous êtes peut-être déjà posé la question... On peut trouver des réponses dans les films, la littérature ou les bandes dessinées de science-fiction et notre imaginaire est peuplé de créatures extraterrestres ! Mais que dit la science à ce sujet ? Le site AstrobioEducation vous propose de partir à la découverte de l’exobiologie, une science interdisciplinaire qui a pour objet l’étude de l’origine de la vie et sa recherche ailleurs dans l’univers. À travers un parcours pédagogique divisé en 12 étapes, des chercheurs et chercheuses de différentes disciplines vous aideront à comprendre comment la science s’emploie à répondre aux fascinantes questions des origines de la vie et de sa recherche ailleurs que sur la Terre. © Société Française d'Exobiologie

    Origine de la vie : les plus vieux fossiles peut-être trouvés au Québec

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 02/03/2017

    Depuis des décennies, les géologuesgéologues ont découvert des structures intrigantes qui laissent penser qu'il s'agirait de microfossiles âgés de plus de 3,5 milliards d'années. Pourtant, ces découvertes sont souvent contestées. La dernière en date battrait tous les records : les microfossiles supposés ont été trouvés au Québec, dans des roches âgées d'au moins 3,77 milliards d'années.

    Les archives géologiques de la Terre se font de plus en plus rares et de plus en plus difficiles à déchiffrer lorsque l'on remonte dans le temps de l'Archéen, vers l'Hadéen. Il est donc particulièrement délicat de déterminer de quand date l'apparition de la vie sur Terre.

    Toutefois, en 2008, des chercheurs ont fait une annonce surprenante. Selon eux, ils avaient démontré que des roches présentes le long de la côte de la baie d'Hudson, dans le nord du Québec -- dans une région appelée « Ceinture de roches vertes du Nuvvuagittuq » (Nuvvuagittuq Supracrustal Belt, en anglais, ou NSB) --, s'étaient mises en place il y a environ 4,3 milliards d'années, soit quelques centaines de millions d'années seulement après la formation de la Terre.

    Or, voilà qu'une équipe internationale de chercheurs en géosciences vient de publier un article dans Nature annonçant la découverte de traces de formes de vie, dans des roches de la même région du Québec, qui seraient âgées d'au moins 3,77 milliards d'années, et peut-être plus : jusqu'à 4,3 milliards d'années. Si tel est bien le cas, il s'agirait des plus anciennes preuves de l'existence d'organismes vivants sur Terre connues à ce jour.

    Les sources hydrothermales à l'origine de la vie ?

    En l'occurrence, les chercheurs pensent avoir découvert des microfossiles, c'est-à-dire des restes fossilisés de micro-organismes. Précédemment, le record était détenu par des restes similaires trouvés en Australie-Occidentale avec un âge estimé à 3,46 milliards d'années (voir aussi l'article ci-dessous à propos de la découverte possible de restes fossilisés de stromatolitesstromatolites construits par des cyanobactériescyanobactéries il y a 3,7 milliards d'années). Les supposés microfossiles du Nuvvuagittuq se présentent sous la forme de tubes et de filaments en hématite (un minéralminéral à base d'oxyde de fer) retrouvés à l'intérieur de couches constituées de quartz.

    Si elle se confirmait, cette découverte serait intéressante à plus d'un titre :

    • Déjà, il faut savoir que la Ceinture de roches vertes du Nuvvuagittuq contient des dépôts sédimentaires et d'autres roches laissant penser qu'elle se serait formée dans une zone volcanique analogue à celle où, de nos jours, on observe des sources chaudessources chaudes hydrothermales. Cela ne peut donc que renforcer dans leur croyance ceux qui pensent que la vie est apparue dans ces sources chaudes.
    • Enfin, des microfossiles âgés d'au moins 3,77 milliards d'années, et peut-être de quelques centaines de millions d'années de plus, laissent penser que la vie est apparue très vite sur Terre.
    • En bonus, on peut penser également que tout ceci apporte de l'eau au moulin de ceux qui pensent que la vie a pu apparaître très vite sur Mars, alors que des conditions similaires y régnaient et qu'il y avait d'abondantes étendues d'eau liquide et un volcanismevolcanisme actif.

    Des bactéries ou des structures minérales ?

    La prudence s'impose néanmoins. Ce n'est pas la première fois que des structures faisant penser à des restes de filaments constitués de cellules fossilisées sont découvertes. Dans plusieurs cas, on s'est rendu compte par la suite que ces structures pouvaient avoir été créées par des processus abiotiquesabiotiques. C'est arrivé avec des soi-disant microfossiles découverts en Australie.

    Les chercheurs en sont bien conscients. C'est pourquoi ils ont fourni plusieurs arguments soutenant la thèse qu'il s'agit bien de microfossiles, et non pas de concentrations en hématite produites par des changements de pressionpression et de température que les roches les contenants auraient subis.

    Ces arguments sont les suivants :

    • En premier lieu, les tubes et filaments ont des caractéristiques au niveau des divisions qui sont similaires à celles des tubes et filaments formés par des bactéries pratiquant la chimiotrophie à partir de l'oxydationoxydation du fer et que l'on trouve de nos jours au voisinage des évents hydrothermaux.
    • Enfin, on trouve du graphitegraphite et des minérauxminéraux carbonatés et phosphatés, également associés à des formes vivantes et à leurs restes fossilisés.

    Gageons tout au moins que les recherches vont se multiplier au Nuvvuagittuq, en particulier celles menées par des exobiologistes intéressés par les environnement martiens.