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    La couleur est l'objet de nombreuses recherches. Découvrez ici quelques exemples de travaux.

    Une recherche pionnière : l'analyse des teintures des textiles anciens

    L'analyse systématique des colorants présents sur les textiles anciens de différentes époques et civilisations est une voie de recherche des plus prometteuses, qui implique des collaborations pluridisciplinaires entre historienshistoriens, biochimistesbiochimistes et chimistes spécialisés dans les différentes techniques d'analyses des colorants.

    La recherche et l'étude de recettes anciennes de teinture permettent d'identifier les sources de colorants utilisées préférentiellement à certaines époques et dans certaines régions du monde.

    Pigments de différentes couleurs. © Dan Brady, CC BY-NC 2.0
    Pigments de différentes couleurs. © Dan Brady, CC BY-NC 2.0

    L'archéologie expérimentale, supposant de bonnes connaissances naturalistes, consiste à récolter une grande diversité de plantes et d'animaux tinctoriaux pour reproduire les recettes anciennes et produire des échantillons de teinture de référence. Aux biochimistes revient l'étude de la composition chimique de ces sources biologiques de teintures et l'identification des composants qui se fixent sur les fibres textiles.

    Actuellement, les techniques chromatographiques (chromatographie liquide haute performance) et spectrométriques sont très employées. Le prélèvement d'échantillons (fragments de fils de quelques milligrammes) est encore indispensable.

    En France, le Laboratoire de recherche des monuments historiques (Champs-sur-Marne) est le seul laboratoire qui effectue couramment des analyses de colorants sur les textiles anciens. De nouvelles techniques d'analyse non destructives sont en cours d'élaboration avec l'espoir d'opérer " in situ " sans déplacement des documents.

    Marchands de colorants à Venise. © DR
    Marchands de colorants à Venise. © DR

    Couleurs et matériaux à effets visuels

    Promouvoir une approche pluridisciplinaire des phénomènes liés à la couleur dans les matériaux et aux effets visuels associés, en mettant en synergiesynergie ses différents acteurs dans les sciences humaines, les sciences du vivant, les sciences de l'univers, la chimie, la physiquephysique et l'industrie.

    Couleur de l’Égypte. © DR
    Couleur de l’Égypte. © DR

    Identifier les enjeux au plan de la recherche fondamentale et au plan des applicationsapplications industrielles et artistiques. Mettre en chantier des actions pluridisciplinaires pertinentes pour tenter de répondre à certains de ces enjeux.

    Proposer un renouvellement et une dynamisation de l'enseignement dans une vision pluridisciplinaire, mieux orientée vers la modélisationmodélisation et la réalisation des effets nouveaux actuellement recherchés.

    Les matériaux pour la couleur

    L'École de Printemps de Roussillon en Provence est reconnue par le CNRS comme École thématique interdisciplinaire sur la couleur des matériaux.

    Outre le CNRS, cette École de printemps est organisée par le Conservatoire des ocresocres et pigmentspigments appliqués (ôkhra), le GDR couleur et matériaux à effets visuels, l'Institut des Nanosciences de Paris (INSP), le Centre de Recherche et de Restauration des musées de France (C2RMF) et le Centre Français de la Couleur (CFCCFC).

    Couleurs de l’Egypte ancienne. © DR
    Couleurs de l’Egypte ancienne. © DR

    En 2008, l'École a consacré une place importante au renouvellement de la science des matériaux de la couleur, aux frontières de la chimie, de la physique et de la biologie, aux matériaux bio-inspirés et à leurs applications potentielles.
    Ce programme prend la suite d'une succession de thèmes des écoles de printemps à Roussillon : « matièrematière, lumièrelumière, perception » (2000), « aspects physiques : pigments » (2001), « aspects chimiques : colorants » (2002), « le métal » (2003), « les oxydes et composés métalliques » (2004), « couleur langage cognitioncognition » (2005), « lumière et couleur des matériaux » (2006).

    www.okhra.com ou www.cf-couleur.fr

    Sulfate cuivre. © DR
    Sulfate cuivre. © DR

    Retrouver le lustre des céramiques de Bagdad

    Philippe Colomban, chimiste au CNRS, est spécialiste des céramiquescéramiques. Il est aussi directeur du Laboratoire de dynamique, interactions et réactivité (LADIR : CNRS et université Pierre et Marie CurieMarie Curie Paris VI) (ci-dessous, un article du CNRS modifié et abrégé). Il étudie leurs propriétés physico-chimiques. Dans la Revue de la céramique et du verre il livre une synthèse sur la technique du lustre polychrome, inventée par les potiers de Bagdad et perdue.

    On peut considérer le lustre abbasside créé au IXe siècle comme l'invention du premier dispositif nano-optique. Un lustre monochrome a un seul reflet métallique : or, rouge, bleu ou argentargent. Le phénomène existe à l'état naturel sur les opalesopales et chez certains papillons. Polychromes, les couleurs d'un lustre peuvent passer d'une couleur à l'autre selon l'angle d'observation. Cette invention permet d'utiliser des objets qui ont l'aspect de l'or ou de l'argent, sans transgresser les préceptes islamiques. La technique s'est répandue jusqu'en Europe au XVIè siècle, mais en perdant l'aspect polychrome. C'est par la lumière réfléchielumière réfléchie que l'essentiel du monde extérieur nous est visible.

    Le lustre céramique a la particularité de renvoyer la couleur selon un troisième phénomène optique : la diffractiondiffraction. Des nanobilles forment un réseau qui disperse ou diffracte la lumière, comme un prisme. Le rangement en lignes ou en réseaux oriente la réflexion, dite alors spéculaire.

    Le lustre, un réseau de nano-précipités métallique. L'émailémail, un verre transparenttransparent, apparaît coloré car il contient :

    • des particules métalliques (les nanobilles d'argent et de cuivrecuivre) de quelques nanomètresnanomètres, c'est à dire de taille comparable aux longueurs d'ondeslongueurs d'ondes de la lumière ;
    • des ionsions chromophoreschromophores qui absorbent certaines longueurs d'ondes et réfléchissent la coloration non absorbée.
    Céramique lustrée - Étoile au chameau, Iran, fin XIIIe, céramique siliceuse à décor de lustre métallique et peint sous glaçure, musée du Louvre. © DR
    Céramique lustrée - Étoile au chameau, Iran, fin XIIIe, céramique siliceuse à décor de lustre métallique et peint sous glaçure, musée du Louvre. © DR

    Dans la réalisation d'un émail lustré, composition, température et conditions de cuisson doivent contrôlés pour obtenir des précipités métalliques. La présence d'étainétain est importante pour imposer l'équilibre électrochimique nécessaire à la formation de ces précipités de cuivre et d'argent.

    En couche mince, des dispersions de nanobilles métalliques (argent, cuivre, alliagesalliages magnétiques...) dans un verre diélectriquediélectrique absorbent sélectivement la lumière. Elles permettent une sélection du signal ou un filtrage optique, protégeant ainsi de certaines longueurs d'ondes (laserlaser, radar par exemple). Le principe pour les lustres de Bagdad est le même, avec pour seul objectif de sélectionner une couleur. La connaissance des matériaux du passé (musées, identification des pièces, restauration) sert également les matériaux du futur !

    Céramique lustrée - Plat à la gazelle, Égypte, XIe siècle, Céramique à décor lustré, Le Caire, Musée d'art islamique. © DR
    Céramique lustrée - Plat à la gazelle, Égypte, XIe siècle, Céramique à décor lustré, Le Caire, Musée d'art islamique. © DR

    La technique du lustre

    Pour le lustre, une troisième cuisson à une température encore plus basse (600 °C) en milieu réducteur est nécessaire. Sur la pièce cuite et émaillée, une pâte (sels métalliques, vinaigre et lies de vin) est déposée et provoque une réaction avec l'émail, une diffusiondiffusion et une précipitation des nanobilles métalliques, et en fin de cuisson une combustioncombustion en surface. Cette nouvelle chaleurchaleur modifie ces précipités. Après cuisson, l'objet est lavé à l'eau. La pâte se détache et le décor porteporte des reflets métalliques. C'est la présence de plombplomb qui permet la fusionfusion de l'émail à aussi basse température. Contrairement à une idée reçue, l'atmosphèreatmosphère de cuisson n'est pas forcément déterminante car la composition du matériaumatériau impose la couleur. C'est l'analyse par spectroscopie Ramanspectroscopie Raman de la composition des émaux qui a permis de reconstituer la température de cuisson.
    http://www.ladir.cnrs.fr/activite.htm#ceramique : sur le site vous trouvez des indications sur les nombreuses recherches du département concernant, entre autres, la céramique.

    [1] Le dossier présenté par la Revue de la céramique et du verre (n° 139) a été établi en collaboration avec le nouveau département Islam du Louvre, le musée national de Céramique à Sèvres, le musée national du Moyen-âge-Cluny, l'aide de la manufacture nationale de céramique à Sèvres, du Centre de recherche sur la Physique des Archéomatériaux (CNRS et université Michel de Montaigne - Bordeaux 3) et d'équipes espagnole et américaine.

    Couleurs et gemmes

    Les impuretés qui sont responsables de la couleur sont des ions qui absorbent la lumière dans le domaine visible. Ils sont peu nombreux et appartiennent principalement à la famille des métauxmétaux de transition : vanadiumvanadium (V), titanetitane (Ti), chromechrome (Cr), manganèsemanganèse (Mn), ferfer (Fe), cobaltcobalt (Co), nickelnickel (Ni), cuivre (Cu). Le plomb et les lanthanideslanthanides (terres raresterres rares) peuvent également être impliqués.

    Tanzanite. © DR
    Tanzanite. © DR

    Dans des cas plus rares, l'ion n'est pas métallique : l'ion S32- par exemple est responsable de la couleur bleue de la lazurite, le constituant principal du lapis-lazuli. Vous pouvez vous reporter au dossier sur la croissance des minéraux dans lequel il est aussi question de couleur.