Une peau caméléon, un écran qui s’autorépare ou un pansement qui soigne les infections : certains matériaux possèdent des capacités étonnantes et pourraient bouleverser nos vies.


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    À l'inverse des êtres vivants, capables de se reproduire et de constituer sa propre matièrematière, les matériaux sont considérés comme inertes et immuables. Or, c'est loin d'être toujours le cas ! Ces dernières années se sont multipliés les matériaux « intelligents », capables de modifier leur comportement en fonction de leur environnement, d'effectuer une action ou de traiter et stocker de l'information. Voici quelques exemples assez incroyables des prouesses de ces matériaux intelligents.

    Une nappe qui reconnaît ce qui est posé sur une table

    Imaginez une nappe qui vous suggère une recette de gratin dauphinois lorsque vous posez des pommes de terrepommes de terre et du fromage dessus. Ou encore qui vous prévient si vous oubliez vos écouteurs posés dessus. Ce rêve est peut-être à portée de main, grâce à un tissu appelé Capacitivo et développé par MicrosoftMicrosoft. Ce dernier contient une grille de capteurscapteurs intégrés au tissu capables de différencier de nombreux objets, comme la nourriture, la vaisselle, ou même de distinguer des liquidesliquides dans un verre, comme de l'eau chaude, de l'eau froide, du cola ou du lait. Encore plus incroyable : des chercheurs de l'université de Passau ont conçu un prototype de chemise intelligente qui détecte ce que vous mangez et buvez et en quelle quantité, grâce à des capteurs placés dans le col qui scrutent les muscles de votre cou pour observer votre déglutition. Un moyen de surveiller son alimentation et son niveau d'hydratationhydratation, défendent les chercheurs.

    Le tissu intelligent développé par Microsoft reconnaît les objets qui sont posés dessus. © Microsoft
    Le tissu intelligent développé par Microsoft reconnaît les objets qui sont posés dessus. © Microsoft

    Un écran qui s’autorépare

    Réparer un écran de téléphone, ça coûte cher ! Alors s'il pouvait se réparer lui-même, ce serait bien pratique. Plusieurs fabricants travaillent sur des polymères à mémoire de forme, capables de « cicatriser » les rayures et les éraflures peu profondes après une chute. Une équipe de l'université de Californie a par exemple développé un polymèrepolymère additionné d'un sel ionique, où les liaisons chimiquesliaisons chimiques forment une interaction ionion-dipôle, un type de liaison plus faible et plus dynamique que les saisonssaisons covalentes. Les chercheurs ont ainsi réussi à étirer le matériaumatériau jusqu'à 50 fois sa taille habituelle, et ce dernier s'est automatiquement recollé en une journée après avoir été déchiré. Contrairement aux autres polymères testés, il conduit le courant, ce qui permet de l'utiliser pour un écran de téléphone. Une autre équipe de l’Institut indien d’éducation et de recherche scientifique (IISER) a également mis au point un matériau organique hyper dur contenant des cristaux piézoélectriquespiézoélectriques qui se répare spontanément quand il est endommagé.

    L’université de Berkeley, en Californie, a mis au point un matériau conducteur, flexible et auto-réparant qui pourrait servir à améliorer les batteries, les appareils électroniques ou les robots. © UC Riverside
    L’université de Berkeley, en Californie, a mis au point un matériau conducteur, flexible et auto-réparant qui pourrait servir à améliorer les batteries, les appareils électroniques ou les robots. © UC Riverside

    Un revêtement caméléon qui change de couleur quand on l’étire

    Les chercheurs se sont inspirés de la nature pour mettre au point une « peau caméléon » dont la couleurcouleur varie selon qu'elle est pliée ou étirée. Certaines espècesespèces de papillons ou des coléoptèrescoléoptères possèdent ainsi des écailles imbriquées les unes sous les autres, qui réfléchissent la lumièrelumière différemment suivant l'angle où elle arrive. Pour reproduire cet effet, l'équipe de l'université californienne de Berkeley, aux États-Unis, a gravé des rangées de crêtes sur un film en siliciumsilicium 1.000 fois plus fin qu'un cheveu. Lorsque le motif, appliqué sur une membrane en siliconesilicone, est étiré ou plié, la longueur d'ondelongueur d'onde est modifiée et on perçoit une couleur différente. Ce type de matériau pourrait ainsi servir de camouflage, pour des applicationsapplications militaires ou comme décorationdécoration. En 2017, une autre équipe de la société canadienne Hyperstealth Biotechnology a développé une véritable « cape d’invisibilité » qui courbe la lumière de telle sorte que seul l'arrière-plan reste visible.

    La peau caméléon change de couleur lorsqu’elle est pliée ou étirée. © The Optical Society
    La peau caméléon change de couleur lorsqu’elle est pliée ou étirée. © The Optical Society

    Un pansement connecté qui détecte et soigne les infections

    Spécialiste du textile intelligent, la startup Spinali Design a présenté en janvier 2019 un pansement qui émet un signal lumineux en présence de bactériesbactéries pathogènespathogènes. Ce pansement intègre aussi un film biochimique qui favorise la production par les agents pathogènes d'agents antimicrobiens qui vont le tuer. D'autres chercheurs chinois ont eux aussi développé un pansement qui change de couleur en fonction du pH, ce dernier devenant plus acideacide lors d'une activité bactérienne. Ce genre de dispositif est décisif dans certaines pathologiespathologies, comme chez les grands brûlés ou les patients diabétiquesdiabétiques, dont les plaies peuvent rapidement s'infecter. Certains pansements intelligents vont encore plus loin. Des chercheurs du MIT ont ainsi mis au point un film en hydrogelhydrogel flexible et étirable qui délivre des médicaments et s'allume en fonction de la température de la peau. Un pansement biocompatible qui pourrait être appliqué non seulement sur la peau externe, mais aussi sur des organes à l'intérieur du corps.

    Le pansement en hydrogel mis au point par le MIT encapsule des composants électroniques tels que des lumières LED et des capteurs de température. © Melanie Gonick, MIT
    Le pansement en hydrogel mis au point par le MIT encapsule des composants électroniques tels que des lumières LED et des capteurs de température. © Melanie Gonick, MIT

    Un hydrogel imprimable en 3D qui change de forme à la lumière

    Des ingénieurs de l'université Rutgers, au New Jersey, se sont inspirés de la peau des pieuvres pour créer un matériau imprimable en 3D, capable de changer de forme lorsqu'il est exposé à la lumière. Les poulpespoulpes et les calmarscalmars ont en effet dans leur peau des cellules appelées chromatophoreschromatophores, qui contiennent des pigments qui absorbent ou diffractent la lumière. En se déformant, ces chromatophores modifient la répartition des pigments, ce qui leur permet de se camoufler ou de changer de couleur. Les chercheurs ont conçu un hydrogel composé de nanoparticules de polydopamine et d'acide acrylique imitant cette structure et imprimable en 3D. Ils ont ainsi créé un « muscle artificiel » qui se contracte ou se rétracte en fonction de la luminosité. Cette invention pourrait trouver des applications dans le camouflage militaire, des écrans souples ou des robots mous.

    Cet hydrogel inspiré des pieuvres change de forme en réponse à un stimulus extérieur (lumière). © NOAA Okeanos Explorer Program
    Cet hydrogel inspiré des pieuvres change de forme en réponse à un stimulus extérieur (lumière). © NOAA Okeanos Explorer Program

    Un matériau qui stocke l’électricité pendant plusieurs mois

    Pour stocker l'électricité, on utilise aujourd'hui principalement des batteries au lithiumlithium, polluantes et coûteuses. Certains matériaux sont pourtant capables de stocker naturellement l'énergieénergie grâce à leur structure nanoporeuse. Des chercheurs de l’université de Lancaster, au Royaume-Uni, ont ainsi mis au point un MOF (metal-organic framework) ou réseau métallo-organique, chargé en moléculesmolécules d'azobenzène. L'azobenzène est connu pour absorber la lumière et changer de forme en conséquence. Ainsi, lorsque le matériau est exposé au soleilsoleil durant l'été, il se « tend » un peu, à la manière d'un ressort, et emmagasine ainsi l'énergie potentielleénergie potentielle pendant des mois. En cas de besoin, en hiverhiver par exemple, l'énergie est libérée brutalement quand on chauffe le matériau, comme un ressort qui se relâche. Ce matériau pourrait être appliqué sur des maisons ou des bureaux en complément au chauffage classique, ou pour fabriquer des pare-brises autodégivrants.

    Un MOF, réseau métallo-organique, est un matériau très poreux. © CSIRO
    Un MOF, réseau métallo-organique, est un matériau très poreux. © CSIRO