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Les modèles actuels de la structure interne des planètes géantes de notre Système solaire sont des héritiers de ceux proposés par l'astrophysicienastrophysicien américain d'origine allemande Rupert Wildt durant les années 1940 et 1950. Il faut cependant préciser ces modèles grâce à des expériences relevant de la physique des hautes pressions et à des simulations numériquessimulations numériques savantes sur ordinateurordinateur. Ces modèles se nourrissent aussi de travaux purement théoriques. Ainsi, au début des années 1980 (voir l'article ci-dessous), des chercheurs états-uniens sont arrivés à la conclusion que les noyaux des planètes géantes, en particulier ceux de NeptuneNeptune et d'UranusUranus, pouvaient contenir des quantités colossales de diamants sous forme solidesolide. L'enjeu est à présent de tester cette prédiction en laboratoire, sur Terre, à l'aide d'expériences faisant intervenir des matériaux comprimés à très hautes pressions grâce à des faisceaux laser.
L'une des dernières expériences en la matièrematière a été conduite à l'aide d'un laserlaser émettant dans le visible et de l'instrument Matter in Extreme Conditions (MEC), associé au laser à électrons libreslaser à électrons libres du SLACSLAC, le Linac Coherent Light Source (LCLS). L'objectif était de créer des pressions intenses grâce à des ondes de choc provoquées par l'impact des impulsions laser sur un matériaumatériau plastiqueplastique, en l'occurrence du polystyrènepolystyrène (celui-ci est constitué d'un mélange d'atomesatomes d'hydrogènehydrogène et de carbonecarbone qui se trouve en très grandes quantités dans les planètes géantes, notamment sous forme de méthane).

Une vue de l'intérieur du MEC, au SLAC, à Stanford, en Californie. © SLAC National Accelerator Laboratory
Des pluies de diamants pesant des millions de carats
L'objectif des chercheurs états-uniens et allemands du Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf n'était pas simplement de reproduire les conditions de pression et de température régnant à l'intérieur des planètes géantes, mais aussi de recréer les réactions chimiquesréactions chimiques qui s'y produisent. Mieux, ils ont voulu observer en direct ces réactions. C'est pourquoi, parallèlement à la formation et la propagation des ondes de choc dans le plastique, ce dernier a été soumis à des impulsions laser dans le domaine des rayons Xrayons X durant quelques femtosecondesfemtosecondes. Cela a permis aux physiciensphysiciens de mettre en pratique une technique de diffractiondiffraction des rayons X, dite « femtoseconde », qui permet, en quelque sorte, de prendre des instantanés des réactions produites. Cela leur a permis d'établir que des nanodiamants se forment bel et bien, mais aussi de déterminer leur taille et de les voir croître au cours du temps.
Comme les chercheurs l'expliquent dans un article publié dans Nature, les résultats obtenus sont la première observation sans ambiguïté de la formation à hautes pressions de diamants dans un environnement avec des conditions similaires à celles régnant à l'intérieur de la planète Neptune (des pressions de 150 gigapascals environ et des températures de l'ordre de 5.000 kelvinskelvins), et ce en accord avec les prédictions théoriques.
Le saviez-vous ?
En joaillerie, le carat est une unité de masse utilisée pour les gemmes. Il est égal à 200 mg, soit 5 carats pour 1 gramme. Il ne doit pas être confondu avec le carat des bijoutiers, qui, lui, désigne la pureté d'un métal précieux, comme l'or par exemple.
Les diamants synthétisés durant ces expériences sont de taille nanométrique. Toutefois, tout indique qu'à l'intérieur de planètes géantes comme Uranus et Neptune, les diamants formés sont en réalité beaucoup plus grands, pouvant atteindre des poids de plusieurs millions de caratscarats. Au cours de milliers d'années, ces diamants doivent s'enfoncer lentement dans les couches de glace entourant le cœur rocheux des planètes géantes. Au final, de véritables couches de diamants doivent très probablement se former autour du cœur de ces géantes, à partir de pluies de diamants se formant à 10.000 kilomètres sous la surface d'Uranus et de Neptune.
Ces expériences ne sont pas simplement intéressantes du point de vue des matériaux à hautes pressions et de l'astrophysiqueastrophysique, qu'il s'agisse des planètes géantes du Système solaire ou des exoplanètesexoplanètes qui leur ressemblent et qui sont situées ailleurs dans la Voie lactéeVoie lactée. En effet, cette technique de synthèse de nanodiamants pourrait avoir des applicationsapplications technologiques intéressantes dans le domaine de la médecine ou de l'électronique ; de tels nanodiamants sont aujourd'hui produits à l'aide d'explosion et ils sont commercialisés. Une voie de synthèse à l'aide de laser pourrait ainsi offrir des perspectives plus intéressantes en termes de coût. Ce travail pourrait aussi avoir des applications dans le domaine de la fusion contrôlée inertielle, où ce sont des billes de carburant thermonucléaire contenant du deutérium et enrobées dans des couches de plastique qui sont utilisées.
Du diamant fondu à l'intérieur de Neptune ?
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 20/01/2010
Il y a presque trente ans, deux chercheurs montraient que les noyaux des planètes géantes comme Neptune et Uranus pouvaient contenir des quantités colossales de diamants sous forme solide. Des expériences montrent aujourd'hui qu'on peut imaginer des océans de diamant liquideliquide parcourus d'icebergs...
Lorsque les Beatles chantaient Lucy in the Sky with Diamonds, ils ne savaient probablement pas qu'il existait effectivement des nanodiamants flottant dans les espaces interstellaires et que l'on retrouve même dans certaines météoritesmétéorites. En 1981, Marvin Ross a été un des premiers à proposer qu'à l'intérieur des planètes géantes que sont Neptune et Uranus de véritables cœurs en diamant devaient pouvoir se former sous l'action des pressions énormes agissant sur les composés carbonés détectés dans leurs atmosphèresatmosphères.
L'idée avait été reprise et poussée plus loin dans les romans d'Arthur Clarke faisant suite à 2001 : L'Odyssée de l'espace. Après le contact de David Bowman avec le monolithemonolithe noir laissé il y a des millions d'années par une race d'extraterrestres au voisinage de JupiterJupiter, l'esprit de l'astronauteastronaute avait été téléchargé dans un réseau de flux de lumièrelumière intégré à la structure en écumeécume d'un espace-tempsespace-temps à plus de 4 dimensions. Ainsi dématérialisé, le nouveau Bowman se promenait à sa guise dans l'espace et découvrait en effet qu'un cœur en diamant occupait l'intérieur de la planète géante.

La planète Neptune vue par la sonde Voyager 2. © Nasa
L'idée qu'un astreastre puisse avoir un cœur en diamant n'est pas une spéculation de théoricien débridé. On savait par exemple depuis longtemps que le cœur d'une naine blanchenaine blanche composé de carbone devait finir par se cristalliser avec le temps et le refroidissement de l'étoileétoile. Or, en 2004, un groupe d'astrophysiciens étudiant les pulsations d'une naine blanche située à environ 50 années-lumièreannées-lumière dans la constellationconstellation du centaure, BPM 37093, annonçait que les méthodes de l'astérosismologie conduisaient à admettre qu'une fraction importante de la naine blanche avait bel et bien cristallisée sous forme de diamant.
Aujourd'hui, un groupe de chercheurs du Lawrence Livermore National Laboratory a publié dans Nature les résultats d'études portant sur le point de fusionfusion du carbone à hautes pressions. D'ordinaire, une phase liquide du diamant n'est pas observée en laboratoire car celui-ci se transforme alors en graphitegraphite avant que ne débute la fusion. Toutefois, en exerçant des pressions de l'ordre de 40 millions d'atmosphère à l'aide de faisceaux laser, il est possible d'obtenir une transition de phasetransition de phase partant du diamant solide plutôt que du graphite.
À leur surprise, une fois du liquide obtenu et alors que la pression baissait pour atteindre 11 millions d'atmosphères et que la température baissait aussi pour atteindre les 50.000 K, les chercheurs ont observé que non seulement des fragments de diamant solide réapparaissaient mais qu'ils flottaient, tels des icebergs à la surface du liquide.
Neptune et Uranus sont composées d'environ 10 % de carbone et des conditions similaires aux précédentes doivent exister à grandes profondeurs dans ces planètes. Ils pourraient donc s'y trouver d'énormes icebergs en diamant flottant sur du carbone liquide.
Ce qu’il faut
retenir
- Les modèles actuels de l'intérieur d'Uranus et Neptune conduisent à postuler que ces planètes sont composées de trois couches : un noyau rocheux intérieur, une couche intermédiaire de glaces formées d'H2O, de CH4 et de NH3 et une couche externe d'hydrogène-hélium de composition solaire.
- Depuis des décennies, expériences et calculs suggéraient que, dans ces géantes, à plus de 10.000 kilomètres de profondeur, le méthane (CH4) subissait une transformation conduisant à la synthèse de diamants.
- Une démonstration solide de ce phénomène vient d'être apportée en comprimant un polymère à hautes pressions et hautes températures à l'aide d'un laser.