Avec HiCIBaS, des chercheurs canadiens espèrent étudier et imager des exoplanètes à moindre coût en utilisant des ballons stratosphériques. Les essais ont débuté avec le lancement réussi du premier engin.

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    Durant les vingt prochaines années, l'actualité astronomique va sans doute être dominée par les découvertes de l'astronomie gravitationnelle dans le cadre de l'astronomie multimessager et par celles de l'exobiologie avec l'étude des exoplanètes et l'exploration poussée du Système solaire. Ces avancées auront cependant un prix et l'idée de le faire baisser est sans doute bonne alors que nous entrons dans une zone de turbulences économiques et politiques, avec le réchauffement climatiqueréchauffement climatique, la transition énergétiquetransition énergétique et les conséquences de la surpopulation.

    Pourtant, gardons à l'esprit que les connaissances astronomiques sont vitales pour inspirer l'humanité et sa technologie. C'est ce que montre l'histoire, des Bâtisseurs du ciel, tels Kepler et Newton, jusqu'aux programmes ApolloApollo et Voyager.


    HiCIBaS est un télescope installé sur un ballon pouvant voler jusqu'à 40 kilomètres d'altitude. Son principal objectif est de démontrer la possibilité d'utiliser un équipement d'imagerie à contraste élevé à bord d'un ballon stratosphérique. Cette vidéo, réalisée par cinq étudiants en physique de l'université Laval (Québec), nous explique comment ils ont conçu leur système d'imagerie à haut contraste et comment les données recueillies dans la stratosphère pourront servir aux futures missions sur ballons stratosphériques. © FSG ULaval

    Des exoplanètes imagées directement dans deux ans ?

    Futura avait justement rapporté il y a une dizaine de jours le projet HiCIBaS (High-Contrast Imaging Balloon System, voir l'article précédent ci-dessous). Le but est de développer l'étude des exoplanètes avec des instruments embarqués à bord de ballons stratosphériques, bien moins coûteux que les télescopestélescopes spatiaux, tels HubbleHubble et James-Webb. Il s'agit d'un programme financé et supervisé par l'Agence spatiale canadienneAgence spatiale canadienne et développé avec l'aide du Centre national d'études spatiales de France, le Cnes, qui possède une certaine expertise dans le domaine des ballons stratosphériques.

    C'est une équipe canadienne de l'université Laval, au Québec, qui développe ce projet sous la direction du professeur Simon Thibault. Ses progrès peuvent être suivis sur une page FacebookFacebook (Hicibas - Balloon borne mission). Le lancement a finalement eu lieu le 25 août 2018, vers 23 h, heure locale, sur la base de Timmins, en Ontario, soit vers 5 heures du matin le 26 août en heure de France métropolitaine.


    C’est samedi, à Timmins en Ontario, que s’est envolé le ballon stratosphérique sur lequel est installé un télescope pour l’imagerie à haut contraste, conçu par l’équipe du professeur Simon Thibault, de la Faculté des sciences et de génie de l’université Laval. Ce vol de 8 heures, à plus de 40 kilomètres d’altitude, a servi à tester la performance des instruments astronomiques innovants développés pour l’imagerie directe d’exoplanètes. © ULavalTV

    Trois heures plus tard, le ballon contenant 400.000 m3 d'héliumhélium a rejoint l'altitude de 36 km, emportant sa nacelle emplie d'instruments. Son vol a duré 8 heures et s'est déroulé sans encombres notables. L'essai aura permis de tester 75 % des instruments, comme l'explique Simon Thibault dans un communiqué de l’université Laval, où le chercheur rappelle les nombreux défis technologiques que représente cette entreprise. Il s'agit en effet de mettre en œuvre un dispositif d'optique adaptative et un coronographecoronographe pour réaliser une imagerie directe d'exoplanètes. Le pointage doit donc être stabilisé malgré les mouvementsmouvements du ballon, et ce dans des conditions proches de celles de l'espace interplanétaire.

    L'expérience n'est pas terminée pour autant, comme l'a indiqué le professeur Simon Thibault. « Le vol de samedi visait à tester des appareils dans des conditions réelles d'utilisation. L'étape suivante consistera à utiliser un système d'optique adaptative plus performant et un télescope ayant un miroirmiroir deux fois plus grand. C'est le minimum pour espérer imager une exoplanète. Nous espérons y arriver dans deux ans. »

    La mise en perspective des missions avec des ballons stratosphériques. © Agence spatiale canadienne

    La mise en perspective des missions avec des ballons stratosphériques. © Agence spatiale canadienne

    Exoplanètes : le projet HiCIBaS veut les chasser en ballon

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 18/08/2018

    On envoie des ballons dans la stratosphèrestratosphère pour faire de l'astronomie presque comme si on était dans l'espace depuis les années 1950. Avec le projet HiCIBaS, des chercheurs canadiens espèrent étudier et imager des exoplanètes à moindre coût qu'avec des satellites en orbiteorbite.

    L'atmosphèreatmosphère de la Terre est délétère pour la formation des images en astronomie. Il y a d'abord l'influence de la turbulence qui brouille ces images de sorte que le pouvoir de résolutionrésolution théorique d'un télescope ou d'une lunette est systématiquement supérieur à son pouvoir en pratique, avec un écart qui est très loin d'être négligeable. Il existe enfin le problème du contenu en vapeur d'eau de l'atmosphère qui ne permet pas de faire de bonnes observations dans l'infrarougeinfrarouge.

    On peut tenter de contourner ces obstacles de plusieurs façons, tout d'abord en construisant des télescopes dans des lieux où la turbulence de l'airair est minimale ainsi que son contenu en vapeur d'eau. Ceci explique pourquoi les astronomesastronomes vont au sommet de montagnes sur des îles ou encore au pôle Sud où l'air est sec. On peut enfin gagner en résolution avec les techniques modernes d'optique adaptative et de traitement de l'image qui permettent de contrer jusqu'à un certain point les effets de la turbulence.


    Le début de la mission Pilot avec un ballon stratosphérique au Canada lancé depuis l'aéroport de Timmins en Ontario. © Cnes

    Il existe une solution plus radicale, envoyer les télescopes dans l'espace et c'est bien ce que l'on a fait, bien sûr avec Hubble, mais aussi avec Spitzer ou Herschel pour des observations dans l'infrarouge. Mais ces missions coûtent cher et il n'est pas possible de réparer ou d'upgrader les instruments quand ceux-ci se trouvent, par exemple, à un point de Lagrange. Il existe une solution intermédiaire, mise en pratique depuis des décennies : mettre les télescopes sur des ballons stratosphériques montant à des dizaines de kilomètres d'altitude, là où les conditions atmosphériques ne sont guère éloignées de celles du vide spatial.

    Des ballons stratosphériques pour la cosmologie et l'exobiologie

    C'est ainsi qu'à la fin des années 1950, les premiers ballons basés sur ce concept ont commencé par voler (Stratoscope I et II) faisant des observations dans le domaine visible et infrarouge. Dans les années 1970, ce sont les observations dans les domaines X et gamma qui sont arrivées et enfin dans les années 1990, des observations du rayonnement fossilerayonnement fossile avec des missions comme Boomerang, Maxima et Archéops qui permettaient déjà d'avoir des résultats que confirmeront Wmap et PlanckPlanck.

    L'utilisation des ballons stratosphériques est toujours d'actualité et récemment, la France et le Canada se sont par exemple associés pour la mission Pilot. Il s'agissait d'emporter une nacelle scientifique d'une tonne, destinée à étudier le rayonnement polarisé des poussières interstellairespoussières interstellaires de notre GalaxieGalaxie (un apport potentiellement crucial pour la cosmologie), à une altitude de 40 kilomètres dans la stratosphère avec un ballon gonflé d'hélium et pouvant atteindre les 120 mètres de diamètre pour environ de 800.000 m3 dans la stratosphère du fait de la faible pressionpression.

    Mireille Ouellet, étudiante à la maîtrise en physique, apporte quelques ajustements au télescope. © Guillaume Allain, Université Laval

    Mireille Ouellet, étudiante à la maîtrise en physique, apporte quelques ajustements au télescope. © Guillaume Allain, Université Laval

    Un nouvel exemple de la vitalité du concept de l'astronomie avec un ballon stratosphérique est signalé par Franck Marchis, l'astronome bien connu des lecteurs de Futura-sciences pour son étude des volcansvolcans de IoIo mais aussi pour son engagement dans le projet Unistellar. C'est un spécialiste de l'optique adaptative, travaillant également à l'imagerie directe des exoplanètes avec le Gemini Planet Imager (GPI), un instrument délivrant des images à très haut contrastecontraste, conçu et construit pour le télescope Gemini-Sud situé près de La Serena au Chili.

    Dans un article sur le site du Seti Institute, Franck Marchis nous fait faire connaissance avec le projet HiCIBaS, le High Contrast Imaging Balloon System. Derrière lui, il y a l'idée développée par une équipe de chercheurs menée par Simon Thibault, professeur à l'Université Laval au Québec.

    Il s'agit d'explorer le potentiel des ballons stratosphériques pour étudier les exoplanètes et même à terme, faire de l'imagerie directe d'exoterresexoterres à bien moindre coût que des missions spatiales comme Tess. Le ballon utilisé pour le projet est opéré par Centre national d’études spatiales (Cnes).

    Franck Marchis explique ainsi que HiCIBaS, qui devrait s'élancer vers la stratosphère d'ici le 25 août 2018 au plus tard de l'aéroport de Timmins (Ontario) pour un vol de 8 à 35 h, va servir à tester la technologie nécessaire à la poursuite de ce but. Le chercheur précise que : « À une altitude de 40 km, le maximum possible pour les ballons sub-orbitaux, le télescope sera à mi-chemin de la limite de Kármán - la frontière officielle entre l'atmosphère terrestre et l'espace extra-atmosphérique - mais la pression atmosphériquepression atmosphérique est mille fois inférieure à la surface de la Terre, et les niveaux de rayonnement sont très similaires à ceux de l'espace extra-atmosphérique. Certes, ce n'est pas de l'espace, mais pour les appareils électroniques et les instruments hypersensibles, c'est assez proche ! ».