Les sursauts gamma sont des flashs d'énergie associés à des événements cosmiques violents et lointains. Deux types de sursauts avec des explications bien différentes ont été établis par les astrophysiciens. Mais, en 2020, la découverte de l'un d'entre eux a brouillé les cartes.


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    Pendant un certain temps, la communauté astronomique mondiale n'a rien su de l'existence d'énigmatiques et fantastiques flashsflashs de photons gamma découverts à la fin des années 1960 grâce aux satellites militaires Vela. Et pour cause, la découverte de ces gamma-ray bursts (GRB) en anglais, c'est-à-dire des sursauts gamma en français, étaient des sous-produits des activités cachées lancées pendant la guerre froide pour surveiller d'éventuels tests atomiques dans l'atmosphèreatmosphère ou l'espace - en violation des accords passés qui les interdisaient.

    Le secret a finalement été levé, ce qui a permis l'essor de l'astronomie gamma, notamment grâce à la mise en orbite de télescopes dédiés à l'exploration de cette fenêtrefenêtre sur l'Univers observable dans une bande de longueur d'onde du rayonnement électromagnétique. Les astrophysiciensastrophysiciens ont alors mis en évidence deux grands types de GRB avec des propriétés caractéristiques que l'on pouvait indiquer en considérant les sursautssursauts gamma courts, durant moins de deux secondes, et les sursauts gamma longs durant plus longtemps, par exemple quelques minutes.

    Les GRB étaient a priori stupéfiants car lorsque l'on a réussi à associer des distances à ces phénomènes astronomiques, pour être aussi lumineux en gamma ils devaient correspondre à des événements cataclysmiques. Un sursaut gamma court, par exemple, libérait en moins de deux secondes autant d'énergieénergie que notre SoleilSoleil en environ 10 milliards d'années.


    Le film d'animation « La vallée de stabilité », est né d'une volonté des chercheurs de rendre compréhensible au plus grand nombre la physique nucléaire, c'est-à-dire la science qui s'intéresse aux noyaux des atomes. Cette séquence nous montre comment la physique nucléaire est à l'œuvre dans les étoiles et fabrique la matière dont nous sommes faits. Nous découvrons que les étoiles vivent en fusionnant des noyaux en leur cœur, formant des couches successives d'éléments de plus en plus lourds, et comment la fin catastrophique de certaines d'entre elles crée les noyaux les plus lourds. Le résidu final sera alors une étoile à neutrons et parfois, un trou noir. © CEA - Animea 2011

    Des sursauts gamma courts et longs

    Deux principaux modèles théoriques ont fini par s'imposer pour rendre compte des GRB. Les sursauts gamma courts étaient probablement produits par des collisions d'étoiles à neutronsétoiles à neutrons dans des systèmes binairessystèmes binaires perdant de l'énergie sous forme d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles, ce qui devait les conduire à se rapprocher l'une de l'autre jusqu'à la fusionfusion. L'énergie libérée à ce moment-là devait aussi se retrouver en dehors du domaine gamma, sous la forme de ce que l'on a appelé une kilonova (1.000 fois moins lumineuse qu'une supernova classique), et surtout, un puissant flash d'ondes gravitationnelles devait alors être détectable directement sur Terre grâce à des instruments comme LigoLigo et VirgoVirgo.

    C'est effectivement ce qui a été confirmé en 2017 avec la découverte de la source GW 170817, clairement associée à GRB 170817A, un sursaut gamma court détecté à la fois par les satellites Fermi et Integral. Les ondes gravitationnelles mesurées par les deux détecteurs Ligo et Virgo avaient en effet permis de localiser la collision sur la voûte céleste où la contrepartie en gamma avait été trouvée.

    Dans le cas des sursauts gamma longs, les astrophysiciens les expliquaient par l'effondrementeffondrement d'une étoile massive contenant plusieurs dizaines de massesmasses solaires et donnant une supernova. Mais pas n'importe quelle supernova et plus précisément pas une supernova de type SnSn II, qui est aussi le résultat de l'effondrement du cœur d'une étoile massive, mais bien une supernova de type Ic.

    Rappelons que depuis les années 1930 grâce à l'astronomeastronome Walter Baade, en compagnie de son collègue Rudolph Minkowski, neveu du célèbre mathématicienmathématicien Hermann Minkowski, on classifie les supernovaesupernovae en fonction de leurs raies spectralesraies spectrales et des caractéristiques de leurs courbes de lumièrelumière (la forme de l'évolution dans le temps de leur luminositéluminosité).

    Une supernova Ic ne montrant pas vraiment les raies spectrales de l'hydrogènehydrogène et de l'héliumhélium, on en conclut qu'avant son explosion, l'étoile génitrice d'une telle supernova a évolué en expulsant ses couches externes d'hydrogène et même d'hélium, ne laissant qu'un cœur lui-même structuré en différentes couches, comme l'explique la vidéo du CEA.

    Une supernova Ic donnerait un sursaut gamma long quand, avant son explosion, une partie de son cœur s'effondre en donnant d'abord un trou noirtrou noir en rotation qui s'entoure d'un disque d'accrétiondisque d'accrétion dans l'étoile. Deux jets de matièrematière sont alors générés qui déchirent l'astreastre et lorsque par hasard ses jets sont dirigés en direction de la Terre, on observe un rayonnement gamma intense associé aux jets.


    Une présentation de la découverte faite avec GRB 200826A. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa Goddard

    Des collapsars qui se font passer pour des kilonovae

    Mais, deux équipes internationales de chercheurs viennent de chambouler ces spéculations théoriques au sujet de ce que l'on appelle parfois et en anglais le modèle du collapsar, contraction de l'anglais collapsed star (« étoile effondrée » en français). Deux publications dans Nature Astronomy et que l'on peut trouver en accès libre sur arXiv font en effet état de la découverte le 26 août 2020 d'un curieux sursaut gamma par le satellite Fermi : GRB 200826A.

    De prime abord, il s'agissait d'un sursaut gamma court, durant 0,6 seconde environ, et une batterie de télescopes opérant à plusieurs longueurs d'onde ont été mobilisés pour tenter de lui trouver une contrepartie sur la voûte céleste dans ces longueurs d'onde.

    Le satellite SwiftSwift de la NasaNasa l'a ainsi observé dans le domaine des rayons Xrayons X dans la constellation d'Andromèdeconstellation d'Andromède et le célébre Karl Jansky Very Large Array de l'Observatoire national de radioastronomie au Nouveau-Mexique (États-Unis) a confirmé la présence d'un signal radio. Quant à des télescopes comme le Gran Telescopio Canarias, à La Palma, dans les îles Canaries en Espagne, et surtout le télescope Gemini North à Hawaï, ils ont permis de montrer que la source du GRB devait être située à environ 6,6 milliards d'années-lumièreannées-lumière de la Voie lactéeVoie lactée dans une galaxiegalaxie et qu'elle était accompagnée des caractéristiques attendues d'une supernova de type Ic.

    Il est donc clair que certaines supernovae Ic peuvent se comporter comme des sursauts gamma courts et pas longs. Selon les chercheurs, en plus de brouiller les frontières entre les modèles de sursaut gamma, la découverte de GRB 200826A donnerait du poids à une explication donnée pour rendre compte d'un curieux fait.

    Bien évidemment, les jets des collaspsars étant distribués aléatoirement en direction, toutes les SN Ic ne seront pas perçues comme des GRB sur Terre. Toutefois, tout calcul fait, il y a trop de ces supernovae qui ne sont pas des GRB. On en conclut naturellement qu'en réalité, la formation de jets lors de l'effondrement en trou noir n'est pas la règle.

    Ce qui est certain c'est qu'avec GRB 200826A, les astronomes ont découvert le sursaut gamma le plus court jamais causé par l'implosion d'une étoile massive connu à ce jour.