Les astronomes utilisant l’observatoire H.E.S.S, en Namibie, ont détecté les rayons gamma les plus énergétiques jamais émis parmi les très nombreux pulsars de la Voie lactée découverts par l’Humanité depuis presque 50 ans. Surtout, une telle énergie est pour le moment impossible à expliquer en utilisant les mécanismes connus permettant à ces étoiles à neutrons de produire des photons gamma.


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    Futura a expliqué à plusieurs reprises que les pulsars sont des objets fascinants que les astrophysiciensastrophysiciens étudient depuis leur découverte en 1967 par Jocelyn Bell. Ils sont en fait étudiés théoriquement depuis plus longtemps que cela puisqu'il s'agit d'étoiles à neutrons (on le sait en effet depuis 1971 et les travaux du prix Nobel de physique Riccardo Giacconi) et que l'existence de celles-ci a été prédite en 1933 par Zwicky et Baade. La première description théorique détaillée des étoiles à neutrons a ensuite été donnée en 1939 par Oppenheimer et Volkkoff.

    Point final de l'évolution de certaines étoiles qui ont explosé en supernova SNSN II tout en s'effondrant gravitationnellement, les étoiles à neutrons, dont la masse est de l'ordre de celle du SoleilSoleil, possèdent un diamètre de quelques dizaines de kilomètres tout au plus et ressemblent à un gigantesque noyau d'atomeatome. La densité, le champ de gravitationgravitation et le champ magnétiquechamp magnétique y sont donc extrêmes et presque toute la physique est nécessaire pour comprendre les propriétés d'une étoile à neutrons : la relativité générale bien sûr mais aussi la magnétohydrodynamique, la théorie de la superfluiditésuperfluidité et celle de la supraconductivitésupraconductivité.


    Extrait du documentaire Du Big Bang au vivant, associé au site du même nom, un projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine. Jean-Pierre Luminet parle de la mort des étoiles massives, leur explosion en supernova et la formation de pulsars. © ECP Productions, YouTube

    Une barre aimantée en rotation de la masse du Soleil

    Comme leur nom l'indique, les pulsars émettent des ondes radio à un rythme rapide et régulier. Pour comprendre la raison de ce phénomène il faut savoir que toutes les étoiles tournent sur elles-mêmes. Or, de même qu'une patineuse voit sa vitesse de rotationvitesse de rotation accélérer lorsqu'elle rassemble ses bras vers son corps, une étoile en effondrementeffondrement voit sa vitesse de rotation augmenter. C'est une conséquence de la conservation du moment cinétiquemoment cinétique, l'une des lois les plus fondamentales de la physique. Ainsi, une étoile possède un champ magnétique qui doit s'amplifier par conservation du flux lorsqu'elle se contracte. Juste après sa formation, le cœur chaud et dense d'une étoile devenue une étoile à neutrons doit donc tourner assez rapidement. Un mécanisme s'enclenche, lié au champ magnétique, qui conduit l'astreastre à rayonner puissamment en émettant un faisceau d'ondes radio collimatées à la façon d'un phare. Lorsque ce faisceau coupe l'orbiteorbite de la Terre, il se manifeste dans un radiotélescoperadiotélescope comme une série régulière de bips.

    On donne souvent, bien qu'approximativement, des explications sur le mécanisme de rayonnement des pulsars en faisant intervenir les idées avancées principalement par Peter Goldreich et William Julian dans un article de la fin des années 1960.

    En gros donc, un pulsar est une masse très compacte en rotation rapide avec un champ magnétique puissant. Souvent, c'est un peu comme une barre magnétique dont l'axe de rotation est un peu incliné par rapport à la barre mais ce n'est pas nécessaire. Dans tous les cas, du fait des équationséquations de la relativité, le champ magnétique pour quelqu'un au repos à la surface de la barre se manifeste aussi comme un champ électriquechamp électrique puissant qui arrache des électronsélectrons à la matièrematière de la barre.


    Les pulsars, ces petites étoiles mortes très denses, émettent des rayonnements électromagnétiques sous forme de faisceaux qui balaient l’espace à intervalles réguliers, tels des phares cosmiques. Le pulsar de Vela, l’un des plus proches de la Terre, vient de surprendre la communauté scientifique : des rayonnements environ 200 fois plus énergétiques que ceux relevés jusqu’alors en sa provenance ont été détectés depuis l'observatoire H.E.S.S par des scientifiques du CNRS et du CEA, au sein d’une équipe internationale. © Science Communication Lab for DESY, sous-titrage : CNRS/IN2P3

    Un accélérateur d'électrons cosmique magnétique

    Ces électrons vont être accélérés et se mouvoir aussi selon les lignes de champs magnétiques de la barre, ce qui va produire des émissionsémissions de rayonnement étant donné que les électrons sont accélérés. Une partie de ces émissions se fait dans le domaine gamma et elles sont suffisamment énergétiques pour créer des paires d'électrons-positronspositrons qui a leur tour vont rayonner, ce qui va produire d'autres paires et ainsi de suite en cascade.

    Au final, l'étoile à neutrons s'entoure d'une magnétosphèremagnétosphère avec du plasma avec des émissions de divers rayonnements à différents endroits.

    Cela, c'est la théorie et jusqu'à présent elle s'appliquait à tous les pulsars connus en prédisant des spectresspectres et des énergiesénergies d'émissions en accord avec les observations. Cela vient de changer comme l'explique un article publié dans Nature Astronomy et qui provient de chercheurs travaillant dans le domaine de l'astronomie gamma avec le H.E.S.S, un acronyme de High Energy Stereoscopic System qui vise également à rendre hommage à Victor Hess, qui a reçu le prix Nobel de physique en 1936 pour sa découverte du rayonnement cosmique.

    C'est un ensemble de télescopestélescopes Tcherenkov atmosphériques qui étudie les rayons gammarayons gamma cosmiques dans la plage d'énergie allant de quelque 10 s de GeVGeV à quelque 10 s de TeV. Rappelons qu'1 GeV est l'énergie de la masse d'un protonproton, et qu'un télescope gamma sur Terre n'observe pas directement de la lumièrelumière gamma mais la lumière Tcherenkov bleutée produites par les particules chargées en mouvementmouvement créées par l'impact des photonsphotons gamma sur les atomes de la haute atmosphèreatmosphère.


    Les télescopes de H.E.S.S. © Vikas Chander, H.E.S.S. Telescope Collaboration

    Des photons gamma qui explosent les records

    En l'occurrence, les chercheurs ont mis en évidence des photons gamma de 20 TeV, soit environ dix mille milliards de fois l'énergie de la lumière visible, provenant d'un pulsar célèbre, PSR B0833-45, plus connu sous le nom de pulsar des Voiles (parfois pulsar de Vela, d'après le nom latin des Voiles). C'est un jeune pulsar situé dans la constellationconstellation des Voiles à 959 années-lumièreannées-lumière du Système solaireSystème solaire.

    Dans un communiqué du Deutsches Elektronen-Synchrotron DESY, le physicienphysicien Christo Venter de l'université du Nord-Ouest en Afrique du Sud, et qui a participé à la découverte, explique que 20 TeV : « C'est environ 200 fois plus énergétique que tous les rayonnements jamais détectés auparavant par cet objet » .

    Son collègue Arache Djannati-Atai du laboratoire AstroparticulesAstroparticules & CosmologieCosmologie (APC), en France, ajoute quant à lui : « Ce résultat remet en question nos connaissances antérieures sur les pulsars et nécessite de repenser le fonctionnement de ces accélérateurs naturels. Le schéma traditionnel selon lequel les particules sont accélérées le long des lignes de champ magnétique à l'intérieur ou légèrement à l'extérieur de la magnétosphère ne peut pas expliquer suffisamment nos observations. Peut-être assistons-nous à l'accélération des particules grâce au processus dit de reconnexion magnétiquereconnexion magnétique au-delà du cylindre de lumière, qui préserve encore d'une manière ou d'une autre le schéma de rotation ? Mais, même ce scénario se heurte à des difficultés pour expliquer comment un rayonnement aussi extrême est produit ».

    Ce qui est sur pour l'astrophysicien, c'est que « cette découverte ouvre une nouvelle fenêtrefenêtre d'observation pour la détection d'autres pulsars dans la gamme des dizaines de téraélectronvolts avec les télescopes à rayons gamma actuels et à venir, ouvrant ainsi la voie à une meilleure compréhension des processus d'accélération extrêmes dans les objets astrophysiquesastrophysiques hautement magnétisés ».

    Le saviez-vous ?

    L’astronomie gamma a des racines qui remontent au moins à l’après-guerre, pendant le XXe siècle, lorsque les physiciens Feenberg et Primakoff prédisent que des photons gamma doivent être produits dans le cosmos observable quand des électrons à haute énergie entrent en collision avec des photons à basse énergie suivant l’effet Compton. L’énergie cédée par les électrons aux photons pouvant donc les faire passer du domaine visible à celui des rayons gamma. D’autres chercheurs vont comprendre qu’il doit exister des sources supplémentaires de photons gamma dans l’Univers au cours des décennies qui vont suivre.

    Ainsi, en 1952, le Japonais Satio Hayakawa prédit l’existence d’un halo galactique de rayons gamma produit par les mésons π neutres de son compatriote Hideki Yukawa. Ces mésons très instables sont produits par des collisions entre les hadrons des rayons cosmiques et les noyaux du gaz interstellaire. Mais, c’est souvent à l’année 1958 et grâce à un article de synthèse sur les travaux précédents de ce genre, et que l’on doit au physicien et astrophysicien états-unien Philip Morrison (1915-2005), que l’ont fait remonter la prise de conscience qu’il doit exister une astronomie gamma en tant que telle et que la motivation pour la développer va se faire plus forte.

    Membre du projet Manhattan et à l’origine l’année suivante du programme Seti avec le célèbre article qu’il avait écrit avec Giuseppe Cocconi et portant sur les communications interstellaires possibles avec des ondes radio, Morrison avait notamment prédit une production de rayons gamma lors de collisions entre protons et neutrons aboutissant à la synthèse de noyaux de deutérium, en particulier à l’occasion de certaines éruptions solaires.

    Or, bien plus tard, certains physiciens vont se rendre compte que certaines théories concernant les fameuses particules de matière noire impliquent qu’elles peuvent être instables en se désintégrant en photon gamma ou également s’annihiler lors de collisions entre particules et anti-particules de matière noire. Comme ces mêmes modèles de matière noire prédisent aussi que ces particules exotiques pourraient se concentrer dans le centre des galaxies, on s’est demandé si l’on ne pouvait pas détecter des émissions de rayons gamma anormalement élevées, au cœur de la Voie lactée notamment.