L'Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) a réussi une nouvelle prouesse en plongeant dans le passé de l'Univers observable tel qu'il était environ 3 milliards d'années après le Big Bang. Il a permis de vérifier pour la première fois la prédiction de la présence d'un plasma chaud à des millions de degrés dans les proto-amas de galaxies en formation à ce moment-là.


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    La noosphère continue la quête de ses origines aussi bien avec des yeuxyeux sur orbite dans le ciel, comme le télescope James-Webb, que des yeux dans des chaînes de montagne, comme avec Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array).

    Certains de ceux qui utilisent ces yeux viennent de publier un article dans Nature qui fait état d'une découverte prédite par des simulations numériquessimulations numériques depuis un moment déjà mais qui attendait confirmation. Elle concerne la naissance et l'évolution des proto-amas de galaxie, ces groupements d'un grand nombre de galaxies qui sont nées au cours des premiers milliards d'années de l'histoire du cosmoscosmos observable et qui, aujourd'hui, s'observent sous forme d'amas de galaxies rassemblés dans des filaments d'amas, voire de superamas.

    Dans le cas des amas modernes, on observe que les galaxies sont plongées dans un vaste « milieu intra-amas» (ICM pour intracluster medium) qui contient plus de matière que ces galaxies et qui se trouvent sous la forme d'un plasma chaud, brillant dans le domaine des rayons Xrayons X, et que des télescopestélescopes spatiaux comme le Chandra de la Nasa étudient depuis parfois des décennies.

    Notre Galaxie elle-même fait partie d'un amas de galaxies ; comprendre la formation des amas, et donc étudier des proto-amas, est une des voies que l'on doit utiliser pour remonter le plus loin dans le passé à la recherche de nos racines cosmiques. C'est pourquoi une équipe d'astrophysiciensastrophysiciens dirigée par Luca Di Mascolo, chercheur à l'université de Trieste, en Italie, s'était lancée dans la détection d'un ICM chaud dans un amas de galaxies aux premiers temps de l'UniversUnivers. Cela n'avait jamais été réussi auparavant, bien que les calculs des ordinateursordinateurs basés sur le Modèle cosmologique standardModèle cosmologique standard avec matière et énergie noireénergie noire ne laissaient pas vraiment de doute sur l'existence de ce milieu.

    Comme l'explique un communiqué de l'Eso, les chercheurs se sont concentrés dans ce but sur un proto-amas connu sous la dénomination de MRC 1138-262 dans le Molonglo Reference Catalogue of Radio Sources, un catalogue édité par l'Observatoire de Molonglo en Australie. On le désigne aussi sous le nom de galaxie de la Toile d'AraignéeAraignée dans la constellationconstellation de l'HydreHydre.


    Cette vidéo montre une vue d'artiste de la formation d'un amas galactique dans l'Univers jeune. En constante interaction les unes avec les autres, les galaxies donnent lieu à une intense formation d'étoiles. Cette scène présente de nombreuses similitudes avec la Galaxie de la Toile d'Araignée (cataloguée MRC 1138-262) entourée de ses proches voisines, le tout formant l'un des proto-amas les mieux étudiés à ce jour. © ESO, M. Kornmesser

    Qu'est-ce que l'effet Sunyaev-Zel'dovich ?

    Pour mettre en évidence cet ICM, les chercheurs ont utilisé les observations d'Alma portant sur une partie du spectrespectre du rayonnement fossile cartographié comme jamais par le satellite Plancksatellite Planck. Ils sont appuyés sur un effet bien connu en cosmologiecosmologie que l'on appelle l'effet thermique Sunyaev-Zel'dovich (SZ), un célèbre effet découvert par deux grands cosmologistes russes, d'abord théoriquement à la fin des années 1960, et ensuite observé pour la première fois en 1983. Il s'agit de l'effet Sunyaev-Zel'dovich (SZ).

    On ne présente plus Yakov Borisovich Zel'dovich, dont les contributions dans des domaines aussi divers que l'adsorptionadsorption et la catalysecatalyse, les ondes de chocs, la physiquephysique nucléaire, la physique des particules, l'astrophysiqueastrophysique, la cosmologie et la relativité généralerelativité générale, sont innombrables.

    D'ailleurs, Stephen HawkingStephen Hawking lui avait avoué lors de son premier voyage en ex-URSS : « Avant de vous avoir rencontré, je pensais que vous étiez un auteur collectif, comme Bourbaki ». Rashid Alievitch Sunyaev, lui, a été l'un des collaborateurs de Zel'dovich et il s'est vu attribuer le célèbre prix Crafoord.

    Sur ce schéma montrant en ordonnée l'intensité (<em>Intensity</em>) du rayonnement de fond diffus en fonction de sa fréquence (<em>Frequency</em>) et de sa longueur d'onde (<em>Wavelength</em>) en abscisse, on voit clairement l'influence de l'effet Sunyaev-Zel'dovich. La courbe initiale de corps noir du rayonnement fossile est distordue et déplacée vers les hautes fréquences, pour donner l'intensité du rayonnement de fond diffus en traits pleins. © <em>Annu. Rev. Astron. Astrophys.</em>
    Sur ce schéma montrant en ordonnée l'intensité (Intensity) du rayonnement de fond diffus en fonction de sa fréquence (Frequency) et de sa longueur d'onde (Wavelength) en abscisse, on voit clairement l'influence de l'effet Sunyaev-Zel'dovich. La courbe initiale de corps noir du rayonnement fossile est distordue et déplacée vers les hautes fréquences, pour donner l'intensité du rayonnement de fond diffus en traits pleins. © Annu. Rev. Astron. Astrophys.

    Les deux chercheurs ont compris qu'un gazgaz d'électronsélectrons chauds, comme il en existe dans bien des situations astrophysiques, devait faire subir un effet Compton inverseeffet Compton inverse aux photonsphotons du rayonnement fossilerayonnement fossile. On sait que celui-ci possède un spectre de corps noir, caractérisé par une relation précise entre la fréquencefréquence et l'intensité du rayonnement.

    En subissant des collisions (effet Compton) avec les électrons énergétiques d'un plasma chaud, les photons sont portés à des énergies plus élevées, ce qui se traduit par un déficit de photons de basses énergies pour le spectre du rayonnement fossile, mais corrélativement par un excès de photons à plus hautes énergies. La courbe du spectre du corps noircorps noir du rayonnement de fond diffusdiffus apparaît donc comme distordue et décalée vers les hautes fréquences, comme le montre le schéma ci-dessus.


    Cette animation montre comment les photons interagissent avec le gaz chaud dans le lointain proto-amas autour de la galaxie de la Toile d'Araignée. Les photons du fond diffus cosmologique — la lumière résiduelle du Big Bang — sont représentés par des traînées de lumière jaune rouge qui traversent l'espace dans des directions aléatoires. Les galaxies sont noyées dans un énorme nuage de plasma, au sein duquel des électrons libres se déplacent rapidement. Les photons du fond diffus cosmologique interagissent avec les électrons du gaz chaud et gagnent ainsi un peu d'énergie. En conséquence, leur longueur d'onde, ou leur « couleur », change légèrement, comme le montrent ici les lignes bleues. C'est ce que l'on appelle l'effet Sunyaev-Zel'dovich. La distribution mesurée du gaz chaud est représentée à la fin de l'animation sous la forme d'un nuage bleu superposé au champ de galaxies en arrière-plan. © ESO/L. Calçada ; Di Mascolo et al. ; HST: H. Ford

    Des amas scrutés en tandem avec Alma et l'ELT

    En ce qui concerne l'effet SZ, Luca Di Mascolo explique que « grâce à sa résolutionrésolution et à sa sensibilité inégalées, Alma est la seule installation actuellement capable d'effectuer une telle mesure pour les lointains progéniteurs d'amas massifs ». Il permet non seulement de déduire l'existence du plasma chaud dans l'ICM mais aussi d'estimer sa massemasse et cartographier sa répartition.

    Dans le cas du proto-amas de la Toile d'Araignée observé tel qu'il était par Alma environ 3 milliards d'années après le Big BangBig Bang, il apparait maintenant qu'il contient un vaste réservoir de plasma à une température de quelques dizaines de millions de degrés Celsiusdegrés Celsius.

    Cette découverte, confirmant les prédictions des modèles numériquesmodèles numériques, permet de penser que, toujours selon ces modèles, le proto-amas devrait effectivement se transformer en un amas de galaxies massif, sa masse augmentant d'au moins un facteur dix d'ici environ 10 milliards d'années après l'époque où Alma a permis de l'étudier.

    Selon Mario Nonino, coauteur de l'étude et chercheur à l'Observatoire astronomique de Trieste, cela est de bon augure pour le futur car on s'attend à faire des découvertes supplémentaires sur les proto-amas et l'évolution de l'ICM grâce à une synergiesynergie entre Alma et le futur L'ELT et ses instruments de pointe, tels que Harmoni et MIcado.


    Grâce à Alma, les astronomes ont détecté un important réservoir de gaz chaud dans l'amas de galaxies encore en formation autour de la galaxie de la Toile Araignée. Il s'agit de la détection la plus lointaine d'un tel gaz chaud à ce jour. Cette détection révèle en outre la précocité de la formation de ces structures. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESO