Un groupe d'astrophysiciens étudiait un amas de galaxies en formation quelques milliards d'années après le Big Bang quand ils ont été surpris par sa température. Ils s'attendaient à voir du gaz vers 10 000 degrés mais il était déjà de l'ordre du million de degrés comme c'est le cas dans les amas actuels.


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    Alors que le James-Webb conquiert de nouveaux territoires de la connaissance concernant notamment ce qui se passait il y a un peu moins de 500 millions d'années après le Big BangBig Bang dans l'Univers observable, d'autres télescopes terrestres continuent de nous fournir des informations sur ce qu'il s'y passait aussi quelques milliards d'années plus tard tout au plus.

    Les astrophysiciensastrophysiciens ont ainsi été quelque peu surpris en étudiant un proto-amas de galaxies à l'aide du spectromètre d'imagerie à basse résolutionrésolution (LRIS) de l'observatoire Keck, à Hawaï, au sommet du Mauna Kea. C'est un des lieux où les qualités des observations astronomiques, malgré la turbulenceturbulence de l'atmosphèreatmosphère qui limite le pouvoir de résolution des instruments, sont parmi les meilleurs du monde. Cela a permis aux chercheurs de se pencher sur le cas de Costco-I, un proto-amas de galaxies vu dans l'ultravioletultraviolet tel qu'il était il y a environ 11 milliards d'années.

    On estime que Costco-I contenait environ 400 000 milliards de massesmasses solaires dans un volumevolume dont le rayon était de quelques millions d'années-lumièreannées-lumière seulement. Son âge indiquait qu'on le voyait au moment de ce que les cosmologistes appellent parfois l'époque du « midi cosmique », c'est-à-dire le moment où le taux de formation des étoilesétoiles dans les galaxies en moyenne était le plus haut.


    Des vues des observatoires au sommet du Mauna Kea. Le Keck se voit en ouverture avec ses dômes jumeaux. © Sean Goebel

    Du gaz chauffé et ionisé autour des galaxies

    La théorie de l'évolutionthéorie de l'évolution des grandes structures avec matière noirematière noire et énergie noireénergie noire nous laisse penser que le cosmoscosmos a d'abord formé des étoiles rassemblées en galaxies puis que les galaxies se sont rassemblées en formant des amas, s'effondrant gravitationnellement en même temps que des poches de gazgaz froid et neutre initialement enveloppant ces galaxies.

    Aujourd'hui, et depuis plusieurs milliards d'années au moins, on observe que ce gaz non seulement est devenu très chaud, pouvant atteindre des températures de plusieurs centaines de milliers à plusieurs millions de degrés mais qu'il est aussi largement ionisé. Il est si chaud que, tout comme dans le cas des galaxies, il ne devrait pas rester confiner dans les amas..., à moins que le champ de gravitationgravitation de distributions dominantes en masse de matière noire existe.

    Ce gaz entre les galaxies s'appelle le « milieu intergalactique chaud » (Whim pour Warm-Hot Intergalactic Medium en anglais) et comme l'expliquent dans un article publié dans The Astrophysical Journal Letters (et en accès libre sur arXivarXiv) les astrophysiciens menés par des membres de l'Institut Kavli pour la physiquephysique et les mathématiques de l'univers (Kavli IPMU, qui fait partie de l'Université de Tokyo), ils s'attendaient à ce que tout comme dans les autres cas d'amas et de proto-amas étudiés pendant le midi cosmique jusqu'à présent la température du Whim de Costco-I soit de l'ordre de 10 000 degrés.

    Un extrait d'une simulation numérique décrivant le réchauffement à grande échelle autour d'un proto-amas de galaxies à l'aide de supercalculateurs. On pense qu'il s'agit d'un scénario similaire à celui observé dans le cas du proto-amas Costco-I. La zone jaune au centre de l'image représente une énorme goutte de gaz chaud couvrant plusieurs millions d'années-lumière. La couleur bleue indique un gaz plus froid situé dans les régions extérieures du proto-amas et les filaments reliant le gaz chaud à d'autres structures. Les points blancs incrustés dans la distribution de gaz expriment la lumière émise par les étoiles. © collaboration Three hundred
    Un extrait d'une simulation numérique décrivant le réchauffement à grande échelle autour d'un proto-amas de galaxies à l'aide de supercalculateurs. On pense qu'il s'agit d'un scénario similaire à celui observé dans le cas du proto-amas Costco-I. La zone jaune au centre de l'image représente une énorme goutte de gaz chaud couvrant plusieurs millions d'années-lumière. La couleur bleue indique un gaz plus froid situé dans les régions extérieures du proto-amas et les filaments reliant le gaz chaud à d'autres structures. Les points blancs incrustés dans la distribution de gaz expriment la lumière émise par les étoiles. © collaboration Three hundred

    Costco-I, un laboratoire pour comprendre l'évolution du milieu intergalactique chaud

    Ce n'est pas ce qu'ont révélé les mesures dans l'ultraviolet. Du fait des températures attendues, il devait y avoir encore un peu d'hydrogènehydrogène à l'état neutre bloquant donc une partie du rayonnement ultraviolet des jeunes étoiles nombreuses à ce moment-là dans les galaxies. Le fait que le rayonnement ne soit pas bloqué impliquait que l'hydrogène était largement ionisé, et que pour cela, la température régnante dans le Whim de Costco-I devait déjà atteindre environ un million de degrés, faisant de cet amas une des premières « bulles » modernes de gaz intergalactique dans un amas de galaxie.

    C'est ce qu'explique le communiqué de l'observatoire Keck : « Cette découverte marque la première fois que des astrophysiciens ont identifié une poche de gaz ancienne présentant les caractéristiques du milieu intergalactique moderne, c'est de loin la plus ancienne partie connue de l'Univers qui a chauffé pour atteindre des températures du Whim d'aujourd'hui ». Khee-Gan Lee, professeur adjoint au Kavli Ipmu et coauteur de l'article publié, ajoute que « si nous considérons le milieu intergalactique actuel comme un gigantesque ragoût cosmique qui bout et moussemousse, alors Costco-I est probablement la première bulle que les astronomesastronomes ont observée, à une époque dans un passé lointain où la majeure partie du pot était encore froid ».

    Il poursuit dans le communiqué en expliquant que « les propriétés et l'origine du Whim restent l'une des plus grandes questions en astrophysiqueastrophysique à l'heure actuelle. Pouvoir apercevoir l'un des premiers lieux de chauffage du Whim aidera à révéler les mécanismes qui ont fait bouillir le gaz intergalactique pour finir par donner sa forme actuelle. Il y a quelques possibilités pour que cela se produise, cela pourrait être dû au réchauffement des gaz produits lorsqu'ils entrent en collision lors d'un effondrementeffondrement gravitationnel, ou à des jets radio géants qui pourraient pomper de l'énergie à partir de trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs dans le proto-amas ».