Les deux start-up ont changé leurs plans et se sont lancées dans le développement de fusées plus puissantes. Latitude annonce doubler la capacité de sa Zéphyr, tandis que Maiaspace change de dimension.


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    La compétition des lanceurs européens est lancée... Aujourd'hui, c'est la réponse française qui se dévoile suite au Sommet spatial de Séville, où les États membres de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne ont déploré une gestion calamiteuse d’Ariane 6 ainsi que ses retards qui ne sont pas sans conséquence. L'Europe a donné le feu vert à la compétition entre lanceurs dans un avenir lointain. C'est le moment d'abattre ses nouvelles cartes.

    Les gros progrès de Maia

    Les choses bougent très vite chez Maiaspace. La start-upstart-up a été fondée il y a moins de deux ans mais bénéficie de nombreux avantages :

    • Maiaspace est une filiale d'ArianeGroup et peut profiter de ses fonds pour démarrer son œuvre sans avoir trop besoin de chercher des fonds externes. La start-up bénéficie aussi du puissant réseau international du groupe et de son expérience ;
    • la fuséefusée Maia sera une héritière du démonstrateurdémonstrateur européen ThemisThemis. C'est actuellement le projet le plus abouti en matière de réutilisation de lanceur. Le démonstrateur est censé faire des « bonds » montrant sa capacité à décoller, puis de revenir se poser à la surface comme le font les premiers étages des fusées Falcon de SpaceXSpaceX. Un premier bond est prévu à Kiruna (Suède) l'année prochaine, un autre plus tard, au Centre spatial guyanais.
    • la propulsion de Maia est à un stade déjà très avancé grâce au moteur européen PrometheusPrometheus soutenu par l'Agence spatiale européenne (ESA), fonctionnant à base de méthane et d'oxygène liquidesliquides.
    Succès d'un essai à feu de Prometheus à Vernon, le 20 octobre dernier. © ArianeGroup
    Succès d'un essai à feu de Prometheus à Vernon, le 20 octobre dernier. © ArianeGroup

    À Vernon, site français historique des essais moteurs aujourd'hui opéré par ArianeGroup, Maiaspace semble vivre dix fois plus vite que tout le reste. Les essais à feu de Prometheus progressent, ainsi que des tests fonctionnels de Themis. De bon augure pour un « hop test » à Kiruna l'année prochaine, où le démonstrateur montera à plusieurs centaines de mètres d'altitude. Les équipes, à Vernon, testent aussi un modèle de jambe déployable à l'instar de celles de la Falcon 9Falcon 9.

    Maia devient une Ariane 1 version 2.0

    La fusée Maia devait initialement pouvoir placer en orbiteorbite basse un satellite pesant jusqu'à 1 000 kilos. Mais ça, c'était avant. Cette semaine, Maiaspace a annoncé viser de nouvelles capacités bien plus importantes. Maia est une réponse souvent avancée par le gouvernement face au désir de compétition lancé par l'Allemagne, réponse forcée car Emmanuel Macron a longtemps cru à l'unité européenne autour d'Ariane 6Ariane 6. Mais l'Allemagne, motivée par l'industriel OHB dont la start-up Rocket Factory Augsburg est la spinspin-off, veut remettre en cause la suprématie française dans le domaine des lanceurs.

    Futur héritier de Themis, le premier étage de Maia sera un des premiers en Europe à montrer la capacité de se poser après un décollage. Mais le coût est élevé : la capacité du lanceur léger est divisée par trois car la version réutilisable est plus lourde et doit disposer de plus de carburant pour l'atterrissage. © Maiaspace, ArianeGroup
    Futur héritier de Themis, le premier étage de Maia sera un des premiers en Europe à montrer la capacité de se poser après un décollage. Mais le coût est élevé : la capacité du lanceur léger est divisée par trois car la version réutilisable est plus lourde et doit disposer de plus de carburant pour l'atterrissage. © Maiaspace, ArianeGroup

    Cette semaine, Maiaspace a annoncé une montée en puissance de son lanceur avec de nouvelles capacités de livraison en orbite basse héliosynchronehéliosynchrone :

    • 1 500 kilos en version non réutilisable ;
    • 500 kilos en version réutilisable.

    La filiale d'ArianeGroup a aussi annoncé la possibilité de joindre un troisième étage sous la coiffe du lanceur, nommé ColibriColibri, dont le développement est déjà bien avancé avec des premiers essais à feu de moteur concluants.

    Cette nouvelle version de Maia avec Colibri permet d'augmenter la capacité d'emport à 2 500 kilos ! Cela nous rapproche de l'ancienne fusée Ariane 1 qui avait décollé pour la première fois il y a tout juste 44 ans (le 24 décembre 1979).

    Essai à feu du moteur Colibri. Il propulsera l'étage supérieur optionnel permettant une meilleure capacité. © Maiaspace
    Essai à feu du moteur Colibri. Il propulsera l'étage supérieur optionnel permettant une meilleure capacité. © Maiaspace

    Compétition en cours

    Mais aujourd'hui, cette capacité est en concurrence directe avec VegaVega-C du maître d'œuvremaître d'œuvre Avio, qui a obtenu le feu vert pour faire cavalier seul et commercialiser la fusée sans avoir à passer par ArianespaceArianespace, également filiale d'ArianeGroup. Avio est toutefois en difficulté avec Vega-C, en panne jusqu'à fin 2024 à cause de l'échec du second vol l'année dernière, et avec la révélation de la perte accidentelle (mais néanmoins stupide) de deux réservoirs de la dernière fusée Vega en version originale, compromettant le vol.

    Maia est aussi une étape dont l'héritage pourra être utilisé par ArianeGroup pour proposer une « Ariane 7 » réutilisable pour concurrencer SpaceX, ou l’Allemand RFA qui planche également sur une version lourde. Les annonces de Maiaspace font suite au discours d'Emmanuel Macron à Toulouse le 11 décembre dernier. Le président de la République a notamment déclaré accepter la compétition (approuvée par le Sommet de Séville), disant que la France avait tous les moyens de gagner.

    Si jamais vous doutiez du nombre de lanceurs en cours de développement en Europe, en voici une liste assez exhaustive ! © European Spaceflight
    Si jamais vous doutiez du nombre de lanceurs en cours de développement en Europe, en voici une liste assez exhaustive ! © European Spaceflight

    Latitude double la capacité de Zéphyr

    C'est l'autre annonce de la semaine : la start-up rémoise LatitudeLatitude qui vient de doubler la surface de son usine a annoncé vouloir doubler la capacité de son micro-lanceur Zéphyr qui passera de 100 kilos de charge utile en orbite basse, à 200 kilos. Latitude précise que cette nouvelle capacité est possible grâce à la nouvelle version du moteur Navier.

    Ainsi, Latitude se positionne en concurrence directe avec l'Américain Rocket Lab. La version originale de Zéphyr volera à partir de 2025, et la version plus puissante à partir de 2028.