Le 6 mai 2022, la compagnie SpaceX, devenue au cours de la dernière décennie un acteur incontournable du domaine aérospatial, fêtait son vingtième anniversaire. En deux décennies, l'entreprise fondée par Elon Musk est devenue une firme puissante et sollicitée dans le monde entier. Futura vous propose de revenir sur la genèse et le parcours de cet audacieux pari lancé en 2002, entre succès technologique et difficiles revers.


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    Tel un Percival Lowell des temps modernes, Elon MuskElon Musk est un véritable passionné de la planète Mars. Si bien que, dès le début des années 2000, le jeune multimillionaire d'à peine 30 ans souhaite se lancer dans l'aérospatial. Initialement, l'objectif de Musk était de construire une base scientifique sur la Planète rouge avec le projet Mars Oasis. Mais les coûts d'un tel dessein le forcent à s'orienter vers les vols spatiaux, et le 6 mai 2002 est officiellement créée l'entreprise SpaceXSpaceX. Si la nouvelle firme a du mal à décoller, elle connaîtra un essor fulgurant au cours des années 2010, durant lesquelles les ingénieurs de SpaceX réussiront à mettre au point des lanceurs réutilisables, les Falcons. Musk, nouvelle coqueluchecoqueluche de la conquête spatiale, devient alors mondialement reconnu. Mais si SpaceX vise loin, en étant mandaté par la Nasa pour concevoir l'atterrisseur lunaire du programme Artemis, l'hégémonie de la compagnie se voit contestée par des contrecoups ainsi que par l'arrivée d'autres sociétés privées comme Blue Origin sur le marché de l'aérospatial.

    La Falcon 9, emblématique lanceur de SpaceX, dont le premier vol a eu lieu en 2010. © SpaceX
    La Falcon 9, emblématique lanceur de SpaceX, dont le premier vol a eu lieu en 2010. © SpaceX

    La grandeur des « petits » débuts  

    Lorsque Musk lance SpaceX en 2002, l'entrepreneur n'a « que » 200 millions de dollars en poche, à la suite de la vente de deux de ses compagnies, PayPal et Zip2. Dans un premier temps, le futur milliardaire visite la Russie pour obtenir des structures de missiles balistiques intercontinentaux soviétiques (Intercontinental ballistic missile, ICBM), sans réel succès. Entre 2005 et 2008, SpaceX se consacre à l'élaboration de la fusée Falcon 1. Ce premier modèle volera à trois reprises : une fois en 2006 et deux fois en 2008, chaque lancement aboutissant à un échec. Malgré cela, la Nasa sauve la jeune compagnie de la faillite, injectant près de 300 millions de dollars dans le cadre du programme Commercial Orbital Transportation Service (l'acronyme COTS signifiant en français, « service de transport orbital commercial »). Grâce à ce financement, Space X rebondit et débute, dès 2009, le développement de la célèbre Falcon 9.

    Le premier lancement de la Falcon 1 en 2006, depuis les îles Omelek, dans l'océan Pacifique. © SpaceX
    Le premier lancement de la Falcon 1 en 2006, depuis les îles Omelek, dans l'océan Pacifique. © SpaceX

    Cette nouvelle fuséefusée est lancée pour la première fois en 2010, toujours avec l'appui de la Nasa. L'agence américaine apporte un fort soutien à SpaceX et établit plusieurs contrats avec la firme. Les scientifiques de SpaceX travaillent alors à une nouvelle façon de réutiliser les lanceurs. Élaborée par Wernher von BraunWernher von Braun à la fin des années 1940, cette idée avait déjà été exploitée par le passé. En 1993, le constructeur aéronautique McDonnell Douglas concevait le lanceur réutilisable Delta Clipper qui sera abandonné par la Nasa en 1997. Avant-gardiste, le DeltaDelta Clipper proposait un atterrissage propulsé grâce aux moteurs de la fusée, presque 20 ans avant la Falcon 9. À la même période, l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne envisageait, pour la fusée Ariane 5Ariane 5, la question du réutilisable, problématique, et qui sera de nouveau évoqué quinze ans plus tard concernant Ariane 6Ariane 6. En 2015, après plusieurs lancements réussis mais des atterrissages ratés, SpaceX réussit à sauver une Falcon 9 dans son intégralité. Un exploit technique remarqué à l'international. 

    L'Odyssée vers Mars

    Les lancements de satellites s'enchaînent pour SpaceX, en partenariat avec des agences publiques et privées. En 2018, est testé le lanceur super-lourd Falcon Heavy, conçu pour pouvoir transporter en orbiteorbite basse une charge utile de presque 64 tonnes. En 2019, des voix s'élèvent pour dénoncer le projet Starlink, destiné à placer plusieurs milliers de satellites en orbite basse pour fournir une couverture InternetInternet mondiale. Les astronomesastronomes amateurs et professionnels pointent la pollution lumineuse engendrée par les constellationsconstellations de satellites. En parallèle, SpaceX continue d'être mandaté par la Nasa. En 2020, une capsule Crew DragonCrew Dragon placée en haut d'une Falcon 9 mène deux astronautesastronautes américains (Doug Hurley et Bob Behnken) vers la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale. Dès lors, SpaceX effectuera plusieurs missions habitées à destination de l'ISS. En 2021, le Français Thomas Pesquet et l'Allemand Matthias Maurer ont tous deux volé sur une Crew Dragon pour atteindre la station.

    Le 23 avril 2021, une capsule Crew Dragon emportait pour la première fois un Européen vers l'ISS. De gauche à droite : Thomas Pesquet, Megan McArthur, Shane Kimbrough et Akihiko Hoshide. © Nasa, ESA, SpaceX
    Le 23 avril 2021, une capsule Crew Dragon emportait pour la première fois un Européen vers l'ISS. De gauche à droite : Thomas Pesquet, Megan McArthur, Shane Kimbrough et Akihiko Hoshide. © Nasa, ESA, SpaceX

    Alors que l'administration spatiale américaine continue à planifier le retour d'astronautes sur la LuneLune, la conception et la constructionconstruction de l'atterrisseur lunaire, nommé Human Landing System, ont été confiées par la Nasa à SpaceX. L'architecture du HLS se base sur le Starship, vaisseau super-lourd capable de transporter (théoriquement) une centaine de tonnes en orbite basse. Si l'entreprise d'Elon Musk a effectué plusieurs tests du StarshipStarship, ces derniers se sont révélés peu concluants. Les divers vols de Starships SNSN réalisés en 2021 se sont terminés en feux d'artifices. Il faudra encore attendre pour placer des astronautes en haut du nouveau jouet XXL d'Elon Musk.

    Le Starship HLS, alunisseur sélectionné par la Nasa pour le programme Artemis. Un pari risqué, le Starship n'ayant pas encore effectué de vol orbital… © SpaceX
    Le Starship HLS, alunisseur sélectionné par la Nasa pour le programme Artemis. Un pari risqué, le Starship n'ayant pas encore effectué de vol orbital… © SpaceX

    L'entrepreneur n'a pas caché son intention : poser des Hommes sur la Lune d'ici à 2025 et faire débarquer les premiers colons martiens sur la Planète rouge avant 2030. Difficile de prédire si les ambitions du milliardaire seront réalisables dans le temps imparti. La présidente de SpaceX, Gwynne Shotwell, annonçait le 6 mai 2022 que le Starship exécutera son premier vol orbital entre juin et juillet 2022, après autorisation de Federal Aviation Administration (FAA, l'administration fédérale de l'aviation). Ce jalon pourrait alors marquer une grande avancée pour SpaceX, le programme Artemis et la conquête spatiale.