Une nouvelle étude définit plus précisément les conditions optimales pour le fonctionnement du thermostat terrestre qui repose sur l’altération des silicates.


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    L'une des spécificités de la Terre est de posséder un mécanisme de résiliencerésilience climatique qui lui permet de stabiliser la température de surface, notamment en régulant le taux de CO2 dans l'atmosphère. Ce mécanisme, qui fait partie intégrante du cycle du carbone, repose sur une suite de réactions physico-chimiques qui implique l'altération des minérauxminéraux silicatés. Comme décrit dans un précédent article (voir ci-dessous), ce mécanisme est particulièrement efficace depuis plusieurs milliards d'années, en permettant, malgré les multiples crises climatiques qu'a connues la planète, de retomber à chaque fois dans des conditions d'habitabilité acceptables pour les organismes vivants.

    Un mécanisme plus ou moins efficace en fonction de la température

    L'altération chimique des minéraux silicatés, qui composent essentiellement la croûte terrestre, est en effet grande consommatrice de CO2. En retour, le carbonecarbone est piégé sous la forme de bicarbonatebicarbonate, qui après avoir été transporté par les rivières, va finir sa course au fond des océans où il va ainsi être stocké pendant plusieurs millions d'années. Aussi efficace qu'il soit, ce mécanisme de résilience n'est pas mesurable à l'échelle humaine. Ses effets ne sont observables que sur plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'années. Il ne faudra donc pas compter dessus à court terme pour absorber l'excèdent massif de CO2 que l'Humanité est en train d'émettre dans l'atmosphère. Dans l'histoire de la Terre, il s'agit pourtant d'un délai presque anodin et comprendre les rouages de ce mécanisme est essentiel pour mieux appréhender l'évolution climatique passée et future de notre Planète.

    Cycle des carbonates-silicates : l'altération des silicates permet de capturer de grandes quantités de CO<sub>2</sub> et de réguler le climat terrestre sur des périodes de l'ordre de 100 000 ans. © Gretashum, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 4.0
    Cycle des carbonates-silicates : l'altération des silicates permet de capturer de grandes quantités de CO2 et de réguler le climat terrestre sur des périodes de l'ordre de 100 000 ans. © Gretashum, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    Une nouvelle étude s'est donc penchée en détail sur les facteurs influençant l'altération des silicates. De précédentes études ont montré qu'il s'agit d'un mécanisme fortement dépendant de la température : plus la température de surface est élevée, plus l'altération est efficace et pompe du CO2, faisant baisser son taux dans l'atmosphère et donc refroidissant l'atmosphère. À l'inverse, plus la température de surface est basse, moins le mécanisme fonctionne. Les taux de CO2 remontent alors, permettant le réchauffement du climat. Une formidable balance. Mais tout n'est pas si simple. Car il n'y a pas que la température qui entre en jeu.

    De l’eau et des minéraux en quantité suffisante

    L'étude, publiée dans Science, montre en effet que la quantité de minéraux mis à disposition par l'érosion doit également être suffisante, ainsi que l'eau. L'eau est un point important, puisqu'elle est indispensable à la réaction d'altération. Supprimez l'un ou l'autre et le mécanisme sera moins efficace, même sous des conditions de hausse des températures. La vitessevitesse d'apport de minéraux silicatés est d'ailleurs un facteur limitant. Les auteurs remarquent que lorsque les taux d'érosion des roches sont faibles, le mécanisme devient insensible à la température. À l'inverse, la forte érosion continentale que la Terre aurait connue ces derniers 10 à 15 millions d'années aurait permis à ce mécanisme de thermostatthermostat d'être plus sensible et efficace. À savoir : les taux d'érosion sont intimement liés à la formation de hauts-reliefs et donc à la tectonique des plaques.

    L'érosion des reliefs met à disposition de grandes quantité de minéraux prêts à être altérés chimiquement. © Gilles Ehrmann, Adobe Stock
    L'érosion des reliefs met à disposition de grandes quantité de minéraux prêts à être altérés chimiquement. © Gilles Ehrmann, Adobe Stock

    Quantifier exactement le processus reste cependant difficile. Car d’autres réactions accompagnent en effet l’altération des silicates. Il s'agit de l'oxydationoxydation de la matièrematière organique piégée dans les roches et des sulfuressulfures. Or, ces réactions sont quant à elles émettrices de CO2.

    Même si les détails de son fonctionnement ne sont pas encore connus, ce thermostat terrestre apparaît si efficace que certains chercheurs proposent de répandre des silicates broyés dans les zones cultivées pour augmenter la captation du CO2 et atteindre la neutralité carboneneutralité carbone. La faisabilité d'un tel projet reste toutefois incertaine, surtout lorsqu'on considère qu'il faut également y apporter beaucoup d'eau. Un point problématique dans le contexte de sécheresses répétées que nous connaissons actuellement. 


    Réchauffement climatique : la Terre s’en remettra mais dans 100 000 ans !

    À l'image de la crise climatique actuelle, la Terre a connu dans son histoire de nombreuses variations de température, parfois extrêmes et ayant entraîné des extinctions de masseextinctions de masse. Pourtant, le climat a toujours réussi à se réguler à la suite de ces événements dramatiques, suggérant l'existence d'un puissant mécanisme de résilience. D'après cette nouvelle étude, ce mécanisme, lié à l'altération des silicates, serait de l'ordre de 100 000 ans.

    Article de Morgane GillardMorgane Gillard publié le 18 novembre 2022

    Si nous sommes actuellement à l'orée d'une catastrophe climatique, ce n'est cependant pas la première fois que la Terre connaît ce genre de crise. L'histoire de notre Planète est en effet jalonnée de nombreuses variations climatiques, parfois extrêmes, qu'il s'agisse de glaciationsglaciations ou de périodes d'intenses réchauffements. Certains de ces épisodes sont d'ailleurs associés à des extinctions de masse. Ces événements ont joué un rôle majeur dans l'histoire de la vie sur Terre, car s'ils sont associés à un effondrementeffondrement de la biodiversité, ils ont permis l'émergenceémergence de nouvelles espècesespèces. Un processus, qui, de fil en aiguille, a mené à l'apparition d'Homo sapiensHomo sapiens.

    Des crises climatiques extrêmes au final toujours résorbées

    Il apparaît donc clairement que malgré ces épisodes dramatiques qu'a subis l'environnement terrestre, la vie, au cours de ses 3,7 milliards d'années d'existence, a toujours réussi à reprendre son essor. Et cela grâce à un mécanisme de résilience climatique qui a, à chaque fois, permis au climat terrestre de retrouver des températures globales stables et favorables au développement des espèces. Même après les événements catastrophiques comme celui du maximum thermique du Paléocène-Éocènemaximum thermique du Paléocène-Éocène il y a environ 55 millions d'années, durant lequel la température a augmenté de +5 à +9 °C pour atteindre une valeur moyenne globale de 32 °C durant le pic, la Terre ne s'est pas transformée durablement en un enfer aride et invivable. Progressivement, des mécanismes physico-chimiques ont permis de faire baisser les températures et de retomber dans une moyenne plus acceptable pour les espèces vivantes. Pour les scientifiques du MIT (Massachusetts Institute of Technology), il est d'ailleurs nécessaire qu'un tel mécanisme de résilience existe, car sinon les températures globales n'auraient fait qu'augmenter progressivement. Or, ce n'est clairement pas ce qui est observé à l'échelle des temps géologiqueséchelle des temps géologiques.

    Évolution des températures du Paléocène à nos jours. Le maximum thermique est visible comme un pic très abrupt à la limite paléocène-éocène. © Robert A. Rohde, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    Évolution des températures du Paléocène à nos jours. Le maximum thermique est visible comme un pic très abrupt à la limite paléocène-éocène. © Robert A. Rohde, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Pour les chercheurs, cette résilience serait étroitement liée au mécanisme d'altération des silicates, un processus géologique qui se déroule à l'échelle microscopique et qui implique des réactions chimiquesréactions chimiques qui permettent de réguler le taux de CO2 dans l'atmosphère.

    Un mécanisme de résilience qui se joue en continu sous nos pieds

    Car le problème du CO2 n'est pas nouveau. Chaque épisode de réchauffement global extrême a été associé à de très forts taux de ce gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Or, il s'avère que le CO2 est l'une des moléculesmolécules qui entre dans l'équation chimiqueéquation chimique de l'altération par l'eau de certains minéraux silicatés.

    Pour rappel, la croûte continentale est majoritairement composée de minéraux silicatés, comme les feldspathsfeldspaths et le quartzquartz, qui entrent dans la composition des roches magmatiquesroches magmatiques. La surface de la croûte terrestrecroûte terrestre est cependant soumise à l'action de l'eau (intempéries, rivières...), qui va progressivement, par réaction chimique, altérer ces minéraux pour en produire de nouveaux. Ainsi, en présence d'eau et de CO2, l'anorthite (feldspath plagioclase) se décompose pour former des ionsions calciumcalcium (Ca2+), des ions bicarbonates (HCO3-), est un nouveau minéralminéral, la kaolinite, qui est une forme simple d'argileargile. Cette réaction consomme donc de l'eau et beaucoup de CO2. Les produits de cette réaction vont être transportés par les rivières jusque dans les océans. Là, les argiles vont sédimenter, alors que les ions calcium et bicarbonate vont être utilisés par les organismes marins pour produire leur coquillecoquille. Même si cette réaction de précipitation va alors produire du CO2, c'est en quantité moindre par rapport à la consommation engendrée lors de l'altération. Une fois les organismes morts, leurs coquilles, composées de CaCO3, vont venir se déposer sur le fond océanique pour y être stockés sur des millions d'années. Au final, il apparaît que le bilan CO2 de ce cycle est négatif, ce qui fait que l'altération des silicates et le cycle général des carbonates-silicates sont considérés comme des puits de carbone.

    Cycle des carbonates-silicates : l'altération des silicates permet de capturer de grandes quantités de CO<sub>2</sub> et de réguler le climat terrestre sur des périodes de l'ordre de 100 000 ans. © Gretashum, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 4.0
    Cycle des carbonates-silicates : l'altération des silicates permet de capturer de grandes quantités de CO2 et de réguler le climat terrestre sur des périodes de l'ordre de 100 000 ans. © Gretashum, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    Un retour à la normale au bout de quelques centaines de milliers d’années

    De ce fait, le rôle de ce cycle dans la régulation du climat est depuis longtemps scruté par les scientifiques. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Science Advances, des chercheurs du MIT viennent de démontrer que ce mécanisme serait bien responsable de la rééquilibration du climat après les crises climatiques, du moins celles survenues sur les derniers 66 millions d'années. Leurs résultats, basés sur des simulations numériquessimulations numériques, montrent que si ce mécanisme semble très efficace, il est également très long. La résilience climatique prendrait ainsi environ 100 000 ans, voire plus. Une duréedurée courte à l'échelle des temps géologiques, mais plutôt longue à l'échelle humaine ! Si cette nouvelle est donc positive, dans un certain sens, puisqu'elle implique que le réchauffement climatiqueréchauffement climatique actuel sera un jour ralenti et que le climat retrouvera graduellement un équilibre, la durée du mécanisme de résilience fait que cela ne change rien à nos problèmes immédiats ni à ceux que connaîtront les futures générations.

    La Terre s'en remettra, oui, la vie aussi, d'une façon ou d'une autre. Mais nos sociétés ? Voilà qui est bien moins sûr, sauf si nous décidons d'agir pour limiter le réchauffement avant que le processus ne s’emballe. Et il est plus que temps.