Quand le réchauffement climatique anthropique s’arrêtera-t-il ? La question a longtemps fait débat. Mais les scientifiques s’orientent désormais vers un consensus. Lorsque nous arrêterons d’émettre des gaz à effet de serre (GES), les températures devraient arrêter de grimper.


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    Le réchauffement climatique a d'ores et déjà dépassé la barre des +1 °C. Mais s'arrêtera-t-il à +1,5 °C ? De plus en plus de scientifiques en doutent. Pour comprendre pourquoi, revenons un instant au point de départ. À nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Sur ce point, il y a consensus. Notre responsabilité dans le réchauffement en cours est « sans équivoque ». Chaque nouvelle tonne de gaz à effet de serre que nous libérons dans l'atmosphère fait grimper un peu plus les températures.

    Le réchauffement, une question de quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère

    Dans sa chronique diffusée sur France Info tous les samedis, François Gemenne, l'un des co-auteurs du sixième rapport du Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du ClimatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du Climat, proposait, il y a quelques semaines, une image qui parlera à tous. Celle d'une baignoirebaignoire qui continue de se remplir tant que l'eau continue à couler du robinet. Ralentir, même très fortement, le débitdébit du robinet ne suffit pas à stabiliser le niveau de l'eau. La seule solution, c'est de couper l'arrivée d'eau. Et pour que le niveau redescende, il faudra patienter jusqu'à ce que l'évaporation fasse son œuvre.

    Voyez donc la baignoire comme notre atmosphère et l'eau comme le dioxyde de carbone (CO2) -- ou plus largement, les gaz à effet de serre. Réduire nos émissionsémissions ne servira qu'à ralentir le rythme de l'augmentation des températures. Mais pour réellement arrêter le réchauffement climatique anthropique, il faut impérativement arriver au zéro émission nette. C'est ce que l'on appelle une condition sine qua non. Car c'est bel et bien l'accumulation de CO2 dans notre atmosphère qui provoque le réchauffement climatique. Ainsi, tant que nous continuerons à émettre des GES, il continuera à s'en accumuler dans notre atmosphère et les températures continueront d'augmenter.

    Pour arrêter le réchauffement, il suffit donc d'arrêter d'émettre des GES. Problème résolu ? Pas tout à fait. Parce que comme souvent en sciences, les choses ne sont pas si simples. Pas si binairesbinaires.

    Bonne nouvelle, le réchauffement peut s’arrêter quand nous le déciderons

    Pendant un temps, les scientifiques ont ainsi pensé que même si nous arrêtions immédiatement d'émettre du CO2, le réchauffement anthropique se poursuivrait pendant des décennies. Voire des siècles. Mais aujourd'hui, les modèles climatiques intègrent des processus physiquesphysiques, chimiques et même biologiques qui permettent de mieux décrire la réalité. Pour faire simple, disons que les premiers modèles considéraient qu'un arrêt des émissions équivaudrait à des concentrations dans l'atmosphère qui se stabiliseraient. Avec pour résultat, une température des océans qui continuerait d'augmenter lentement pendant des décennies. Nous menant à un réchauffement supplémentaire -- un Zero Emissions Commitment (ZEC) positif, comme l'appellent les scientifiques -- de +0,5 °C environ. Il nous serait donc déjà impossible de maintenir le réchauffement sous le seuil des +1,5 °C.

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    Or, la réalité est autre. Car la terre et les océans absorbent sans relâche une part du CO2 atmosphérique. Ainsi, une fois le zéro émission nette atteint, les concentrations en GES dans notre atmosphère diminueront assez rapidement. Si les océans continuent bien de se réchauffer, ce réchauffement est compensé par la baisse des niveaux de CO2 dans l'atmosphère.

    Une étude parue il y a quelques jours dans la revue Frontiers in Science confirme que les modèles climatiquesmodèles climatiques les plus précis et les plus complets du moment donnent un ZEC proche de zéro, au moins pour les 50 prochaines années. Comprenez que tant que nous n'aurons pas brûlé plus de 3 700 Gt de carbone -- nous en sommes à environ 2 500 --, l'arrêt de nos émissions coïncidera avec un arrêt du réchauffement. De quoi nous donner l'espoir de nous maintenir sous la barre des +1,5 °C.

    Puits de carbone et autres surprises à venir

    Certaines questions restent peut-être tout de même en suspens. La question du zéro émission versus zéro émission nette, par exemple. Car lorsque nous parlons de zéro émission nette, nous considérons à juste titre que l'important est dans l'équilibre des sources et des puits de CO2. Mais le niveau naturel ou anthropique de ces derniers pourrait changer la donne. Par des stockages anthropiques de carbone, nous pourrions, par exemple, saturer les processus naturels. Et finalement amoindrir les capacités de stockages des puits de carbonepuits de carbone naturels.

    La baisse de la pollution qui accompagnera la réduction de nos consommations d'énergie fossile et qui apparaît de prime abord comme une excellente nouvelle pourrait aussi nous jouer un mauvais tour. Car qui dit pollution, dit aérosolsaérosols dans l'atmosphère. Or, ces aérosols réfléchissent une partie du rayonnement qui nous arrive du soleilsoleil. Et refroidissent ainsi légèrement la Terre. De quoi réduire d'environ un tiers le réchauffement en cours, selon les chercheurs. Une diminution de ces aérosols coïncidera ainsi avec une diminution de ce refroidissement. En d'autres mots, avec une compensation moindre du réchauffement climatique.

    Et tout le raisonnement que nous venons de développer dépend lui-même de ce que nous entendons par réchauffement climatique. Car si les températures devraient bel et bien arrêter d'augmenter avec le zéro émission nette, les effets du réchauffement que nous avons initié devraient en effet, eux, perdurer un moment. Les glaces continueront probablement de fondre. Le niveau de la mer de monter. Mais finalement, nous avons toujours entre nos mains, le pouvoir de décider de l'ampleur du réchauffement climatique qui nous attend !