Les étendues de glace reflètent la lumière du Soleil comme aucune autre. Mais avec le réchauffement climatique, elles semblent perdre de ce pouvoir réfléchissant. Et cela pourrait avoir un impact sur la vitesse de la fonte.


au sommaire


    Pour estimer correctement l'ampleur du réchauffement climatique anthropique dans les années à venir, il est crucial de comprendre non seulement combien notre Terre reçoit de chaleurchaleur et combien elle en retient, mais aussi combien elle en renvoie vers l'espace. Les scientifiques expliquent ainsi que les surfaces glacées renvoient plus efficacement le rayonnement que les surfaces rocheuses, par exemple. Les premières étant plus claires et bénéficiant ainsi de ce que les chercheurs appellent un albédo plus important.

    Une glace de moins et moins réfléchissante

    Mais une équipe de l'université de Californie et de l'université du Michigan (États-Unis) rapporte aujourd'hui justement que le pouvoir réfléchissant de la glace tel qu'injecté dans les modèles climatiques pourrait bien avoir été surestimé. Dans le Journal of Geophysical Research, les scientifiques évoquent un chiffre de 5 %. En cause, des algues et des poussières qui semblent rendre la glace moins réfléchissante au fur et à mesure que notre monde se réchauffe.

    Le saviez-vous ?

    L’albédo de la neige peut aller jusqu’à 0,90. Celui du sable est de l’ordre de 0,25 et celui de la lave, de pas plus de 0,05.

    Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont étudié des données satellites sur l'albédo de la calotte glaciaire du Groenland qu'ils ont comparées aux estimations des modèles. Une fois la nouvelle réflectivité de la glace intégrée au modèle, ils ont constaté des prévisions de fontefonte de la calotte de glace à un rythme d'environ six gigatonnes de plus.

    Un phénomène mondial ?

    Les chercheurs comptent désormais mener un travail similaire sur d'autres étendues de glace, pour vérifier si l'écart se confirme à l'échelle de la planète. Ils pensent notamment aux glaciers des Andes et de l'Alaska.


    Au Groenland, la surface plus sombre fait fondre la glace plus vite

    Des poussières minérales, emportées par le vent et venues se déposer sur les neiges du Groenland, ont, ces dernières années, réduit l'albédo de la surface, accélérant les fontes printanières se produisant à la surface de l'inlandsis. Un effet qui augmente celui de l'élévation de la température de l'airair.

    Article du CNRS paru le 14/06/2014

    Dans une publication parue le 8 juin dans Nature Geoscience, des chercheurs de MétéoMétéo-France et du CNRS viennent de montrer que la neige recouvrant la calotte groenlandaise au printemps est plus sombre depuis 2009 à cause d'un accroissement des dépôts d'impuretés. Cet assombrissement a contribué à la récente fonte accélérée de la calotte et pourrait amplifier le changement climatique sur la calotte.

    L'énergieénergie solaire absorbée par la surface de la calotte groenlandaise dépend de la blancheur, donc du pouvoir réfléchissant -- l'albédo --, de la neige qui la recouvre. L'albédo varie essentiellement avec la taille des grains de neige et la quantité d'impuretés absorbantes contenues dans le manteaumanteau neigeux. Grâce à des satellites observant la surface du Groenland dans le visible et l'infrarougeinfrarouge, Marie Dumont, du Centre d'études de la neige du CNRM-GAME (CNRS/Météo-France), et ses collègues viennent de mettre en évidence que depuis 2009, la neige présente à la surface du Groenland au printemps et en été était moins blanche qu'auparavant.

    Évolution de l’albédo vue par les satellites depuis 2003 pour les points élevés (supérieurs à 2.000 m d’altitude) de la calotte groenlandaise entre avril et juillet. Depuis 2008-2009, on observe une baisse de l’albédo, c'est-à-dire du pouvoir réfléchissant. Au cours de l’été, cette diminution est attribuée au grossissement des grains et à l’élévation de température. Au printemps, ces travaux permettent de montrer qu’elle est également due à une plus forte concentration en impuretés absorbantes dans la neige de surface. © M. Dumont <em>et al.</em>, <em>Nature Geoscience</em>, CNRS
    Évolution de l’albédo vue par les satellites depuis 2003 pour les points élevés (supérieurs à 2.000 m d’altitude) de la calotte groenlandaise entre avril et juillet. Depuis 2008-2009, on observe une baisse de l’albédo, c'est-à-dire du pouvoir réfléchissant. Au cours de l’été, cette diminution est attribuée au grossissement des grains et à l’élévation de température. Au printemps, ces travaux permettent de montrer qu’elle est également due à une plus forte concentration en impuretés absorbantes dans la neige de surface. © M. Dumont et al.Nature Geoscience, CNRS

    Des impuretés minérales venues d'ailleurs

    L'assombrissement estival est bien connu. Il a déjà fait l'objet de précédents travaux ayant montré qu'il était un maillon d'une « boucle de rétroactionboucle de rétroaction positive » du système climatique : sous l'effet du réchauffement climatiqueréchauffement climatique, la température estivale de la neige de surface augmente, ce qui entraîne un grossissement des grains de neige. Cet accroissement de taille induit une diminution de l'albédo et donc une augmentation de l'absorptionabsorption de l'énergie solaire par la surface qui amplifie le réchauffement initial.

    La nouveauté concerne le printemps : cette étude montre pour la première fois que l'assombrissement est à cette saisonsaison lié à la présence croissante d'impuretés dans la neige. Les images satellites révèlent par ailleurs des impuretés colorées et non noires comme le carbonecarbone suiesuie, ce qui indique qu'elles pourraient être constituées de poussières minérales. Les chercheurs avancent l'hypothèse que la poussière minérale rendue disponible par une fonte plus précoce de la couverture neigeuse saisonnière aux hautes latitudeslatitudes de l'inlandsis serait transportée par le vent et se redéposerait sur la calotte groenlandaise.

    La modélisationmodélisation numériquenumérique permet en outre de conclure que cet assombrissement printanier a pu contribuer à la récente accélération de la fonte du Groenland. Il induirait en effet un réchauffement plus précoce de la neige de surface, ce qui renforcerait la boucle de rétroaction positive se mettant en place en été. L'augmentation possible du dépôt d'impuretés dans le futur doit donc être prise en compte dans les projections climatiques de l'évolution de l'état du Groenland et de son effet sur l'élévation du niveau des mers.

    Cahiers de Futura

    ---

    NOUVEAU. Le Mag Futura se transforme en version 100% numérique. Découvrez Les Cahiers de Futura et explorez chaque trimestre les futurs possibles à partir de 25€/an. 

    En ce moment, profitez d'un code promo spécial (code promo : ETE2024) de -30% pour vous abonner aux Cahiers de Futura, et bénéficiez de l'abonnement annuel à seulement 17.50€ ! 

    JE PROFITE DE LA RÉDUCTION 

    J'ACHÈTE CE NUMÉRO

    Futura est un média scientifique indépendant et engagé qui a besoin de ses lecteurs pour continuer à informer, analyser, décrypter. Pour encourager cette démarche et découvrir nos prochaines publications, l'abonnement reste le meilleur moyen de nous soutenir.