Alors qu'une étude accablante sur la disparition des papillons vient de sortir concernant l'Angleterre, Futura a interrogé plusieurs experts sur la situation en France. Il s'avère que la disparition des papillons est au moins aussi grave dans notre pays, avec des conséquences « plus importantes que ce que les êtres humains n'ont jamais connu », selon les spécialistes.
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Au Royaume-Uni, 80 % des espèces de papillon sont en déclin, selon l'organisation Butterfly Conservation qui vient de publier un nouveau rapport. Dans ce pays pourtant connu pour sa campagne très verte et ses nombreux jardins, les papillons ont disparu de près de la moitié des lieux qu'ils fréquentaient il y a 50 ans, dans les années 1970. Si l'Angleterre est de loin l'île britannique la plus touchée par la disparition de ces insectes pollinisateurs indispensables au fonctionnement de la nature, les autres pays n'affichent pas de bons résultats non plus : le pays de GallesGalles et l'Irlande voient également s'effondrer leurs populations de papillons. En Écosse, en revanche, le bilan est différent : certaines espèces sont en voie de disparition, alors que d'autres ont proliféré.
Toutes les espèces de papillons de France sont en recul
Pour les experts français de la biodiversité, les résultats de ce rapport anglais n'ont rien d'étonnant. Cependant, la France « ne dispose pas de données aussi précises et lointaines que celles des britanniques : ils ont commencé leurs comptablescomptables dans les années 1970, alors qu'en France, nous avons commencé en 2006 », explique Benoît Fontaine, biologiste de la conservation au Muséum national d'Histoire Naturelle (MNHNMNHN) et à l'Office français de la Biodiversité.
Le constat est, de toute manière, aussi noir dans notre pays d'après l'Opie, l'Office pour les insectes et leur environnement. « Nous avons récupéré les données de présence de chacune de 300 espèces de papillons de jour dans tous les départements français du XXe siècle à aujourd'hui. L'indicateur nous démontre que depuis 2000, 2 espèces sur 3 ont disparu d'au moins 1 département en France métropolitaine. Toutes les espèces françaises ont perdu au moins un département dans lequel elles étaient présentes avant 2000 », précise Gaëlle Sobzyk-Moran, spécialiste des papillons de jour pour l'Opie.
La perte d'habitats liée à l'artificialisation des territoires, l'agriculture intensive et les effets du changement climatiquechangement climatique (sécheresses et canicules en particulier) ont carrément fait disparaître plusieurs dizaines d'espèces en l'espace de 20 ans seulement sur plusieurs départements, comme l'explique la spécialiste : « L'Île-de-France, les Hauts-de-France, la Normandie, la Bretagne, les Pays de la Loire et dans une moindre mesure le Centre-Val de Loire et le Grand Est sont les plus affectés par la perte d'espèces. Pour certains de ces départements, 30 espèces n'ont pas été revues depuis 2000, ce qui représente plus de 50 % des espèces de papillons de jour qui leur étaient connues ».
L'Hermite est l'espèce qui a perdu le plus de départements au cours des 50 dernières années. D'une manière globale, « on observe une diminution de 80 % de la biomassebiomasse des insectesinsectes dans le monde : là où on pouvait récolter 100 kgkg d'insectes sur une zone donnée dans le passé, on en récolte désormais 20 kg », explique Benoît Fontaine.
Vidéo « Que ferions-nous sans les insectes » de l'Opie. © OpieTiVi, YouTube
La crise qui nous attend est d'une ampleur inégalée
Mais que peuvent faire les Français pour contrer cette disparition massive des insectes pollinisateurs ? « Les citoyens peuvent s'engager en donnant leur avis, prenant des décisions sur leur manière de consommer respectueuse de la biodiversité », selon l'Opie. Privilégier les aliments qui proviennent des agriculteurs respectueux de la biodiversité, agir au sein de sa ville pour un urbanisme plus vert et plus naturel, par exemple. Mais également, participer à l'observation participative pour des organismes tels que l'Opie.
« Quand on mène des actions sur la biodiversité, c'est efficace. Toutes les études montrent qu'un jardin sans herbicideherbicide ni pesticidepesticide est davantage rempli de papillons et d'insectes, donc l'action individuelle a un impact, précise le chercheur du MNHN. Le déclin est vraiment énorme, d'une ampleur dont on ne se rend pas assez compte : ce qui se passe chez les insectes dépasse sans aucune commune mesure l'ampleur de toutes les crises que nous avons connues. C'est toute la chaîne alimentairechaîne alimentaire qui est impactée, et donc notre survie », conclut Benoît Fontaine.