Alors que tout le monde s'accorde à penser que le Covid-19 a eu au moins le mérite de faire comprendre comment la crise de la biodiversité pouvait faire émerger une crise sanitaire planétaire, cette prise de conscience environnementale n'a pas ralenti le massacre de la forêt amazonienne. Au Brésil, les tragédies s'accumulent : déforestation et Covid-19 avancent, hélas, de concert.
[EN VIDÉO] Biodiversité : quand la cupidité anéantit des espèces magnifiques Si la Terre abrite nombre d'espèces incroyables, elle a également vu naître une espèce dont la cupidité et l'arrogance pourraient venir à bout des autres terriens : l'humain. Est-il possible de regarder factuellement quel impact ont ces deux vices sur la biodiversité ?
Le monde entier est concentré sur la pandémie de coronavirus. Pendant ce temps-là, la déforestation de la jungle amazonienne s'est accélérée cette année, suscitant des craintes que ne se répète la dévastation record de l'année dernière.
De fait, la déforestation en Amazonie brésilienne a atteint un nouveau sommet au cours des quatre premiers mois de l'année, selon des données publiées vendredi par l'Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE), qui utilise des images satellite pour suivre la destruction : ce sont environ 1.300 kilomètres carrés de forêt qui ont disparu de début janvier à fin avril 2020, l'équivalent de 1.800 terrains de football.
Cela représente une augmentation de 55 % par rapport à la même période de l'année dernière, la plus élevée depuis que ces observations mensuelles ont commencé, en août 2015. Ces chiffres soulèvent de nouvelles questions sur la façon dont le Brésil protège sa part de la plus grande forêt tropicale du monde sous le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, un climato-sceptique notoire qui préconise l'ouverture des terres protégées à l'exploitation minière et à l'agriculture.
« Malheureusement, il semble que ce à quoi nous pouvons nous attendre cette année, ce sont des incendies et une déforestation record », a déclaré Romulo Batista, militant de Greenpeace, dans un communiqué.
Un cautère sur une jambe de bois
En 2019, pour la première année de Jair Bolsonaro dans ses fonctions, la déforestation a grimpé de 85 % en Amazonie brésilienne, avec la destruction de 10.123 kilomètres carrés de verdure. Cette dévastation, à peu près de la taille du Liban, avait créé un émoi mondial quant à l'avenir de la jungle, considérée comme vitale dans la lutte contre le changement climatique.
La destruction a été provoquée par des incendies de forêt record qui ont ravagé l'Amazonie de mai à octobre, en plus de l'exploitation illégale forestière et minière, et de pratiques agricoles sur des terres protégées.
« Le début de l'année n'est pas le moment où la déforestation se produit normalement, car il pleut beaucoup, observe Erika Berenguer, environnementaliste aux universités d'Oxford et de Lancaster. Par le passé, lorsqu'on voyait la déforestation augmenter dès le début de l'année, cela indiquait que, lorsque la saison de déforestation commencera (fin mai), il y aura également une augmentation. »
Jair Bolsonaro a autorisé cette semaine l'armée à se déployer en Amazonie pour lutter contre les incendies et la déforestation à partir du 11 mai. Il l'avait déjà fait l'année dernière après avoir essuyé de cinglantes critiques de la part de la communauté internationale pour avoir minimisé ces incendies.
Les écologistes, de leur côté, estiment qu'il serait préférable de soutenir davantage les programmes de protection de l'environnement. Sous la présidence Bolsonaro, l'agence environnementale Ibama a dû faire face à des réductions de personnel et de budget. Et le mois dernier, le gouvernement a limogé le plus haut responsable chargé de l'application des lois environnementales de l'agence qui avait, peu avant, autorisé une descente de police sur des mines illégales, devant les caméras de télévision.
La stratégie militaire du gouvernement ne porte que sur les incendies, sans tenir compte du fait qu'ils sont souvent causés par des fermiers illégaux et des éleveurs qui abattent des arbres, puis les brûlent, déplore Erika Berenguer : « C'est comme prendre du paracétamol quand on a mal aux dents : ça va réduire la douleur, mais si c'est une cavité, ça ne va pas la guérir », dit-elle à l'AFP.
Quand les tragédies s'accumulent
L'épidémie de coronavirus dans le pays, qui a fait officiellement près de 10.000 morts parmi quelque 150.000 personnes contaminées, complique encore les choses. L'État de l'Amazonas, largement couvert par la nature, est l'un des plus touchés. Avec une seule unité de soins intensifs, il a été débordé par l'épidémie. Les craintes portent aussi sur les communautés indigènes, historiquement très vulnérables aux maladies venues d'ailleurs. Et les écologistes craignent aussi que la protection de la forêt soit délaissée en raison de la lutte contre le Covid-19.
Le maire de la capitale de l'Amazonas, Manaus, a fait le lien entre les deux tragédies cette semaine, dans un appel à l'aide. « Nous avons besoin de personnel médical, de respirateurs, d'équipement de protection, tout ce qui peut sauver les vies de ceux qui protègent la forêt », a lancé Arthur Virgilio.
Amazonie : déforestation record en janvier au Brésil
Article de Futura avec l'AFP-Relaxnews, publié le 10 février 2020
Plus de 280 km² déboisés en Amazonie brésilienne. Il s'agit du chiffre qui a plus que doublé en janvier par rapport au même mois de 2019, selon les données de l'Institut de recherches spatiales (INPE), organisme brésilien qui mesure la déforestation.
La déforestation en Amazonie brésilienne a plus que doublé en janvier par rapport au même mois de l'an dernier (+108 %), avec plus de 280 km2 déboisés, un record, d'après les données officielles préliminaires rendues publiques vendredi. Il s'agit de la plus grande surface déboisée pour un mois de janvier depuis la mise en service en 2015 du système DETER, basé sur des alertes de déforestation identifiées par satellite, de l'Institut national de recherches spatiales (INPE). À titre de comparaison, elle s'élevait à 136 km2 en janvier 2019, 183 km2 en 2018 et 58 km2 en 2017.
Une surface déboisée record en Amazonie brésilienne
À la mi-janvier, les données de l'INPE faisaient état d'une augmentation de 85 % de la déforestation en 2019 (9.166 km2), première année de mandat du président d'extrême droite Jair Bolsonaro, par rapport à l'année précédente (4.946 km2).
Le président Bolsonaro avait défrayé la chronique en août en tentant de minimiser la recrudescence d'incendies de forêt qui avaient choqué le monde entier. Le 2 août, l'ex-président de l'INPE, Ricardo Galvao, avait été limogé par le gouvernement Bolsonaro après avoir été accusé d'exagérer l'ampleur de la déforestation. En décembre, M. Galvao a été choisi parmi les 10 scientifiques les plus importants de l'année par la revue de référence britannique Nature.
Un projet de loi très controversé
Mercredi, Jair Bolsonaro a donné son aval à un projet de loi controversé qui prévoit notamment d'autoriser l'exploration minière sur des terres indigènes, ce qui aurait pour effet de stimuler la déforestation, selon de nombreuses ONG. Ce projet de loi, qui doit encore être approuvé au Parlement, a été qualifié de « rêve » par le chef de l'État, mais de « cauchemar » par des leaders indigènes et des militants écologistes.