Les forêts du continent africain brûlent aussi, suscitant l'émoi légitime de la communauté internationale et faisant tristement écho aux incendies de la forêt amazonienne. Cependant, la nature et les causes de ces feux en Afrique diffèrent des incendies que connaît actuellement le Brésil. 

 


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    La thèse embrase des esprits surchauffés : ces jours-ci, les forêts d'Afrique centrale brûleraient encore plus vite que l'Amazonie, et dans l'indifférence générale contrairement aux incendies au Brésil qui ont enflammé les discours des grandes puissances réunies en France jusqu'à lundi.

    Mais il ne s'agit pas d'incendies de même nature et leurs causes sont différentes. Abondamment relayée, une carte satellitaire de la NasaNasa montre en rouge incandescentincandescent la zone des départs de feufeu qui prennent le cœur du continent en écharpe, du Gabon à l'Angola, de l'Atlantique à l'Océan indien. L'inquiétude est remontée jusqu'au G7 de Biarritz. « La forêt brûle également en Afrique subsaharienne. Nous sommes en train d'examiner la possibilité d'y lancer une initiative similaire à celle que nous venons d'annoncer pour l'Amazonie », a tweeté le président français Emmanuel Macron. Les pays du G7 veulent débloquer d'urgence 20 millions de dollars pour envoyer des avions bombardiers d'eau lutter contre les incendies de forêts en Amérique du Sud.

    Un spécialiste de l'Afrique note toutefois que les feux observés par la Nasa, au 27 août depuis ces dernières 24 heures, ne correspondent pas aux zones des forêts du bassin du fleuve Congo. © Nasa
    Un spécialiste de l'Afrique note toutefois que les feux observés par la Nasa, au 27 août depuis ces dernières 24 heures, ne correspondent pas aux zones des forêts du bassin du fleuve Congo. © Nasa

    Ces Canadairs vont-ils bientôt aussi survoler les forêts primaires du Gabon en remplissant leur réservoir dans les rapides du fleuve Congo ? L'inquiétude du président français est légitime. La forêt du bassin du Congo est communément comparée au deuxième poumon vert de la Planète, après l'Amazonie. Elle couvre une superficie d'environ 2 millions de km2 sur plusieurs pays, dont une moitié en République démocratique du Congo (RDC), et le reste dans les pays voisins (Gabon, Congo, Cameroun et Centrafrique). Comme l'Amazonie, les forêts du bassin du fleuve Congo absorbent des tonnes de CO2 dans leurs arbres et tourbières. Elles sont des sanctuaires d'espèces en voie de disparition (éléphants des forêts, grands singes...).

    La forêt du bassin du Congo est le deuxième poumon vert de la Planète

    Prudence cependant. Les feux observés en Afrique sur les cartes de la Nasa « ne sont pas dans cette zone (de forêt), mais plutôt en Angola, en Zambie etc... », relève Guillaume Lescuyer, spécialiste de l'Afrique centrale au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Dans un communiqué, l'Angola s'est agacé des comparaisons hâtives avec le Brésil « qui peuvent conduire à une dramatisation de la situation, et une désinformation des esprits les plus imprudents ».

    Ce sont des « feux ordinaires » en saison sèche

    Ces feux sont ordinaires en cette fin de saison sèche, ajoute le ministère angolais de l'Environnement : « Il se trouve qu'à cette époque de l'année, dans plusieurs régions de notre pays, il y a des incendies provoqués par les agriculteurs en phase de préparation des terres, en raison de la proximité de la saison des pluies. »

    « La forêt brûle en Afrique mais pas pour les mêmes causes, détaille Tosi Mpanu Mpanu, ambassadeur et négociateur climat pour la RDC aux conférences climat des Nations unies. En Amazonie, la forêt brûle essentiellement à cause de la sécheressesécheresse et du changement climatiquechangement climatique. Mais en Afrique centrale, c'est essentiellement dû aux techniques agricoles ».

    Les incendies en Afrique. © Sabrina Blanchard, AFP
    Les incendies en Afrique. © Sabrina Blanchard, AFP

    Pratique millénaire et artisanale, aux antipodes des cultures intensives de sojasoja au Brésil, l'agricultureagriculture itinérante sur brûlis est la première cause de la déforestationdéforestation. En RDC, où seulement 9 % de la population a accès à l'électricité, les communautés villageoises n'ont que le boisbois pour faire bouillir la marmite. « Au rythme actuel d'accroissement de la population et de nos besoins en énergieénergie, nos forêts sont menacées de disparition à l'horizon 2100 », s'est inquiété la semaine dernière le président congolais Félix Tshisekedi.

    Les ressources naturelles aiguisent les appétits mercantiles 

    Aux risques d'incendies, s'ajoutent la déforestation qui menace les essences (Okoumé du Gabon, Afrormosia de la RDC...) et l'exploitation des ressources naturelles (pétrolepétrole et mines). « On estime que le couvert forestier de la RDC est passé de 67 % à 54 % du territoire entre 2003 et 2018. La déforestation est réelle, regrette M. Mpanu Mpanu, le "Monsieur Climat" de la RDC aux réunions annuellesannuelles des COP. La RDC a pris un engagement international de stabiliser son couvert forestier à 63,5 % de son territoire (2,3 millions de km2 au total). Et l'on est en train de perdre ce combat-là ».

    Nos forêts sont menacées de disparition à l'horizon 2100

    Les pays ont mis en oeuvre des politiques de préservations de l'environnement. Le Gabon affirme que ses 13 parcs nationaux préservent 11 % de son territoire. La RDC a officiellement décrété un moratoiremoratoire sur l'octroi de nouvelles concessions forestières aux industriels du bois. « Mais le code forestier permet la coupe artisanale. Il y a beaucoup d'opérateurs, les Chinois pour ne pas les citer, qui donnent de l'argentargent pour pouvoir utiliser le permis de coupe des communautés villageoises », déplore M. Mpanu Mpanu.

    « Nous devons protéger ces forêts qui sont encore largement intactes, et arrêter la dégradation de la forêt équatoriale pour des raisons industrielles ou démographiques », résume le chargé des campagnes de Greenpeace en Afrique centrale, Philippe Verbelen.