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    • Futura-sciences : Dans les années 80, Vous avez participé aux missions martiennesmissions martiennes VikingViking. Quel a été exactement votre rôle ?

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    Olivier de GoursacOlivier de Goursac : Celui d'un stagiaire au tout début. J'étais le dernier étudiant de la mission Viking, intégré à la dernière (et toute petite) équipe du projet, dirigée alors par Conway Snyder, qui était le Directeur scientifique de la mission. On m'avait confié, à la bibliothèque de géologiegéologie planétaire du JPLJPL, le tri et l'archivagearchivage de toutes les images prises depuis la surface de Mars par les atterrisseurs Viking. Dans une pièce à côté, l'assistante de Conway, assemblait à la main (il y avait alors très peu d'ordinateursordinateurs disponibles informatique) de superbes mosaïques d'images prises depuis l'orbite martienne par les sondes orbitales (chacune des 2 missions Viking avait deux orbiteurs et deux atterrisseurs). Le soir, je logeais chez Conway qui me donnait du travail, des cours et des articles scientifiques à lire. Il m'interrogeait chaque lendemain matin au petit déjeuner sur ce que j'avais compris la veille en géologie et en géomorphologiegéomorphologie planétaire. J'avais aussi de nombreuses possibilités au JPL de discuter avec des scientifiques et des ingénieurs et Conway ne manquait aucune occasion de m'inviter à rencontrer ceux de passage qui venaient discuter de la prochaine mission vers Mars qui était alors envisagée (Mars Global Climatology Orbiter, renommée plus tard Mars Observer et qui, après son échec, donna naissance à la mission à succès Mars Global Surveyor qui tourne aujourd'hui autour de Mars). C'est ainsi que j'ai appris « sur le tas » à bien connaître la planète rouge ! C'est dans le cadre de cette mission d'archivage que j'ai commencé à apprendre le traitement des images par ordinateur. En effet, à cette époque, il y avait encore un atterrisseur bien vaillant sur Mars (Viking Lander 1) et nous recevions chaque semaine une image et un relevé météométéo. Parfois, certaines de ces images étaient complémentaires d'autres prises quelque temps auparavant et j'en construisais des panoramas. Il y avait aussi des images prises individuellement sous filtres bleu, vert et rouge : je devais alors reconstituer l'image finale en couleurs ! En 1982, un peu avant la fin de la mission, avec un scientifique de l'Université de l'Etat de Washington (a Seattle), nous avons mis en place une petite exposition permanente au Musée National de l'AirAir et de l'Espace de la ville de Washington. Le Public pouvait découvrir chaque semaine sur un moniteurmoniteur TV une nouvelle image de Mars retransmise en direct. Cette expo ne payait pas de mine, car elle était réalisée sans budget avec les moyens du bord. En plus, elle avait été mise dans un coin sombre, car l'administration du Musée n'y croyait pas beaucoup, reflétant d'ailleurs bien l'opinion de la NASANASA à l'époque, où l'on pensait que cela ne servait à rien de retourner sur Mars, car on croyait tout y avoir découvert... Contrairement aux idées reçues, le succès fut instantané et énorme. Devant l'affluence imprévue des visiteurs, le Musée a dû organiser un circuit et investir dans de beaux panneaux résumant nos découvertes sur Mars. Ce succès confirma le grand intérêt qu'avait toujours le grand public pour Mars !

    • Futura-sciences : Selon vous, qu'est ce que les missions Viking nous ont appris de plus important ?

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    Olivier de Goursac : Que l'eau a coulé massivement sur Mars au début de son histoire et qu'elle ressemble maintenant à une petite Terre qui a gelé trop vite. Il a fallu attendre la mission Mars Global Surveyor de 1997 pour découvrir ces fameuses « fontaines » d'eau récentes, et la mission Mars OdysseyMars Odyssey de 2001 pour la « sentir » aux endroits où elle était visuellement détectable sur les images Viking (cratères aux rebords solidifiés de boues).

    Viking a aussi apporté un début de réponse aux conditions qui permettraient à la vie de subsister sur Mars. En outre, sur ses trois expériences biologiques, l'une a très clairement répondu « oui » à l'existence d'une vie sur Mars aujourd'hui, les deux autres ayant répondu par la négative. Problème : ces deux expériences étaient un million de fois moins sensibles que celle ayant répondu positivement...

    La question de la vie reste donc ouverte et il n'est plus possible aujourd'hui de dire qu'il n'y a pas de vie sur Mars... Nous pouvons seulement dire que nous n'avons pas su configurer correctement nos expériences.

    Gravity Anomaly on Mars © Nasa

    Gravity Anomaly on Mars © Nasa

    • Futura-sciences : Les résultats des expériences des Viking semblent être contradictoires sur l'existence de la vie sur Mars. Pensez-vous que ce genre de problème puisse se reproduire avec les sondes actuelles?

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    Olivier de Goursac : Des trois missions actuelles, une seule est tournée vers la recherche de la vie : Beagle2. Elle va, entre-autres expériences, examiner la toxicitétoxicité ou non du sol pour d'éventuelles bactériesbactéries, et « renifler » l'atmosphèreatmosphère pour y chercher des traces de méthane : si l'on détecte ce gazgaz, ce sera la preuve incontestable que la vie existe encore aujourd'hui sur la planète.

    • Futura-sciences : En 1991, Taurus International et l'Ifremer vous ont demandé d'utiliser votre expérience pour cartographier avec précision l'épave du Titanic. Quel rapport y a t-il entre Mars et la cartographie du Titanic ?

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    Olivier de Goursac : J'ai longtemps étudié aussi la géomorphologie des sites d'atterrissage sur la LuneLune et sur Mars, c'est à dire leur géographie et leur positionnement par rapport aux évènements ayant modelé leur planète. La découverte de l'épave du Titanic en 1987 m'a fasciné. A l'époque, je souhaitais réaliser -pour moi seul- une maquette précise du site de l'épave du Titanic et j'avais contacté à cet effet la société Taurus International (co- découvreur avec le Woods Hole Institute et l'Ifremer de l'épave) pour avoir un descriptif complet. Taurus -exceptionnellement- m'a donné l'accès à l'ensemble des vidéos récupérées autour de l'épave par 3800 m de fond au cours de toutes ses campagnes et m'a permis de rencontrer les plongeurs qui y sont descendus avec le sous-marinsous-marin Nautile de l'Ifremer. Le moment le plus émouvant de ces vidéos, c'est lorsque les plongeurs grattent avec le bras robotiquerobotique du sous-marin l'avant de la coque de l'épave pour enlever les concrétionsconcrétions de rouillerouille : on y découvre alors le mot « Titanic » encore bien visible ! Peu après, ayant eu connaissance de mes recherches, l'Ifremer m'a contacté, car elle souhaitait que soit exposée une maquette de l'épave du Titanic au sein du Musée National de la Mer, alors en constructionconstruction à Boulogne-sur-Mer. J'ai dû ainsi concevoir de nouveau ma maquette en fonction d'impératifs muséographiques. Elle représente de façon très exacte l'état actuel de l'épave cassée en deux grosses moitiés avec tout son champ de débris autour. Elle est suffisamment précise pour permettre à d'autres expéditions d'aller former leurs plongeurs sous-mariniers aux risques sur place. Anecdote amusante : quand, à la chaleurchaleur, j'ai déformé une coque plastiqueplastique d'un modèle du commerce pour recréer très précisément l'état dans lequel se trouvait la partie arrière au vu des vidéos qui m'avaient été confiées, je me suis aperçu que les deux arbresarbres de transmission auraient dû se tordre symétriquement à l'impact sur le fond et leurs hélices arrière dépasser des sédimentssédiments. Or, seule l'hélice bâbord avait été trouvée jusqu'alors. Lors de l'expédition suivante, j'ai réussi à joindre au téléphone mon correspondant de Taurus qui était sur place dans un navire au-dessus de l'épave en train de préparer la remontée des objets du Titanic. Je lui ai indiqué ma découverte. La plongée suivante, ils ont pris le risque de glisser complètement le sous-marin Nautile à tribord sous le surplomb arrière (c'est très dangereux, car des morceaux pendent partout) et ont pris des photos de l'hélice manquante. Ils m'ont rappelé peu après pour m'annoncer leur succès !

    • Futura-sciences : Vous avez participé à l'organisation de la communication de l'événement Mars Pathfinder aux USA en 1997. Ce fût un succès, notamment sur InternetInternet, n'est-ce pas ?

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    Olivier de Goursac : Oui, jusqu'à 10 millions de connexions le dimanche 6 juillet (l'atterrissage avait eu lieu le 4 juillet) . Le réseau Internet mondial a alors « sauté », car il était tellement saturé que les fournisseurs d'accès n'ont pu suivre la demande. Paradoxalement, c'est en France que cela s'est le mieux passé, car nous avions un site miroirmiroir de la NASA lancé par le site Geoman qui avait prévu, par des accords spéciaux, que les grands hébergeurs et fournisseurs d'accès français débranchent certains sites et laissent leurs capacités disponible pour Pathfinder.

    • Futura-sciences : Début 2004, le public pourra t-il accéder aux informations transmises par les sondes martiennes grâce à Internet ?

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    Olivier de Goursac : Bien sûr. De plus, maintenant en 2004, le réseau Internet est beaucoup plus étoffé qu'en 1997 !

    • Futura-sciences : Aujourd'hui, vous êtes Responsable des Relations Extérieures de l'Association Planète Mars (Mars Society en France). Pouvez vous nous présenter cette association et ses buts ?

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    Olivier de Goursac : (Dire plutôt « Responsable des Relations Extérieures des MISSIONS AUTOMATIQUES») Le but de l'Association Planète Mars est de promouvoir les missions habitées vers la planète rouge. Aider à l'envoi d'un équipage sur Mars est l'objectif de la Mars Society. Elle s'y prépare grâce à des campagnes de simulations de bases martiennes en environnement hostile proche de celui rencontré sur Mars (bases au cratère Haughton dans le grand-nord canadien et en Arizona pour nos amis Américains et bientôt en Islande pour la base européenne). Avant d'envoyer des hommes, nous apprenons à mieux connaître la planète rouge grâce aux sondes automatiques. Voici le sens de ma mission : faire découvrir au grand public la nouvelle frontière de l'humanité : Mars !

    • Futura-sciences : Au sujet des sondes envoyées vers Mars en 2003, pouvez vous nous présenter les différentes sondes ?

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    Olivier de Goursac : Cinq sondes arrivent vers et sur Mars :

    - Nozomi, une sonde orbitale climatologique et pour caractériser les champs magnétiqueschamps magnétiques. Très mal en point, elle n'accomplit pas sa mission et passe au large de la planète...

    - Mars ExpressMars Express : c'est la « Rolls » des missions envoyée sur Mars avec une panoplie extraordinaire d'instruments, sont une caméra quasi-métrique capable de prendre des vues en relief et un radar permettant peut-être de découvrir de vastes lacs d'eau liquideliquide souterrains s'ils existent ...

    Mars Express © Nasa

    Mars Express © Nasa

    - Beagle2 : largué par Mars Express, c'est un petit atterrisseur qui va se poser sur Mars pour essayer de détecter les conditions qui auraient permis à la vie (si elle existe toujours) de se développer ;

    Beagle © Nasa

    Beagle © Nasa

    - Et deux gros roversrovers américains (les Mars Exploration Rovers ou MER) dont la mission est surtout géologique, mais sur des sites où l'eau a pu couler autrefois. On découvrira peut-être des minérauxminéraux créés sous l'action de l'eau qui permettront de caractériser les conditions climatiques régnant au tout début de l'histoire de Mars. Peut-être ont-elles été favorables à l'éclosion de la vie...