Pour tenter d’élucider un mystère vieux d’une vingtaine d’années, des astronomes ont voulu « prendre le pouls » du trou noir stellaire le plus massif qu’ils connaissent. Selon eux, les jets de matière qui s’échappent de ses pôles sont issus d’une couronne de plasma formée alors que le trou noir accrète de la matière.


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    Pour prendre son pouls, il suffit de palper une artèreartère. L'artère radiale, le plus souvent. Celle qui passe sur l'intérieur de notre poignet. Une légère pression et l'on sent la pulsation du flux sanguin. Une pulsation qui trahit les battements de notre cœur. Mais comment prendre le poulspouls d'un trou noir ? C'est ce que des astronomes de l’université de Groningue (Pays-Bas) nous expliquent aujourd'hui.

    Ils se sont tout particulièrement intéressés à GRS 1915 +105. Ce trou noir est situé à environ 36.000 années-lumière de notre Terre. Dans notre Voie lactée. C'est l'un des trous noirs stellairestrous noirs stellaires les plus lourds connus des chercheurs. Il ne pèse pas moins de douze fois plus que notre Soleil. Et il a une compagne. Une étoile tout à fait classique.

    Les chercheurs de l'université de Groningue, donc, ont collecté quinze années de données sur ce trou noir. Des données issues de plusieurs télescopes. Mais ils ont surtout pointé sur lui, tous les trois jours, le Rossi X-ray Timing Explorer, un télescope spatialtélescope spatial de la NasaNasa qui opère dans les rayons Xrayons X. Et mobilisé aussi les antennes du radiotélescoperadiotélescope Ryle (Royaume-Uni). Le tout pour rassembler des informations à la fois sur les couronnes de plasma ultra chaud qui se forment autour des trous noirs accrétant de la matièrematière et sur leur jet radio.

    À gauche, la couronne de plasma qui se forme autour du trou noir lorsqu’il accrète de la matière et à droite, le jet de matière qui finit par s’échapper de ses pôles. © Mendez et al., Université de Groningue
    À gauche, la couronne de plasma qui se forme autour du trou noir lorsqu’il accrète de la matière et à droite, le jet de matière qui finit par s’échapper de ses pôles. © Mendez et al., Université de Groningue

    D’abord une couronne puis un jet

    Les astronomesastronomes comparent leur travail à celui d'un médecin qui prend le pouls de son patient. Ils soulignent en effet qu'à l'image du sang qui ne peut pas être en même temps dans l'oreilletteoreillette et dans les ventriculesventricules, ils montrent aujourd'hui que la matière et l'énergieénergie qui alimente le système ne peuvent pas se concentrer simultanément dans la couronne du trou noir et dans son jet.

    Depuis une vingtaine d'années, la question se posait de savoir si les couronnes de rayons X et les jets radio observés sur des trous noirs ne correspondaient pas finalement à un seul et même phénomène. Et ce n'est qu'en mettant en relation des données sur des échelles de temps très différentes -- de la dizaine d'années à la seconde -- et à des niveaux d'énergie eux aussi très différents -- de la très haute énergie à la très basse -- que les astronomes de l'université de Groningue sont parvenus à une conclusion. Ces deux phénomènes se produisent l'un après l'autre. La couronne de rayons X se transformerait tout simplement en jet radio.

    Mais le travail n'est pas terminé. Les chercheurs vont désormais devoir expliquer comment le rayonnement X qu'ils ont collecté en provenance de la couronne qui entoure le trou noir peut transporter plus d'énergie que ce qu'ils expliquent par la seule température de son disque d'accrétiondisque d'accrétion. Peut-être grâce à l'existence d'un champ magnétiquechamp magnétique. Qui pourrait du même coup expliquer la formation des jets. Un mécanisme que les astronomes imaginent même, pourquoi pas, s'appliquer au trou noir supermassiftrou noir supermassif qui se cache au cœur de la Voie lactéeVoie lactée.