L’imagerie radio australienne semble avoir capté une émission intermittente des plus singulières. Au point qu'actuellement, aucun modèle astrophysique n’est parvenu à résoudre sa source radio. La communauté des astronomes en ébullition n'exclut pas la piste d’une nouvelle catégorie d'objet stellaire.


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    L'équipe de Ziteng Wang a publié le 12 octobre 2021 dans The Astrophysical Journal  le fruit de patientes et persévérantes recherches qui lui a valu d'être relayées sans aucune réserve par les médias internationaux. La notoriété de ces résultats est en réalité proportionnelle au degré de déroutement de la communauté scientifique face à la découverte décelée.

    Askap J173608.2-321635 pousse les astrophysiciens dans leurs retranchements

    Avec la contribution des astronomesastronomes de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (Csiro), les auteurs de l'article partagent leur excitation autour de la détection énigmatique surprise par le radiotélescope Askap, dénommée J173608.2-321635, en raison de ses coordonnées dans le ciel. Ils la décrivent comme une source compacte, de nature variable en radio et qui provient non loin du centre galactique (positionnée à environ 4 et estimée à 32.000 années lumière de la Terre). « Nous avons arpenté le ciel avec Askap dans le but de trouver de nouveaux objets inhabituels dans le cadre du projet Variables and Slow Transients (VAST), de 2020 à 2021 », a contextualisé Tara Murphy, l'une des coauteurs de la publication. Néanmoins, les chercheurs ne s'attendaient pas à rencontrer un tel phénomène dans les données : « Cet objet était unique, dans le sens où il a commencé par être invisible, puis devenir lumineux avant de s'éteindre et finalement réapparaître. Ce comportement est tout simplement extraordinaire ».

    Les images de la première ligne montrent la détection par Askap du signal J173608.2−321635, à la fréquence 888 MHz (voir cadran b), et celles de la seconde ligne révèlent une détection similaire à 1.29 GHz grâce à MeerKAT (voir cadran e). Les échelles de couleurs sont les mêmes pour toutes ces images et correspondent à la densité de flux émis par la source inconnue. © Wang et <em>al., </em>2021
    Les images de la première ligne montrent la détection par Askap du signal J173608.2−321635, à la fréquence 888 MHz (voir cadran b), et celles de la seconde ligne révèlent une détection similaire à 1.29 GHz grâce à MeerKAT (voir cadran e). Les échelles de couleurs sont les mêmes pour toutes ces images et correspondent à la densité de flux émis par la source inconnue. © Wang et al., 2021

    Comme le signal semble intermittent au vu de la fréquence d'apparition - treize fois entre avril 2019 et août 2020 -, un suivi était mené toutes les deux à quatre semaines en parallèle avec l'instrument de l'Observatoire Sarao MeerKAT (Afrique du Sud), plus sensible que Askap même (Askap étant l'acronyme pour Australian Square Kilometer Array Pathfinder). Au grand soulagement des équipes, des ondes radio ont de nouveau été enregistrées à 1.29 GHz, au niveau de cette source présumée issue du plan de la Voie lactée, mais à quelques notables différences près : « Le 7 février 2021, la source a disparu en un seul jour, alors qu'elle avait duré des semaines lors de nos précédentes observations avec Askap », a partagé la superviseure de Ziteng Wang. Un fait plus perturbant encore que sa cadence concerne sa détectabilité dans d'autres longueurs d'ondeslongueurs d'ondes. Aucune contrepartie électromagnétique en rayons Xrayons X, ni dans le proche infrarougeinfrarouge, n'a été constatée dans la même période. De plus, les archives en radio entre 1998 et 2020 ne couvrent a priori pas J173608.2-321635 (d'après les campagnes d'observation NVSS, MGPS-2, Gleam, TGSS, Vlass, VLA, et Atca).

    Askap est à l'affût des sources transitoires et variables de la Voie lactée

    Compte tenu de sa forte densité stellaire et de son taux de formation d'étoilesétoiles, le centre galactique s'avère être une région prometteuse pour la traque aux phénomènes variables (pulsarspulsars, céphéidescéphéides, transitstransits d'exoplanètesexoplanètes, effets de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle ou de plasma) et transitoires (sursautssursauts gamma et radio rapides, supernovaesupernovae, kilonovae, protubérances). Avec les progrès considérables de la radioastronomie, l'étude des objets variables ou transitoires sous le prisme des ondes radio contribuera certainement à révéler les secrets bien gardés par l'UniversUnivers.

    Le télescope Askap de l'agence australienne Csiro. © Askap, Csiro
    Le télescope Askap de l'agence australienne Csiro. © Askap, Csiro

    Le télescopetélescope Askap se décline en un réseau de trente-six antennes radio paraboliques, de douze mètres de diamètre chacune, fonctionnant ensemble par interférométrieinterférométrie radio - équivalent à un télescope de surface collectrice d'environ 4.000 m2. Situé à l'Observatoire de radioastronomie de Murchison (Australie-Occidentale), l'instrument est coordonné depuis octobre 2012 par l'agence gouvernementale australienne Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (Csiro). Grâce à l'acquisition d'une vitessevitesse de relevé extrêmement élevée, Askap figure désormais comme l'un des meilleurs instruments au monde pour cartographier le ciel, sur un large champ de vision, aux longueurs d'onde radio. 

    Tentatives infructueuses d’identification de l’astre étant à l'origine de ces atypiques signaux radio

    À l'issue de nombreuses analyses pour tenter de percer la nature de Askap J173608.2-321635, il en est sorti que la plupart des origines astrophysiquesastrophysiques connues ainsi que vraisemblables ont été écartées. En effet, chacune des interprétations du type étoile variableétoile variable de faible massemasse, étoile à neutronsétoile à neutrons, pulsar ou binaire Xbinaire X aboutit à une contradiction sans équivoque au regard des caractéristiques des signaux détectés et ceux attendus pour de tels objets célestes. Quelques rares possibilités restent cependant en lice, dont le magnétarmagnétar à longue période.

    « Les informations dont nous disposons présentent certaines similitudes avec une autre catégorie émergente d'objets mystérieux connus sous le nom de transitoires radio du centre galactique (GCRT), a déclaré le professeur David Kaplan de l'Université du Wisconsin-Milwaukee dans un communiqué de presse. Bien que notre nouvel objet partage certaines propriétés avec les GCRT, il existe également des différences », d'autant que ces sources sont pour le moment elles-mêmes mal appréhendées. La confirmation d'un GCRT renforcerait donc plus que délierait l'épais mystère autour de ces émissionsémissions radio.

    Une vue d'artiste de la détection Askap J173608.2-321635. © Sebastian Zentilomo
    Une vue d'artiste de la détection Askap J173608.2-321635. © Sebastian Zentilomo

    Par conséquent, afin de mieux contraindre l'intrigante détection de Askap et résoudre son scénario, une surveillance radio continue, accompagnée de recherches de pulsations à des fréquences plus élevées et d'observations multi-longueur d'ondes seront de mise. Entre autres, trancher avec plus de certitude si J173608.2-321635 est unique ou plutôt liée au plan galactique devrait en définitive aider à remonter à sa nature. Enfin, étant donné qu'aucune des discussions traitées dans la publication scientifique n'a permis d'expliquer de manière satisfaisante et surtout complètement le processus à l'étude, il n'est pas à exclure que l'on est affaire à une nouvelle classe d'objets astrophysiques.

    Nous pourrons en avoir le cœur net notamment grâce aux technologies sur le point de devenir opérationnelles : « Au cours de la prochaine décennie, le radiotélescope transcontinental Square Kilometre Array (SKA) sera mis en service. Il sera en mesure de réaliser des cartes d'une résolutionrésolution inouïe du ciel tous les jours. Nous pensons que la puissance de ce télescope nous aidera à résoudre des mystères tels que cette dernière découverte, mais il ouvrira également de vastes pans de l'Univers à l'exploration dans le spectrespectre radio », a conclu la professeure Tara Murphy.