La présence d'eau était soupçonnée depuis des décennies sur la planète naine Cérès. Herschel vient de la confirmer : elle provient peut-être de deux geysers intermittents, comme ceux des comètes.

au sommaire


    Voilà quelques années, Alessandro Morbidelli et ses collègues ont publié dans Nature une série d'articles exposant les implications de simulations numériquessimulations numériques concernant l'histoire du Système solaire. Elles faisaient intervenir, après la formation des planètes internes, la migration des planètes géantes vers l'extérieur du Système solaire. Devenu célèbre aujourd'hui sous le nom de modèle de Nice, ce scénario rendait bien compte de plusieurs caractéristiques du Système solaire, en particulier du Grand Bombardement tardif (ou Late Heavy Bombardment, LHB en anglais), une période de l'histoire du Système solaire qui s'étend approximativement de -4,1 à -3,9 milliards d'années, durant laquelle se serait produite une notable augmentation des impacts météoritiques et cométaires sur les planètes telluriques, et dont la surface de la Lune garde des traces.

    Le modèle de Nice fournit des éléments pour comprendre l'origine de l'eau des océans. On a pensé pendant longtemps qu'elle provenait du dégazage volcanique de la Terre primitive, mais cette hypothèse a été abandonnée au profit d'un apport plus tardif sous forme de comètescomètes, de micrométéorites ou de petits corps célestes provenant de la ceinture d'astéroïdesceinture d'astéroïdes.

    L'origine des océans et le modèle de Nice

    Toutefois, dans les premiers modèles de formation du Système solaire, sa partie interne (qui s'étend du SoleilSoleil à la ceinture d'astéroïdes) devait être composée de corps pauvres en eau. Au-delà, on trouvait en revanche des astresastres riches en glace. On avait donc un peu de mal à expliquer l'origine des océans en faisant intervenir des astéroïdes. Mais avec le modèle de Nice, la migration des planètes géantes, en plus de provoquer le LHB, entraînait un large mélange de comètes et d'astéroïdes de l'époque, de sorte que la ceinture d'astéroïdes devait avoir une composition chimique très diversifiée avec de nombreux corps riches en eau. De plus, les perturbations des orbitesorbites engendrées par cette migration ont dû précipiter bon nombre de ces corps en direction de la Terre.

    Intensité de la raie de l’eau détectée par Herschel le 6 mars 2013, en fonction de la longitude sur Cérès. L’intensité est maximale aux longitudes des régions sombres Piazzi et Region A, suggérant que l’eau est émise depuis ces régions. La courbe en bleu est un modèle qui suppose que ces sources émettent 6 kg d’eau par seconde. © Lesia, Esa, ATG Medialab, Küppers <em>et al</em>.

    Intensité de la raie de l’eau détectée par Herschel le 6 mars 2013, en fonction de la longitude sur Cérès. L’intensité est maximale aux longitudes des régions sombres Piazzi et Region A, suggérant que l’eau est émise depuis ces régions. La courbe en bleu est un modèle qui suppose que ces sources émettent 6 kg d’eau par seconde. © Lesia, Esa, ATG Medialab, Küppers et al.

    Des chercheurs viennent de trouver une preuve de plus de la pertinence du modèle de Nice en annonçant qu'ils ont découvert l'existence d'émissionsémissions intermittentes de vapeur d'eau en provenance de Cérès. La découverte a été réalisée grâce au télescope spatialtélescope spatial Herschel et a donné lieu à une publication dans Nature.

    Cérès, la planète naine

    Rappelons que CérèsCérès a été le premier astéroïde découvert, et qu'il est le plus gros d'entre eux avec un diamètre de près de 950 km. Observé une première fois par Piazzi en 1801, il n'avait pu être retrouvé que grâce aux calculs des éléments de son orbite par Gauss avec sa fameuse méthode des moindres carrés. On estime de plus que Cérès contient un tiers de la massemasse formant la ceinture d'astéroïdes. Il présente en réalité toutes les caractéristiques qui définissent une planète naineplanète naine, comme sont maintenant classifiés des objets comme Hauméa, Makémaké et bien sûr PlutonPluton.

    Les observations d'Herschel mettent fin à un débat qui divisait la communauté scientifique depuis la fin des années 1970. Certaines mesures réalisées dans l'infrarougeinfrarouge proche pouvaient être interprétées comme la présence de glace aux pôles de Cérès, ou pour le moins dans son sous-sol. Mais d'autres signatures spectrales laissaient plutôt penser que cette planète naine était composée de minérauxminéraux l'apparentant aux chondrites carbonées comme Allende. De plus, en raison de la taille et de l'excentricitéexcentricité de l'orbite de Cérès, sa température de surface devait y rendre de la glace d'eau instable, lui permettant de se sublimer rapidement et facilement. Cela n'empêcha pas les planétologues de construire plusieurs modèles de la planète naine avec des poches de glace sous la surface, et même un océan. Ils y étaient encouragés par la possible détection en 1992 de quantités non négligeables d'un radical, HO, produit par la photodissociation de l'eau.

    Les émissions d'eau intermittentes de Cérès

    C'est vraiment en 2012 et 2013 que l'on a commencé à avoir des mesures convaincantes de la présence d'une atmosphèreatmosphère de vapeur d'eau autour de Cérès. Il semble maintenant que les désaccords entre les diverses observations (comme celles, négatives, faites avec le VLTVLT) provenaient du fait que la planète n'est pas sur une orbite circulaire, et qu'elle se comporte donc comme une comète qui dégaze uniquement lorsqu'elle est proche du Soleil.

    En s'aidant des cartes de la surface de Cérès dressées grâce au télescope Hubble, les astronomesastronomes ont localisé deux régions d'où s'élèvent peut-être par intermittence des panaches de vapeur d'eau. On ne devrait pas tarder à en savoir plus, car après avoir quitté VestaVesta, la sonde Dawn est partie en direction de Cérès qu'elle rejoindra en 2015. Elle pourrait donc bien nous donner des images en haute résolutionrésolution d'équivalents des panaches s'élevant d'Europe et d'EnceladeEncelade.